CEDHF 99

 

Chronique d’application jurisprudentielle de la CEDH par la Cour de cassation et le Conseil d’État en 1999

 

I Les droits intangibles. 1

1) l’interdiction de tout traitement inhumain ou dégradant et de tout acte de torture cf. art. 3  CEDH.. 2

2) le principe non bis in idem.. 3

II. Les droits conditionnels. 4

1) le droit à la sûreté  cf article 5 CEDH.. 4

2) le droit au procès équitable rendu par un tribunal impartial  art. 6 CEDH.. 5

a) la nature des droits et obligations de caractère civil 6

b) la contestation du bien-fondé des accusations de nature pénale. 8

c) la composition du tribunal 11

d) l’impartialité du tribunal 13

e) le respect de la présomption d’innocence et le respect des droits de la défense art. 6-2 et 6-3  CEDH   23

3) le droit de mener une vie familiale et privée normale cf art. 8 CEDH.. 25

4)  la liberté de la presse cf art. 10 CEDH.. 32

5) la liberté d’association  (art. 11 CEDH) 35

6) le principe de non-discrimination de l’art. 14 CEDH et le droit aux prestations sociales. 35

7) la garantie du double degré de juridiction (art. 2-1 P.A. n°7 de 1984. 38

 

L’analyse de la jurisprudence d’application de la CEDH devant les Cours suprêmes françaises porte peu sur les droits intangibles mais essentiellement sur les droits conditionnels, notamment les articles 6 et 8. Elle concerne de plus, le principe de non discrimination édicté par l’art. 14 CEDH ouvrant les droits protégés par la CEDH aux droits sociaux ainsi que la garantie du double degré de juridiction.  Les arrêts de la Cour EDH concernant l’objet de cette chronique sont aussi présentés lorsqu’ils concernent la France ou un arrêt rendu par les Cours suprêmes français. 

 

I Les droits intangibles

Les droits intangibles sont au nombre cinq. Il s’agit du droit à la vie de l’art. 2 CEDH, de l’interdiction de tout traitement inhumain et dégradant ainsi que celle de la torture en vertu de l’art. 3, de l’interdiction de tout travail forcé de l’ art. 4, du principe de la légalité des crimes et des délits et de la non-rétroactivité  de la loi pénale de l’art. 7 ainsi que du principe non bis in idem introduit par l ‘art. 4 du protocole additionnel (P.A.) n°7 de 1984.

 

1) l’interdiction de tout traitement inhumain ou dégradant et de tout acte de torture cf. art. 3  CEDH

 

La chambre criminelle de la Cour de cassation a refusé le 13 avril 1999, dans l’arrêt Léonard,  de reconnaître comme traitement inhumain le fait qu’un détenu soit placé dans un quartier disciplinaire non chauffé [1]. Néanmoins, le chauffage en hiver d’un tel quartier devrait relever de la stricte humanité et du respect des détenus, même si un tel manquement ne peut être considéré strictement comme un traitement inhumain ou dégradant, violant l’art. 3 CEDH eu égard aux critères établis par la jurisprudence de la CEDH. Selon la Cour EDH, le traitement dégradant est celui qui, comme une fustigation publique, « humilie grossièrement l’individu devant autrui et le pousse à agir contre sa volonté ou sa conscience » ,  mais aussi le  « traitement qui abaisse l’individu à ses propres yeux »[2].  Le traitement inhumain est celui qui provoque volontairement des souffrances physiques ou mentales d’une intensité particulière. Par contre, la torture est l’acte particulièrement cruel niant la dignité humaine [3].  Les détenus sont aussi bénéficiaires des droits garantis par la CEDH donc, au premier chef, le respect de l’article 3 CEDH dans les conditions de détention. La Cour EDH contrôle aussi les conditions de l’arrestation et de la détention provisoire depuis l’arrêt Tomasi c./ France du 27 août 1992 jusqu’à l'arrêt Selmouni c./ France du 26 juillet 1999.

. La Cour E.D.H. a eu une attitude très réservée lors de sévices occasionnés par les forces de l'ordre pendant la garde à vue d’un nationaliste corse, notamment dans l’arrêt du 27 août 1992 dans  Tomasi c. France où elle affirme que l'intégrité physique de la personne bénéficie d'une garantie absolue pendant la garde à vue [4].

 

2) le principe non bis in idem

 

Le principe non bis in idem a été rarement soulevé en 1999. En vertu du principe non bis in idem, un même fait ne peut entraîner une double déclaration de culpabilité ni être retenu comme circonstance aggravante d’une autre infraction. En conséquence, la chambre criminelle de la Cour de cassation a cassé, le 6 janvier 1999 pour violation de ce principe, un arrêt de cour d’assises retenant les mêmes violences comme élément constitutif du crime de viol, du délit de violences volontaires et comme circonstance aggravante du délit de vol [5]. Il s’agit d’un cas de violation rarissime car très flagrante du principe non bis in idem. Le Conseil d’Etat a rejeté implicitement toute violation du principe non bis in idem dans son arrêt du 28 juillet 1999, GIE Mumm-Perriet Jouet. Il a jugé ici que les amendes prévues par le code du travail dans le cas d’emploi par une entreprise d’étrangers non titulaires d’une autorisation d’exercer une activité salariée ne s’opposaient pas à des poursuites pénales pour les mêmes faits qualifiés pénalement en application des dispositions de l’article 364-2-1 du code du travail, alors applicables prévoyant en sus, soit une peine d’emprisonnement ou une amende [6]. Cet arrêt est conforme à la jurisprudence antérieure des cours suprêmes, autorisant le cumul d’amendes fiscales et de poursuites pénales, notamment, dans l’hypothèse de tentative de soustraction frauduleuse à l’impôt sur le revenu des personnes physiques., la France ayant fait une réserve lors de la ratification de l’art. 4 du P.A. n° 7 de 1984 limitant l’application dudit principe aux infractions jugées devant les juridictions pénales  [7].

 

II. Les droits conditionnels

Il s’agit du droit à la sûreté prévu à l’art. 5 CEDH, du droit au tribunal indépendant et impartial de l’art. 6 CEDH, du droit de mener une vie familiale normale de l’art. 8 CEDH, de la liberté de conviction et d’expression en vertu des art. 9 et 10 CEDH. La CEDH protège aussi la liberté d’association (art. 11), le principe de non-discrimination (art. 14 CEDH) ainsi que  le droit de propriété (art. 1 P.A. n°1) et la garantie du double degré de juridiction (cf. art. 2-1 P.A. n° 7). Ces trois dispositions ont été d’une importance marquante en 1999.

 

1) le droit à la sûreté  cf article 5 CEDH

 

L’année 1999 confirme la jurisprudence des années précédentes, dans la mesure où très peu de demandes de libération de prévenus en détention provisoire formées devant les chambres d’accusation mentionnent expressément les dispositions de l’art. 5 CEDH. En effet, les avocats se contentent d’appuyer leur demande sur les dispositions des articles 144 à 148 du Code de procédure pénale relatives au placement en détention, aux exigences de motivation des décisions des juges d’instruction et des chambres d’accusation dont les décisions doivent répondre à tous les moyens soulevés dans le mémoire déposé par l’avocat à l’appui d’une demande de mise en liberté dans l’attente du jugement. En application de l’article 5-3 CEDH.

La Cour estime que la détention est le seul moyen d’empêcher la réitération des infractions, toute concertation frauduleuse avec le fournisseur de drogue mais aussi d’éviter toute pression sur les usagers de produits stupéfiants. Le trouble à l’ordre public est évoqué implicitement par la Cour relevant que le prévenu, lui-même toxicomane, tirait l’essentiel de ses ressources du trafic de stupéfiants. Il en résulte que la Cour estime que le prévenu ne présenterait aucune garantie du respect d’une libération assortie d’un contrôle judiciaire.

La chambre criminelle de la Cour de cassation affirme, dans un arrêt du 30 juin 1999, le droit pour une personne placée en rétention douanière, d’être informée dans le plus court délai des raisons de son arrestation en application de l’article 5-2 CEDH. Si la Cour rappelle que les agents qui mettent en œuvre la procédure prévue à l’article 60 bis du Code des douanes, permettant de soumettre à des examens médicaux une personne soupçonnée de transporter des produits stupéfiants dans son organisme, peuvent retenir cette personne contre son gré pendant la durée nécessaire au déroulement de ces opérations [8] [9]. La circonstance qu’un passager suspect interpellé en flagrant délit à l’aéroport de Roissy par les agents des Douanes, refuse de subir des examens cliniques ou radiologiques, ne saurait permettre à ces agents de ne pas respecter l’article 5-2 CEDH. C’est pourquoi, la Cour annule la décision d’une chambre d’accusation validant une procédure de rétention douanière suivie d’un placement en détention provisoire alors que la notification des infractions qui lui étaient reprochées n’avait été effectuée par un officier de police judiciaire qu’à cette occasion soit après 6 h 45 de rétention. En effet, la seule information reçue par le suspect pendant ce délai était relative à l’ordonnance prise, en application de l’art. 60 bis C. douanes, par le magistrat délégué  président du T.G.I. prescrivant un examen médical et aux conséquences de son refus de se soumettre à un examen  médical sans porter à sa connaissance les raisons de son arrestation. Mais la chambre criminelle casse cette décision qui n’explique pas les raisons ayant empêché les agents des douanes d’informer le suspect plus tôt des motifs de son interpellation et de sa rétention parce qu’elle manque de base légale dans une telle occurrence [10]. 

 

Cependant, la longueur abusive de la détention provisoire a valu une nouvelle condamnation de la France par la Cour EDH le 9 novembre 1999 affaire Debboub alias Husseini Ali c/ France relative aux réseaux de soutien au GIA (réseau Chalabi) pour violation de l’article 5-3 CEDH en rappelant que le maintien en détention provisoire doit être l’exception au nom du principe de la présomption d’innocence et du respect des libertés individuelles  [11].

 

2) le droit au procès équitable rendu par un tribunal impartial  art. 6 CEDH

 

La jurisprudence de l’année 1999 relative à l’article 6 CEDH est riche et témoigne de progrès inégaux dans l’application de la CEDH. Les Cours suprêmes sont plus exigeantes  dans la qualification juridique des litiges mais aussi sur le respect de la composition du tribunal afin de respecter les exigences de l’impartialité entendue subjectivement et objectivement [12]. Si l’article 6 CEDH est désormais mieux respecté par les juridictions ordinales, son application est moins rigoureuse devant les autorités administratives indépendantes.

L’article 6-1 CEDH dispose que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendu publiquement et dans un délai raisonnable devant un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit  des contestations sur des droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle.  La jurisprudence 1999 témoigne d’une relative ouverture des Cours suprêmes dans la reconnaissance des ces catégories de fondement de litiges. De surcroît, la jurisprudence est plus exigeante quant au respect des règles de composition des tribunaux et de son impartialité.

 

a) la nature des droits et obligations de caractère civil

 

    Ces droits, obligations et sanctions ont toujours fait l’objet d’une appréciation variable par la Cour EDH [13] [14], 

la Cour de cassation et le Conseil d’État. La Cour de cassation et le Conseil d’État ont davantage insisté en 1999 sur la nature du litige porté devant eux.

Les droits et obligations de caractère civil sont les litiges d’ordre pécuniaire, patrimonial, etc.,  mais ont été étendus à l’accès et l’exercice d’une profession à la suite des décisions rendues par la Cour EDH dès le 21 juin 1981 Aff. Le Compte e.a. c./ Belgique [15]. La Cour reconnaît aux médecins suspendus temporairement d’exercice par l’ordre des médecins le droit de contester ces décisions ordinales sur la base de l’article 6-1 CEDH en raison des conséquences patrimoniales desdites décisions.

Le champ d’application des bases légales de litiges fondés sur l’art. 6-1 CEDH s’est élargi en 1999.

  Le C.E., le 28 sept.  1998, dans l’arrêt Notin, rejeta toute applicabilité de l’article 6-1 CEDH aux sanctions disciplinaires prises par le CNESER à l’encontre d’un enseignant-chercheur  [16].

Le Conseil a accepté l’applicabilité en 1999 de l’article 6-1 invoqué par un usager d’un établissement d’enseignement supérieur sanctionné disciplinairement faisant appel devant le CNESER d’une sanction prise par la section disciplinaire du conseil d’administration de l’Université Panthéon-Assas (Paris II) en date du 7 juillet 1998.  Le C.E. décida, dans son arrêt Zurmely, du 3 novembre 1999, qu’en vertu des art. 40 et 41 du décret du 13 juillet 1992, les sanctions disciplinaires applicables aux usagers des établissements d’enseignement supérieur comportent notamment l’exclusion définitive de tout établissement supérieur d’enseignement et l’interdiction de passer les examens conduisant à un titre ou à un diplôme délivré par un tel établissement. Cette interdiction revêt le caractère d’un droit civil au sens des stipulations de l’art. 6-1 CEDH[17]. L’article 6-1 est ainsi appliqué au contentieux relatif au droit d’accès à une formation et d’accès à une profession conditionné par la réussite à certains diplômes universitaires.  

Mais le CE et la Cour de cassation ont aussi rendu des arrêts sanctionnant des décisions prises par des ordres professionnels en considérant que de telles sanctions relatives au droit d’exercer une profession ressortent des droits et obligations de caractère civil. Les deux Cours suprêmes exigent également, depuis l’arrêt Maubleu de février 1996, la publicité des audiences des juridictions ordinales statuant disciplinairement. C’est ainsi que le C.E. reconnaît dans l’arrêt Chereau du 17 mai 1999 que les décisions prises par la chambre de discipline de la Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle variant du blâme à la radiation temporaire ou définitive, sont susceptibles de porter atteinte à l’exercice du droit d’exercer cette profession, lequel revêt un caractère civil au sens de l’art. 6-1CEDH. Le C.E. estime que l’art. 6 doit s’appliquer devant cette instance disciplinaire et qu’il est manifesté violé par l’art. R. 422-60 du code de la propriété industrielle posant le principe de la non-publicité des séances de la chambre disciplinaire [18].    Dès lors, le C.E. annule la décision disciplinaire irrégulièrement prononcée.

Le Conseil, dans l’arrêt LE GOFF, du 28 juillet 1999 confirme sa jurisprudence antérieure relative à la nature des décisions disciplinaires prises par les instances ordinales [19]  en jugeant que les décisions des instances disciplinaires de l’Ordre des experts-géomètres sont susceptibles de porter atteinte au droit d’exercer cette profession ont un caractère civil au sens des dispositions de l’art. 6-1 CEDH. Le C.E. annule ici la sanction en raison du défaut de publicité qui a rendu la procédure irrégulière. Cet arrêt est classique et s’inscrit dans la jurisprudence relative à l’article 6-1 depuis 1996, le CE et la Cour de cassation ayant censuré les sanctions ordinales  prises en violation de cette règle de publicité [20] [21].  La publicité des audiences est un principe d’ordre public  dont le bénéfice doit aussi être invoqué par le requérant dès la première instance. En effet, le C.E. et la Cour de cassation refusent  le bénéfice de l’art. 6-1 CEDH lorsque celui-ci est seulement invoqué pour la première fois à l’occasion d’un recours en cassation et non dès le juge de première instance [22] [23].

 Mais ce juge de première instance, qu’il s’agisse des instances ordinales ou de la cour d’appel, ne peut refuser d’appliquer l’art. 6-1 CEDH en matière disciplinaire, faute de quoi la cassation d’un tel arrêt est encourue parce que les sanctions ordinales comme la radiation d’un expert-comptable concernent des droits et obligations de caractère civil. En conséquence, la Cour de cassation a censuré le 7 avril 1999, l’arrêt d’une cour d’appel refusant d’appliquer l’art. 6-1, et, ce même, à la suite de la demande  de l’expert-comptable disciplinairement poursuivi de comparaître devant l’assemblée générale de la cour , en estimant que la radiation d’une personne sur une liste d’experts n’entrait pas dans le cadre de l’application de l’art. 6-1 CEDH [24].

 

b) la contestation du bien-fondé des accusations de nature pénale

 

La jurisprudence de l’année 1999 est riche en termes de reconnaissance d’accusations en matière pénale.

Le C.E. a ainsi jugé, dans son arrêt du 28 juillet 1999, « Groupement d’intérêt économique Mumm-Perrier-Jouet », que les amendes infligées à tout employeur de salariés étrangers non munis d’une autorisation de travail salarié en France et versées à l’Office des migrations internationales, présentent un caractère pénal [25]. L’article L. 341-6 du code du travail dispose, en effet, que  nul ne peut, directement ou indirectement ou par personne interposée, engager ou conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni d’un titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France. De plus, selon les dispositions de l’art. L. 341-7 c. trav.,  sans préjudice des poursuites judiciaires  qui pourront être intentées à son encontre, l’employeur qui aura occupé un travailleur étranger en violation des dispositions de l’art. L. 346-1 al. 1, sera tenu d’acquitter une contribution spéciale au bénéfice de l’Office des migrations internationales. Le montant de cette contribution spéciale ne saurait être inférieur à 500 fois le taux horaire minimum garanti par l’art. L. 141-8 c. travail, c’est-à-dire à 16, 39 francs en 1991, au moment des faits.  Le montant de cette contribution spéciale est portée à 2000 fois le taux horaire en cas de récidive dans un délai de cinq ans. Cette contribution est due pour chaque salarié étranger recruté par une entreprise alors qu’il n’a pas d’autorisation de travailler. 

Le C.E. estime que la contribution spéciale prévue par l’art. L. 341-7 c. trav. présente le caractère d’une punition tendant à empêcher la réitération de l’infraction qu’elle vise et n’a pas pour objet la seule réparation pécuniaire d’un préjudice, appartient à la « matière pénale » au sens des dispositions de l’art. 6-1 CEDH, alors même que le législateur a laissé le soin de l’établir et de la prononcer à l’autorité administrative. Cet arrêt du CE est conforme à la définition de la matière pénale que donne la jurisprudence de la Cour EDH à propos des amendes, notamment l’arrêt la CEDH du 24 février 1994 aff. Bendenoun c. France (Série A n°284). Elle a été reprise par la jurisprudence du Conseil dans  son avis SARL Méric du 31 mars 1995 et dans ses arrêts de 1998 concernant les amendes infligées par la Cour des comptes statuant disciplinairement à l’encontre des comptables publics [26]. La matière pénale est retenue dès lors que l’amende a un caractère punitif souhaitant avoir des effets dissuasifs à l’égard de comportements incriminés.

 

Par ailleurs, dans cet arrêt, le C.E. maintient sa jurisprudence constante qui refuse au juge administratif le pouvoir de moduler l’amende sanctionnant les faits poursuivis en fonction de leur gravité comme il l’avait décidé, le 5 juillet 1998, dans son avis Fattell. Il dénie ici une compétence de pleine juridiction au juge administratif [27].  Le juge administratif ne peut  qu’appliquer les taux fixés par le code du travail et, selon la qualification des faits retenue par l’administration, soit lui substituer un taux inférieur en lui imposant un taux de 500 fois le taux horaire minimum en application de l’art. L. 341-6 c. trav., soit même décharger l’employeur du paiement de toute contribution spéciale. Le CE refuse de voir une violation de l’art. 6 CEDH dans le fait que le juge administratif ne puisse moduler  l’application du barème du taux applicable. Ce refus constant de reconnaître au juge administratif une compétence de pleine juridiction est regrettable et symptomatique d’une tradition française de préjugé favorable à la Puissance publique au détriment de la protection des droits du justiciable. Refuser de reconnaître au juge administratif ce pouvoir de modulation en matière de sanctions relative à l’emploi irrégulier d’étrangers non autorisés à travailler ainsi que le refus d’application du principe de proportionnalité en matière de fraude à l’impôt sur le revenu sont la manifestation d’un État,  puissance publique dans lequel l’imperium l’emporte sur le droit à un juge naturel doté d’une compétence de pleine juridiction.

 

Le C.E. a confirmé le 3 déc. 1999, dans l’arrêt Didier,  le caractère punitif des sanctions prononcées par le Conseil des marchés financiers (CMF) et relatives à des agissements pouvant donner lieu aux sanctions prévues par l’article 69 de la loi du 2 juillet 1996 (avertissement, blâme et retrait temporaire ou définitif de la carte professionnelle). Le C.E. estime que lesdites sanctions sont des «accusations en matière pénale ».

 Néanmoins, le CMF peut  prononcer, soit à la place, soit en sus de ces sanctions, une sanction pécuniaire qui ne peut être supérieure à 400.000 francs ou au triple du montant des profit éventuellement réalisés [28]. Le CMF sanctionne ainsi les révocations des apports d’actions lors d’offres publiques illégales intervenues après la date de clôture de ladite opération.

En outre, la chambre commerciale de la Cour de cassation  a jugé le 15 juin 1999, dans l’arrêt  « COB/ Cie générale d’immobilier Georges V et autres », que les sanctions pécuniaires infligées par la C.O.B. sont des accusation de nature pénale relevant de l’art. 6-1 CEDH [29].  Enfin, le Conseil d’État a jugé le 29 novembre 1999 dans l’arrêt Société Rivoli Exchange qu’une amende de 250.000 Francs infligée par la Commission bancaire à l’encontre d’une société de change, en application de l’article 25 de la loi du 12 juillet 1990, est une sanction qui est relève de la matière pénale. Le Conseil a aussi jugé que lorsque la Commission bancaire agit sur le fondement de cette disposition les sanctions qu’elle prononce ont le caractère de décisions juridictionnelles et qu’elle doit, dès lors, respecter le principe de publicité de l'audience conformément à l’article 6-1 CEDH. La décision de la Commission bancaire qui n’a pas été rendue lors d’une audience publique est annulée par le Conseil qui considère  qu’elle a été prise dans des conditions irrégulières [30]. Cet arrêt est conforme tant à la jurisprudence du Conseil dans son analyse de la matière pénale qu’à son exigence de publicité des audiences.

  Néanmoins, il faut noter l’évolution de la législation française en matière de sanctions prononcées après une faillite personnelle. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 15 mars 1999 relative à la loi organique du 19 mars 1999 concernant les conditions d’élection des assemblées territoriales de province de la Nouvelle Calédonie, a estimé que la condamnation de plein droit à l’inégibilité et à l’interdiction d’exercer une fonction publique élective, dans le cas d’une faillite personnelle en application de la loi du 25 janvier 1985 sur le redressement et la mise en liquidation judiciaire, était contraire au principe de proportionnalité de la sanction pénale des crimes et délits [31]. Le Conseil estime que la peine d’inéligibilité qui ne peut être d’une durée inférieure à 5 ans et prévue par l’article 195 de ladite loi contredit le principe de nécessité des peines qui implique que l’incapacité d’exercer une fonction élective ne peut être prononcée que si le juge l’a expressément ordonnée. Mais cette faculté  n’est pas offerte au juge par la loi de janvier 1985, c’est pourquoi, le Conseil déclare contraires à la constitution les dispositions des art. 192, 194 et 195 de la loi du 25 janvier 1985 entraînant cette inéligibilité parce qu’elles sont inséparables.  L’inégibilité jusqu’alors encourue était considérée comme compatible avec l’art. 6-1 CEDH comme l’avait prouvé  la déchéance de Bernard Tapie en 1996 [32]  [33].

 

c) la composition du tribunal

 

La jurisprudence de la Cour de cassation s’est montrée sourcilleuse en 1999 sur le respect des règles de composition du tribunal et sur son impartialité.

L’assemblée plénière de la Cour de cassation a confirmé le 5 février 1999, dans l’arrêt « C.O.B. c./ Oury et Agent judiciaire du Trésor » sa jurisprudence de 1998, et  rejeté le recours en cassation de la COB formé contre une décision de la cour d’appel de Paris du 7 mai 1997 annulant une de ses décisions infligeant une sanction pécuniaire à un dirigeant social et a relevé que l’un des membres de la Commission, nommé rapporteur, avait été chargé de procéder à une instruction sur les faits  avec le concours des services administratifs et à toutes investigations utiles. Ce rapporteur  avait participé à la décision alors que ses fonctions le lui interdisaient. Le rapporteur exerce des fonctions analogues à celles d’un procureur, il ne peut exercer des fonctions d’instruction et de jugement. Cette décision fait suite à l’arrêt Oury c. COB du 1er décembre 1998 condamnant la COB pour violation des droits de la défense [34] [35].

 

Plusieurs arrêts de la Cour de cassation concernant les autorités administratives indépendantes plaident pour une souplesse de l’application de l’art. 6-1 CEDH devant elles en reprenant presque expressément les termes de l'arrêt de la CEDH du 23 juin 1981 Affaire Lecompte e.a. c. Belgique en matière de justice ordinale. La CEDH avait estimé que l’art. 6-1 CEDH n’oblige pas les États à soumettre les contestations de droits et obligations de caractère civil « à des procédures se déroulant à chacun de leurs stades devant des tribunaux conformes à ces diverses prescriptions. Des impératifs de souplesse et d’efficacité peuvent justifier l’intervention préalable d’organes administratifs ou corporatifs et a fortiori d’organes juridictionnels, ne satisfaisant pas sous tous leurs aspects à ces mêmes prescriptions ». Dès lors, les législateurs peuvent confier ce contentieux  à des ordres professionnels et à des autorités indépendantes dont les décisions doivent être soumises en appel à un tribunal possédant une pleine juridiction.

Les arrêts rendus par la Cour de cassation en 1999 confirment l’arrêt Haddad du 8 avril 1996 en reconnaissant que les sanctions pécuniaires de la COB s’apparentent aux sanctions pénales au sens de l’article 6 CEDH, lesquelles sanctions sont soumises au respect de la légalité des peines et notamment de la proportionnalité de la sanction prononcée. Ils confirment ainsi la légalité de la délégation juridictionnelle à des autorités administratives indépendantes   [36] . La chambre commerciale a élargi dans l’arrêt du 5 octobre 1999 SNC Campenon la reconnaissance d’une telle compétence au Conseil de la Concurrence en se référant expressément aux termes de l’arrêt de la CEDH Lecompte et autres c. Belgique du 23 juin 1981[37]. L’arrêt SNC Campenon applique l’arrêt « Lecompte » au Conseil de la Concurrence. Il valide la compétence des autorités administratives indépendantes d’exercer une compétence semi-juridictionnelle sans satisfaire à toutes les exigences de l’art. 6-1 CEDH. Mais l’arrêt SNC Campenon reprend la condition sine qua non posée par la Cour EDH de la nécessité d’un contrôle juridictionnel de ces décisions. La Cour de cassation admet cette compétence semi-juridictionnelle, « dès lors que les décisions prises par celles-ci subissent a posteriori, tant sur le droit que sur les faits, ainsi que sur la proportionnalité de la sanction avec la gravité de la faute commise, le contrôle effectif d’un organe judiciaire offrant toutes les garanties au sens de l’art. 6-1 CEDH avec notamment une compétence de pleine juridiction ».

Mais si les fonctions particulières confiées aux autorités administratives indépendantes peuvent leur faire reconnaître une procédure allégée, c’est sous la réserve du respect des droits de la défense et notamment, des règles de composition du tribunal. La Cour a jugé le 5 octobre 1999  dans l’arrêt SNC Campenon Bernard SGE et a. c./ Ministre de l’économie que la participation des rapporteurs au délibéré de la décision du Conseil de la Concurrence est contraire à l’art. 6 CEDH et, notamment, aux règles de composition du tribunal. La Cour estime que « la participation du rapporteur au délibéré, même sans voix délibérative, dès lors que celui-ci a procédé aux investigations utiles pour l’instruction des faits dont le Conseil de la Concurrence est saisi, est contraire à l’art. 6-1 CEDH. Il en est de même pour la présence à ce délibéré du rapporteur général, l’instruction du rapporteur étant accomplie sous son contrôle » [38]. C’est pourquoi, la Cour casse l’arrêt sur ce moyen.  Cependant, la Cour ne casse pas la décision sur le fondement du défaut de publicité de l’audience du Conseil de la concurrence, pourtant prévu par l’art. 25 de l’ordonnance n°86-1243 du 1er décembre 1986.

Cependant, la Cour de cassation a aussi sanctionné certaines compositions de juridictions ordinales violant les principes de composition établis en application de l’art. 6-1 CEDH. Deux arrêts rendus le 5 octobre 1999 par la 1re chambre civile encadrent cette composition en décidant que le bâtonnier visé personnellement par les actes pour lesquels un avocat est poursuivi disciplinairement ne peut être membre du Conseil de l’ordre statuant sur ces poursuites [39]. De même, l’avocat désigné par le bâtonnier en qualité de rapporteur pour procéder à une enquête sur le comportement de l’avocat mis en cause, ne peut participer au délibéré du Conseil de l’Ordre [40].

 

d) l’impartialité du tribunal

 

Les arrêts rendus en 1999 en matière d’impartialité du tribunal portent autant sur sa composition que sur son fonctionnement, c’est-à-dire sur l’impartialité subjective et objective.

 

La Cour a rejeté toute violation des règles d’impartialité dans l’affaire jugée par la chambre criminelle dans son arrêt du 23 juin 1999 « Ramirez-Sanchez Illich dit Carlos » dans laquelle ce dernier conteste l’impartialité de la cour d’assises présidée par un magistrat ayant eu à connaître d’actes d’instruction dans une procédure distincte relative à un attentat dans laquelle il est également mis en examen [41]. 

La Cour rejette le pourvoi en décidant qu’il n’importe pas que le président de la cour d’assises, régulièrement désigné pour présider la cour par ordonnance du premier président de la cour d’appel, ait accompli des actes d’instruction dans une procédure distincte suivie contre Illich Ramirez-Sanchez  et qu’aucune disposition légale ou conventionnelle n’interdit à un magistrat, qui a déjà eu à connaître de procédures concernant un accusé, de faire partie de la cour d’assises appelée à juger cette personne pour des faits distincts, seraient-ils connexes. Ce magistrat demeure libre de se forger en toute objectivité, une opinion sur l’affaire soumise à son examen. En outre, la Cour juge qu’il n’y a pas lieu d’examiner les griefs de partialité imputés au seul président, alors que les décisions contestées, relatives à la recevabilité d’une constitution de partie civile et au refus de renvoyer l’affaire, sont l’œuvre collégiale de la cour. La cour avait entendu comme témoin Mme Françoise Rudetski, victime d’un attentat, et qui s’était constituée partie civile à l’audience en tant que présidente de l’association « SOS Attentats ». La cour avait sursis à statuer sur cette demande, ce qui avait permis sa déposition sans violer l’art. 422 du Code de procédure pénale (C.P.P.) qui interdit aux parties civiles d’être témoins lors du procès. Cet arrêt relève à la fois de l’impartialité subjective, liée au comportement d’un magistrat, et objective lorsque le manquement à l’impartialité tient aux fonctions exercées par le magistrat, notamment lorsqu’il a exercé successivement des compétences d’instruction et de jugement [42]. L’arrêt confirme la jurisprudence antérieure de la chambre criminelle de la Cour [43]. Cependant, la Cour a toujours une interprétation stricte des dispositions de l’art. 253 C.P.P. relatives à la désignation du président de la cour d’assises et de ses deux assesseurs, et juge ainsi le 6 oct. 1999, dans l’arrêt « Quinault », qu’un magistrat ayant procédé à des actes d’instruction dans une affaire indivisible de celle soumise à la Cour d’assises ne peut faire partie de celle-ci en qualité de président ou d’assesseur puisqu’il est susceptible de manquer à l’impartialité objective en raison des fonctions exercées [44].

Cependant, la Cour de cassation pose, en application du principe d’impartialité, des limites au droit de contester la composition du tribunal par le biais de la récusation.  C’est ainsi que la  2ème chambre civile de la Cour a rejeté le 6 mai 1999 un pourvoi se fondant sur l’art. 6-1 CEDH en estimant que les débats ayant eu lieu devant une formation collégiale de la cour d’appel dont la composition pouvait être connue de la partie, cette dernière n’est pas recevable à invoquer devant la Cour de cassation la violation de l’art. 6. Elle avait en effet eu la possibilité de récuser le magistrat, en application de l’art. 341-5 du nouveau code de procédure civile (NCPC) qui avait déjà connu des faits, et qu’elle s’en était abstenue [45]. Cet arrêt confirme donc  la jurisprudence de l’année 1998 en matière d’impartialité objective [46]. Un tribunal ne peut écarter, sous peine de censure par la Cour de cassation, l’art. 6-1 CEDH en estimant que les art. 341 NCPC et suivants suffisent à garantir l’impartialité du tribunal. L’arrêt Tollis du 19 mai 1999 applique les principes de parallélisme qui encadrent les moyens qu’il est loisible de soulever devant la Cour de cassation puisque ne sont admis dans un pourvoi que les moyens qui ont déjà été invoqués en première instance [47]. La Cour de cassation refuse d’accueillir une violation de l’art. 6-1 CEDH lorsqu’elle est soulevée pour la première fois devant elle sans l’avoir été devant les juges de première instance.  Il s’agit aussi d’une application du principe de prévisibilité appliqué, non pas à la connaissance de la loi, mais à la composition du tribunal dont la connaissance aurait dû pousser la partie à  demander la récusation d’un magistrat en invoquant l’art 341-5 NCPC et l’art. 6-1. Mais cet arrêt est aussi conforme l’arrêt rendu le 22 Février 1996 par la CEDH « aff. Bullut c. Autriche », la CEDH estimant « qu’un requérant ne saurait avoir eu  des motifs légitimes de douter de l’impartialité du tribunal qui l’a jugé alors qu’il pouvait en récuser  la composition mais s’en est abstenu » [48]. 

Le respect du principe d’impartialité est également l’un des motifs de la censure, par la Cour de cassation le 5 février 1999, dans l’arrêt C.O.B. c./Oury et Agent judiciaire du Trésor de la décision, de la C.O.B. infligeant une sanction pécuniaire à un dirigeant social alors que le rapporteur a participé au délibéré alors que ses fonctions le lui interdisaient. L’instruction faite par le rapporteur aux éventuels irrespects de la législation boursière l’amène à préjuger de l’éventuelle culpabilité du dirigeant poursuivi. C’est pourquoi la participation du rapporteur au délibéré viole le principe d’impartialité.

Mais la 1re chambre civile de la Cour de cassation a jugé dans deux arrêts du 5 octobre 1999, portant sur la régularité de la composition du Conseil de l’Ordre des avocats statuant en matière disciplinaire que l’impartialité objective s’impose au bâtonnier  dans les cas qui l’impliquent [49] et aux rapporteurs  [50].

En outre, le président de la chambre sociale de la cour d’appel statuant sur la  procédure engagée par un salarié à la suite de son licenciement s’est déjà prononcé sur les faits qui ont justifié le renvoi dudit salarié ne peut connaître de ces faits devant le juge pénal. La chambre criminelle de la Cour de cassation a jugé le 24 novembre 1999 que ce même juge ne peut, sans méconnaître l’exigence d’impartialité, présider la chambre correctionnelle appelée à juger l’intéressé à raison des mêmes faits pénalement qualifiés, en l’occurrence, de complicité d’escroquerie [51]. La Cour censure la décision de relaxe de ce salarié pour violation du principe d’impartialité du tribunal parce qu’un même magistrat ne peut statuer au pénal sur des faits dont il a déjà connu au civil.

La chambre criminelle de la Cour de cassation a confirmé sa jurisprudence de l’année 1998  [52] en matière d’impartialité, en considérant qu’il y a violation  dudit principe  lorsqu’une juridiction devant laquelle une affaire a été renvoyée après cassation est irrégulièrement composée quand elle comprend l’un des magistrats ayant fait partie de la chambre de la cour d’appel dont l’arrêt a été cassé [53].

Cependant, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a rejeté le 20 janvier 1999 un pourvoi fondé sur l’impartialité entendue objectivement. Le requérant ayant fait l’objet de deux condamnations successives par la cour d’assises de Paris dans deux affaires différentes, invoque la violation des art. 6-1 et 6-3 CEDH parce que ces deux cours d’assises furent présidées par le même président d’une chambre de la cour d’appel de Paris. La Cour rejette le pourvoi en estimant qu’il n’y avait aucune connexité entre les deux affaires, la première étant une complicité dans un meurtre sanctionnée par une peine d’emprisonnement de six ans de prison, tandis que la seconde était un meurtre entraînant une condamnation de 15 ans de prison avec une confusion des peines. La Cour rejette toute violation de l’art. 253 CP.P. interdisant à tout magistrat ayant participé à une décision sur le fond relative à la culpabilité de l’accusé d’être nommé président de la cour d’assises ou assesseur parce que cette prohibition ne s’applique, en effet, qu’à la condition que cette décision soit intervenue dans l’affaire soumise à la cour . De plus, les incompatibilités prévues par ladite disposition  sont d’interprétation stricte  [54]et ne peuvent être étendues par voie d’analogie. La Cour estime que le fait qu’un magistrat ait eu à se prononcer dans une autre poursuite contre un même accusé n’est pas contraire à l’exigence d’impartialité exigée par l’art. 6-1 CEDH. Elle rejette donc le pourvoi [55].

Cet arrêt est conforme à la jurisprudence antérieure autorisant le même magistrat à connaître dans deux affaires différentes le même accusé à condition qu’elles n’aient aucun lien de connexité permettant audit magistrat de préjuger la seconde affaire jugée et manquer ainsi à son devoir d’impartialité [56]. Il n’y a pas violation de l’art. 6-1 CEDH parce que la composition de la cour est régulière et impartiale.  Seul le président de la chambre d’accusation d’une cour d’appel  est appelé à connaître d’une décision relative à la culpabilité de l’accusé, c’est pourquoi la règle d’impartialité est respectée.

Enfin, la 2ème chambre civile de la Cour de cassation confirme le 20 octobre 1999 la particularité de la justice des enfants dont le fonctionnement fait intervenir légalement les mêmes juges en première instance et en appel, en jugeant que la circonstance que plusieurs magistrats du siège et du ministère public d’une cour d’appel ont  précédemment connu de l’affaire concernant les mesures d’assistance éducative prises à l’égard de mineurs, n’est pas de nature à faire peser un soupçon de partialité envers d’un parent, dès lors qu’il résulte des art. 375-6 du code civil, L. 223-1 et 223-2 du Code de l’organisation judiciaire que ce sont les mêmes magistrats qui, formant une chambre spéciale qui sont appelés à statuer en appel sur les décisions prises par le juge des enfants. La Cour rejette ainsi toute violation de l’impartialité et de l’art. 6 [57]. Cette particularité de la justice des mineurs qui amène aussi le juge des enfants à être membre de la cour d’assises des mineurs sans violation de l’article 6-1 en raison de la spécificité de ses fonctions est conforme à la jurisprudence de la Cour EDH, notamment de l’affaire Nortier c/ Pays-Bas du 24 août 1993 dans laquelle la Cour considéra que l’exercice successif par le même juge des enfants à l’égard d’un accusé, de fonctions d’instruction et de juge de la détention puis de juge du fond [58] est conforme à l’article 6 CEDH.

 

Cependant, les autorités administratives indépendantes ont pris des mesures afin de mieux garantir l’impartialité des procédures qu’elles jugent [59]. La COB a modifié son règlement intérieur en 1999 et interdit au rapporteur de participer au délibéré. La COB a modifié le 11 février 1999 l’art. 9 de son règlement intérieur aux termes duquel, « ni le Président, ni aucun membre de la Commission ne peut délibérer dans une affaire dans laquelle il a exercé les fonctions de rapporteur ». Le Conseil de la Concurrence a de même modifié sa procédure [60]. En outre, le nouveau règlement intérieur de l’Autorité de Régulation des Télécommunications  dispose que le collège délibère désormais « hors la présence du rapporteur et de son adjoint » [61]. Mais la loi a aussi organisé l’indépendance des membres des autorités administratives à l’égard des parties comme le rappelle Renaud Salomon [62]. Par ailleurs, les mêmes dispositions posent les garanties d’impartialité des membres desdites autorités.

 

Mais le C.E. n’a pas suivi l’évolution de la Cour de cassation et admet toujours la participation du rapporteur aux décisions prises par les conseils de l’ordre et les autorités administratives indépendantes. Cette jurisprudence est constante dans trois arrêts rendus par le C.E. le 3 décembre 1999 « M. Leriche, M. Didier,  et Caisse de crédit mutuel de Bain-Tresboeuf ».  M. Leriche avait été condamné en 1998 à une interdiction d’exercice d’une durée de six mois.

Le CE juge dans l’arrêt Leriche que la participation du rapporteur désigné par le président de la section disciplinaire du conseil de l’ordre des médecins  au  délibéré de la décision, ne viole pas l’art. 6-1 CEDH [63].   Cette participation est prévue par l’art. 23 du décret du 26 oct. 1948 relatif au fonctionnement des conseils de l’ordre des médecins et de la section disciplinaire du conseil national de l’ordre. Le rapporteur a pour mission de « procéder, dans le cadre et pour les besoins du débat contradictoire entre les parties, à des mesures d’instruction qui ont pour objet de vérifier la pertinence des griefs et observations des parties au dossier pour donner lieu à communication contradictoire ». Pour le C.E., ces attributions ne confèrent pas au rapporteur le pouvoir de décider par lui-même du champ de la saisine de la juridiction  et même s’il lui incombe de faire à l’audience un exposé des faits consistant en une présentation de l’affaire, l’ensemble de ces dispositions n’a pas pour effet de lui conférer des fonctions qui, au regard du principe d’impartialité, comme des autres stipulations de l’art. 6-1 CEDH, feraient obstacle à sa participation au délibéré de la sections disciplinaire. En outre, le C.E. considère que l’exposé de l’affaire à l’audience par le rapporteur n’est pas soumis au principe du contradictoire applicable à l’instruction entre les parties et que le requérant ne peut soutenir que la non-communication préalable à l’audience du rapport du rapporteur constituerait une violation de l’art. 6-1 CEDH.

Le C.E. est réticent à admettre que la participation du rapporteur au délibéré puisse violer le principe d’impartialité entendu subjectivement, le rapporteur ayant pu dans l’exercice de ses fonctions déjà préjuger, mais aussi entendu objectivement en raison du principe de prohibition de confusion des fonctions d’instruction et de jugement. Cette attitude se justifie par l’appréciation portée sur les fonctions du rapporteur qui amène à la section disciplinaire du Conseil national de l’Ordre, les éléments lui permettant de juger les faits et manquements au Code de santé publique ou de déontologie. Cette participation au délibéré permet à la section disciplinaire de s’appuyer sur le rapport et sa connaissance particulière du dossier pour rendre une décision la plus justifiée possible. Il s’agit d’une approche fonctionnelle de la fonction de jugement qui trouve ses limites dans l’éventuel défaut d’indépendance de la justice ordinale à l’égard d’un rapporteur trop influent. Mais l’exclusion du rapporteur de toute participation au délibéré respecterait davantage l’impartialité subjective et objective.

     Dans l’arrêt Didier du 3 décembre 1999, le CE refuse l’applicabilité de l’article 6-1 aux procédures disciplinaires devant le Conseil des marchés financiers (CMF) [64]. La COB a, à la suite d’un rapport d’enquête établi par ses inspecteurs, saisi le Conseil des marchés financiers en vue de l’ouverture d’une procédure disciplinaire à l’encontre de Mr Didier. Le Conseil a retiré au requérant sa carte professionnelle pour une durée de 6 mois et lui a infligé une sanction pécuniaire de 5 millions de francs. Mr Didier soutient que la participation du rapporteur aux débats et au vote du CMF a violé l’art. 6-1 CEDH.

Le Conseil constitutionnel a, quant lui, dans une série de décisions, affirmé l’absence de caractère juridictionnel des autorités administratives indépendantes  même si elles bénéficient d’un pouvoir de sanction [65]. Mais le C.C. a encadré  l’exercice de ce pouvoir de sanction en excluant d’une part , toute mesure privative de liberté et en exigeant, d’autre part, que l’exercice du pouvoir de sanction soit assorti par la loi de mesures destinées à sauvegarder les droits et libertés constitutionnellement garantis (déc. n°89-260 DC, préc.) [66].

Le C.E. juge que lorsque le CMF est saisi d’agissements pouvant donner lieu aux sanctions prévues par l’art. 69 de la loi du 2 juillet 1996 ( blâme, avertissement, amende, retrait de la carte professionnelle), la circonstance que la procédure suivie devant le CMF ne serait pas en tous points conforme aux prescriptions de l’art. 6-1 n’est pas de nature à entraîner une méconnaissance du droit à un procès équitable et impartial ; parce que cette décision du CMF peut faire l’objet d’un recours de plein contentieux devant le C.E. De plus, l’article 8 du décret n°96-872 du 3 octobre 1996 dispose que toute les décisions du CMF sont soumises au CE par la voie d’un recours de pleine contentieux [67].

 Le C.E. considère que les pouvoirs du rapporteur sont limités puisqu’il ne participe pas à la formulation des griefs et qu’il n’a pas le pouvoir de classer une affaire ou d’élargir le cadre de sa saisine. Les pièces du dossier sont communiquées à la personne mise en cause devant le CMF. Il en résulte, pour le C.E., que la participation du rapporteur aux débats et au vote à l’issue duquel il a été décidé d’infliger à Mr Didier, une sanction n’entraîne aucune méconnaissance de l’art. 6-1 CEDH. Cependant, il est paradoxal que le C.E. reconnaisse dans cet arrêt la nature pénale des amendes prononcées par le CMF dans le cas d’un manquement aux obligations professionnelles des professions liées à la bourse et ne prenne pas en compte que le retrait de la carte professionnelle du requérant pour une durée de 6 mois  relève des droits et obligations de caractère civil comme l’a reconnu la jurisprudence constante tant de la CEDH que des Cours suprêmes françaises en matière de sanctions et de décisions de suspension d’exercice professionnel, voire d’interdiction prononcées par les juridictions ordinales.

Mais le C.E. ne veut pas interdire la participation du rapporteur au délibéré afin de garantir aux autorités administratives une souplesse de fonctionnement. Le C.E. estime que la participation du rapporteur au délibéré ne porte pas atteinte au principe d’impartialité puisqu’un recours de plein contentieux devant un Conseil d’Etat satisfaisant aux canons de l’article 6-1 CEDH. Mais si cette analyse est conforme aux exigences de l’article 6-1, le commissaire du gouvernement A. Seban estimant même que les garanties d’impartialité devant les autorités administratives indépendantes françaises sont supérieures au standard de protection des droits exigé par la CEDH, la Commission EDH a, en 1993, conclu à l’irrecevabilité d’un moyen titré de l’article 6-1 en raison de la participation du rapporteur au délibéré du Conseil des bourses de valeurs français, prédécesseur du CMF en raison du respect de l’article 6 garanti par la procédure devant le Conseil d’État saisi par le requérant [68].  Cependant, cette jurisprudence ne sera plus longtemps tenable en raison des progrès enregistrés dans la jurisprudence de la Cour de cassation en 1999, en l’espèce.

Cependant, le CE maintient son attitude à propos des pouvoirs de la CNIL, dans  son arrêt du 3 décembre 1999, Caisse de crédit mutuel de Bain-Tresboeuf, relatif au pouvoir d’injonction que possède la CNIL depuis la loi de janvier 1978 à l’égard des personnes physiques ou morales constituant des fichiers informatisés contenant des données personnalisées informatiques [69].   La CNIL peut être saisie lorsque des opérateurs créent des interconnexions illicites entre fichiers contenant des données nominatives, interconnexions interdites parce qu’elles sont  susceptibles de porter atteinte aux libertés individuelles. Les fichiers incriminés contenaient des renseignements illégaux  attentatoires à la vie privée des clients. Les clients de la Caisse de crédit mutuel avaient saisi la CNIL de l’existence d’un fichier de clientèle susceptible de ne pas respecter la loi de 1978. La CNIL, après avoir fait procéder à des vérifications dans la banque par un de ses membres désigné rapporteur et quelques agents de la Commission, avait enjoint à la Caisse de crédit mutuel de détruire, dans le délai d’un mois, le fichier incriminé contenant des informations contraires à la loi de 1978 et lui avait adressé un avertissement.

Le rapporteur désigné par la CNIL a participé à l’adoption de la décision attaquée devant le Conseil par la Caisse. Le CE a rejeté toute violation de l’art. 6-1 CEDH malgré cette participation du rapporteur et estime, qu’en outre, la décision attaquée n’émane pas d’un tribunal au sens de l’art. 6-1 CEDH.

La CNIL peut refuser la création d’un fichier informatique contenant des données nominatives personnalisées et dispose d’un pouvoir d’injonction à l’égard des organismes créateurs de fichiers avec la possibilité d’adresser des avertissements. C’est pourquoi, le refus du CE de lui reconnaître la qualité d’un tribunal est justifié. Un avertissement est un des échelons les plus bas du pouvoir disciplinaire et la loi de 1978 ne reconnaît à la CNIL que le droit de saisir de toute infraction le procureur de la République en application de l’art. 40 C.P.P. Selon Jean-Denis Combrexelle, commissaire du gouvernement, l’avertissement n’est que le préalable de la saisine de l’autorité judiciaire sur le fondement de l’article 40 C.P.P. et « constitue en ce sens, plus un rappel au règlement qu’une véritable sanction » [70]. Il en résulte donc que l’avertissement ne peut faire grief puisqu’il s’agit de la constatation d’une violation de la loi de janvier 1978.

Ce refus de considérer la participation au délibéré dans ces trois arrêts comme une violation de l’art. 6-1 CEDH montre que le CE se situe en retrait de la jurisprudence de la Cour de Cassation vis-à-vis de la portée dudit article [71].  L’importance et la légitimité conquises par les autorités administratives indépendantes impliquent pour que leurs décisions ne puissent prêter à caution que ces autorités soient soumises à l’article 6-1 CEDH et que le rapporteur ne puisse plus participer au délibéré ainsi que le sens de son rapport soit communiqué aux parties avant l’audience en application du principe de l’égalité des armes à la suite de la condamnation de la France par la CEDH le 31 mars 1998 dans l’affaire Reinhardt-Slimane-Kaïd [72]. Depuis cette décision, l’avocat général près de la Cour de cassation transmet aux avocats des parties quelques jours avant l’audience le sens de ses conclusions. Le CE avait en 1998 refusé la communication des conclusions du commissaire du gouvernement dans l’arrêt Esclatine du 29 juillet 1998. Mais l’égalité des armes requiert à la fois l’absence du rapporteur du délibéré et la transmission de son rapport aux parties avant l’audience. La présence du rapporteur au délibéré viole les règles de compositions du tribunal eu égard aux exigences de l’article 6-1  et ne garantit pas l’impartialité du tribunal. Il en résulte que le C.E. n’accepte pas encore de garantir au justiciable toutes les garanties exigées par le principe du contradictoire.

De surcroît, la jurisprudence de 1999 relative à la plénitude de compétence du tribunal est confirmée et affinée. La chambre commerciale de la Cour de cassation confirme le 15 juin 1999, dans l’arrêt « Directeur général des Impôts c. Lise », la jurisprudence établie depuis 1997 en estimant que viole l’art. 6-1 CEDH le tribunal qui applique l’art. 1840 quater CGI relatif à la vignette automobile sans reconnaître, lorsqu’il est saisi d’un recours à l’encontre d’une sanction prise envers le contribuable par l’administration, sa compétence pour statuer en tant que juge de plein contentieux pour statuer sur le principe et le montant de l’amende en appréciant la proportionnalité de la sanction eu égard au comportement du contribuable [73]. L’arrêt Lise constitue un progrès vis-à-vis des arrêts Ferreira de 1997 et Charmalet de 1998 dans lesquels la chambre commerciale pose le principe de l’incompatibilité de l’art. 840 quater CGI avec l’art. 6-1 CEDH mais n’incite pas aussi clairement  le juge à exercer la plénitude de sa compétence en tant que juge de plein contentieux. L’arrêt Lise transpose la conception du juge de plein contentieux posée par la jurisprudence de la Cour EDH en droit français.

Mais la chambre criminelle de la Cour de cassation a reconnu au juge pénal une compétence de juge de pleine juridiction un arrêt du 16 juin 1999 [74].  Le prévenu poursuivi devant le tribunal de police pour excès de vitesse contestait le bien-fondé de l’amende de 2500 francs à laquelle il avait été condamné et soulevait le moyen de l’éventuelle automaticité de l’amende. La Cour rejette son recours en estimant que le régime de l’amende forfaitaire majorée ne porte pas atteinte au pouvoir du juge de fixer librement le quantum de la peine. Ainsi sa sanction n’est pas incompatible avec l’art. 6 CEDH, dès lors que le tribunal de police , qui fixe la peine dans les limites comprises entre le montant de l’amende forfaitaire majorée et le maximum encouru, dispose du pouvoir de proportionner le montant de l’amende à la gravité de la contravention encourue, à la personnalité de son auteur et de ses ressources.

  

Enfin, le droit d’accéder au juge ne doit pas se heurter à des obstacles financiers empêchant le justiciable de faire valoir sa cause. C’est ainsi que la chambre civile de la Cour de cassation casse la décision d’une cour d’appel accordant l’exequatur à une décision déboutant un ressortissant français d’une action en diffamation intentée devant la High Court of Justice à Londres contre une entreprise de presse et un journaliste parce qu’il n’avait pas payé la caution judiciaire d’un montant de 25000 livres ordonnée pour garantir les frais de justice des défendeurs [75].

La chambre civile de la Cour a estimé le 16 mars 1999, dans l’arrêt Pordéa c/ Sté Times Newspapers limited que viole ces dispositions la cour d’appel qui accorde l’exequatur à deux décisions britanniques taxant les frais de justice à 20.078 livres avec intérêts au taux de 15% par an, alors qu’il apparaissait, sans avoir pour autant à réviser les décisions étrangères, que l’importance des frais mis ainsi à la charge du demandeur, dont la demande n’avait même pas été examinée, avait été de nature à faire objectivement obstacle à son libre accès à la justice [76]. La somme exigée est démesurée et inacceptable quand elle prétend seulement garantir les frais de justice du demandeur. Un tel exequatur empêche objectivement le demandeur de défendre sa cause et la justice française ne peut accorder son aval à une décision disproportionnée privant un justiciable du droit de faire valoir sa cause dans des conditions aussi grossières en raison du montant exorbitant de la caution judiciaire dont le versement est exigé avant le moindre examen de la cause.

 

e) le respect de la présomption d’innocence et le respect des droits de la défense art. 6-2 et 6-3  CEDH

 

La chambre commerciale de la Cour de cassation a rendu le 15 juin 1999 l’arrêt « COB c./ Cie générale d’immobilier Georges V et autres ». Cet arrêt important concerne le respect des principes fondamentaux du droit pénal par les autorités administratives indépendantes, le principe de la personnalité des poursuites et des peines devant s’appliquer aussi aux personnes morales. La Cour rejette le pourvoi de la COB contre une décision de la cour d’appel de Paris du 14 mai 1997 jugeant que la scission d’une société fait obstacle au prononcé par la COB d’une sanction pécuniaire à l’encontre des sociétés issues de l’opération, pour des manquements imputables à la société scindée [77]. L’arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 15 juin 1999 confirme, sans la moindre ambiguïté, le principe de la personnalité des poursuites et des sanctions en affirmant que «ce principe s’oppose à ce que, en l’absence de dispositions dérogatoires expresses, des personnes physiques ou morales, autres que l’auteur du manquement en cause, puissent se le voir imputer et faire l’objet de sanctions à caractère pénal » [78].

 Cet arrêt consacre en droit boursier le principe de la personnalité des poursuites et des peines qui s’applique tant aux personnes physiques qu’aux personnes morales. La disparition ou l’absorption d’une société a pour effet l’extinction des poursuites en application du principe de la personnalité des poursuites et des peines. La CEDH a consacré ce principe de la personnalité le 29 août 1997 dans l’affaire « A. P., M. P. et T.P. c. Suisse » [79]. Les services fiscaux suisses avaient infligé une sanction fiscale pénale aux héritiers en raison de la culpabilité du défunt car il s’était soustrait au paiement de l’impôt sur le revenu. La CEDH considéra qu’hériter de la culpabilité du défunt n’est pas compatible avec les normes de la justice pénale dans une société régie par la prééminence du droit et avait conclu à la violation de la présomption d’innocence, la responsabilité pénale ne survivant pas au décès de l’auteur de l’acte délictueux.

 

De plus, la procédure de mise en l’état a été considérée comme compatible avec les droits de la défense prévus à l’article 6-2 CEDH jusqu’à la fin de l’année 1999. C’est ainsi que la chambre criminelle de la Cour cassation a rejeté le 21 oct 1999 le pourvoi en cassation déposé par M. Papon condamné à 10 ans de prison pour complicité dans des crimes contre l’humanité par la cour d’assises de la Gironde le 2 avril 1998. Il a été, en application des dispositions de l’art. 583 C.P.P. modifié par la loi du 15 juin 1999, déchu d’office de son pourvoi parce qu’il ne s’est pas soumis à l’obligation légale de la mise en l’état, c’est-à-dire son placement sous écrou à la veille de l’examen de son pourvoi en cassation. C’est ainsi que la Cour a rejeté le pourvoi du sieur Papon qui n’avait pas respecté cette obligation légale impérative pour les condamnés à plus d’un an de prison ferme en considérant qu’il n’y avait, dans cette procédure, aucune atteinte aux droits de la défense [80]. Mais, par contre, la Cour EDH a jugé dans l’arrêt « Khalfoui c/ France » du 14 décembre 1999 qu’une telle obligation, unique en son genre en Europe, viole la présomption d’innocence. De plus, la CEDH estime que la déchéance entraînée par un irrespect de la mise en état est une sanction puisqu’elle a pour conséquence le rejet d’office du pourvoi et qu’elle est particulièrement sévère au regard du droit d’accès au tribunal garanti par l’art. 6 CEDH. Pour la Cour, le respect de la présomption d’innocence, combiné avec l’effet suspensif du pourvoi en cassation, s’oppose à l’obligation pour un accusé libre de se constituer prisonnier, quelle que soit la durée, même brève de son incarcération. De plus, la déchéance du pourvoi prononcée dans de telles conditions est une décision non susceptible de recours. La chambre criminelle  de la Cour de cassation a décidé depuis cette condamnation de ne plus appliquer la procédure de mise en l’état [81].

 

3) le droit de mener une vie familiale et privée normale cf art. 8 CEDH

 

La jurisprudence relative à l’article 8 CEDH se cristallise sur le respect la vie privée garanti par l’article 8 CEDH et l’article 9 du code civil ainsi que sur les effets de l’article 8 dans la protection qu’il offre au respect de la vie familiale, au droit d’entretenir des relations avec ses enfants mais aussi dans le champ d’application dudit droit dans le droit du travail et les mesures d’éloignement du territoire.

La 1re chambre civile de la Cour de cassation a marqué, dans son arrêt du 14 décembre 1999 « Consorts Mitterrand c/ éditions Plon », les limites du droit à invoquer la violation de la vie privée protégée par les art. 8 CEDH et 9 du code civil [82]. Les consorts Mitterrand invoquaient la violation de la vie privée issue du livre « Le grand secret » écrit par le Dr Gubler, ancien médecin personnel du président Mitterrand et publié après son décès, en violation du secret médical. La Cour de cassation avait, le 16 juillet 1997, confirmé le bien-fondé de l’interdiction de diffusion de cet ouvrage par le biais de la procédure des référés afin de mettre fin au trouble à l’ordre public créé par la vente dudit ouvrage.

La Cour confirma la décision de la cour d’appel ayant retenu que toutes les informations publiées dans un livre concernant un ancien Président de la République recueillies par son médecin personnel à l’occasion de son activité professionnelle, de sorte qu’elles relevaient du secret médical même si ces renseignements pouvaient constituer  donc une atteinte au respect dû à la vie privée. La Cour de cassation a estimé qu’il n’y avait pas lieu de distinguer les révélations touchant l’état de santé et la vie privée d’un ancien président, mais aussi indirectement la vie privée des proches du président.

La Cour de cassation juge que le droit d’agir pour le respect de la vie privée s’éteint au décès de la personne concernée, seule titulaire de ce droit et qu’il ne saurait donc être reproché à la cour d’appel de violer les art. 9 c. civ. et 8 CEDH en déclarant irrecevable la demande des héritiers de l’ancien Président de la République. La Cour de cassation s’en tient à une lecture stricto sensu des art. 9 du code civil et 8 CEDH. La Cour estime que, même si les propos relevés dans cet ouvrage concernent à la fois la violation du secret médical concernant le « patient présidentiel » et la vie privée de cet ancien président ; ses proches ne sont pas habilités à invoquer une violation des art. 8 CEDH et 9 du c. civil même si certains détails peuvent les concerner [83]. En conséquence, la Cour rejette toute demande de dommages-intérêts déposée par les consorts Mitterrand pour violation directe ou indirecte de leur vie privée. Cet arrêt a le bénéfice de circonscrire le champ des actions judiciaires des ayants droit quant à l’éventuelle révélation de la vie privée des consorts Mitterrand en établissant une césure entre les propos relevant de l’état de santé du président Mitterrand et les propos relevés dans l’ouvrage concernant la vie privée de la famille Mitterrand. Cet arrêt confirme l’arrêt de la 2ème chambre civile de la Cour du 22 mai 1996, « Mme X. c/ Sté Prisma » refusant aux proches d’Yves Montand le droit de se prévaloir des art. 9 c. civ. et 8 CEDH, à l’occasion de la publication, après son décès, d’articles de presse concernant la vie privée du comédien [84]. L’arrêt du 22 mai 1996 a affirmé  que l’atteinte à la vie privée au sens des art. 9 c. civ. et 8 CEDH suppose l’existence d’une référence ou d’une allusion à la vie privée de la personne qui entend se prévaloir de cette atteinte.

  D’autre part, l’article 8 CEDH s’applique aussi à la protection du domicile professionnel. La Cour de cassation a rendu le 30 juin 1999 « Cabinet X » un arrêt important relatif à la protection du domicile professionnel d’un cabinet d’avocats dans lequel un juge d’instruction avait saisi des documents, lors d’une perquisition [85]. Une telle saisie doit s’opérer en présence du bâtonnier. La Fédération Nationale de la Mutualité française avait déposé plainte avec constitution de partie civile pour faux, usage de faux et tentative d’escroquerie parce que son ex-directeur financier l’avait engagée dans des opérations financières alors qu’il avait été démis de ses fonctions. Le juge d’instruction avait procédé à une perquisition au cabinet d’avocats X chargé d’une mission d’assistance et de montage pour la réalisation de l’opération critiquée. Il s’était opposé à la restitution des pièces saisies, décision confirmée par la chambre d’accusation et la Cour de cassation. La Cour a estimé qu’il résultait des art. 97 et 99 C.P.P.  et de l’art. 8 CEDH que le juge d’instruction peut s’opposer à la restitution de documents saisis dans le cabinet d’un avocat et couverts par le secret professionnel dès lors que leur maintien sous la main de la justice en vue de déterminer l’existence d’infractions pénales était nécessaire à la manifestation de la vérité et qu’il ne portait pas atteinte aux droits de la défense » [86]. Un tel refus de restitution ne constitue aucune violation de l’art. 8 CEDH [87].  Il s’agit, en effet, de la stricte application de l’art. 97 C.P.P.

De plus, la chambre sociale de la Cour de cassation, quant à elle, a statué le 19 janvier 1999, dans l’arrêt « Spileers c./ SARL Omni Pac » sur l’opposabilité de l’article 8 CEDH aux tiers et sur les limites, quant au droit au respect de la vie privée et familiale,  des clauses de certains contrats de travail imposant au salarié un déménagement  lors d’une mutation professionnelle décidée par l’entreprise sous peine de licenciement ne donnant lieu à aucune indemnité particulière autre que les indemnités légales ou conventionnelles [88]. Le requérant recruté en 1991 pour un travail de prospection dans la région parisienne, y avait installé son domicile familial. En 1992, son employeur lui notifia un changement d’affectation et lui demanda d’être domicilié dans la région de Montpellier. Le salarié après avoir donné son accord de principe refusa de transférer son domicile familial à Montpellier et fut licencié. La cour d’appel de Versailles décida que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse et que la clause litigieuse était licite, justifiée par la nature et le lieu des fonctions commerciales exercées par ce salarié ainsi que par le bon fonctionnement de l’entreprise. Mais la chambre sociale cassa cet arrêt en jugeant que la Cour d’appel ne s’était prononcée que sur la clause litigieuse sans se prononcer sur le caractère indispensable du transfert du domicile alors que le salarié se proposait d’avoir une résidence à Montpellier. La cour d’appel n’avait pas recherché si l’emploi et les attributions du salarié exigeaient d’y avoir une résidence permanente alors qu’en application de l’art. 8 CEDH, une restriction au libre choix du domicile personnel et familial par l’employeur n’est valable qu’à la condition d’être indispensable à la protection des intérêts légitime de l’entreprise et proportionnée, compte tenu de l’emploi occupé et du travail demandé, au but recherché.

L’article 8 CEDH a ainsi des effets horizontaux, c’est-à-dire qu’il génère des effets juridiques dans les rapports interindividuels entre les sujets de droits. L’article 8 dépasse le champ d’application des effets verticaux, c’est-à-dire le fait que l’article 8 CEDH soit essentiellement un droit subjectif opposable à l’État et aux personnes morales de droit public. Cet effet horizontal ou théorie de l’opposabilité des droits fondamentaux aux tiers, est issu de la théorie allemande des droits fondamentaux [89] reprise par la jurisprudence de la Cour EDH dans l’arrêt Lopez Ostra c/ Espagne du  9 déc. 1994 [90]. Cet arrêt s’inscrit, comme le rappelle V. Coussirat-Coustère, dans une reconnaissance progressive du droit de chacun à la salubrité dans son environnement immédiat. « Le fondement dudit droit est un caractère de droit privé opposable autant à la puissance publique qu’entre particuliers. Cette consécration s’est faite en deux étapes ; d’abord déduit du droit interne de l’environnement et reconnu comme un élément du droit de propriété (Zander c./ Suède, 25.11.1993, (Série A n°279-B, § 24 et 27) il devient ensuite autonome étant perçu comme une composante du droit à la vie privée et familiale et l’apanage de tous étant lié au domicile et non à la seule propriété par l’arrêt de la Cour rendu ds l’affaire lopez Ostra c. Espagne ». Cet arrêt consacre le droit de chacun de vivre dans des conditions environnementales salubres respectant la jouissance du domicile et le respect de mener une vie privée et familiale. La Cour EDH reconnaît une obligation positive à la charge des États devant assurer un juste équilibre entre l’intérêt général – le développement économique en raison d’une pollution d’origine industrielle – et les intérêts individuels.. Mais tel n’est pas le cas quand les autorités n’ont pas mis en œuvre leurs pouvoirs locaux en matière d’autorisation administrative d’exploitation d’une telle station d’épuration [91].  L’obligation positive impliquant une action de l’État est à distinguer de l’obligation de non-ingérence attendue dans le respect de la plupart des droits subjectifs [92].

 

L’obligation positive est celle qui oblige l’État à intervenir par le biais de sa législation afin d’assurer la mise en œuvre des droits garantis par la CEDH. La Cour EDH a reconnu l’égalité successorale des enfants légitimes, naturels et adultérins. C’est pourquoi, elle condamna les États dont la loi établissait une distinction  entre ces enfants  [93]. L’opposabilité directe des droits fondamentaux aux tiers fut consacrée par la jurisprudence française dès 1996 dans le domaine du droit des baux d’immeubles à usage d’habitation [94] et, en l’espèce, en droit du travail. L’art. 8 est donc un droit opposable directement aux tiers [95]. L’atteinte au droit de mener un vie familiale normale dans le cadre des relations professionnelles doit obéir au principe de proportionnalité et au but recherché en application de l’article 8-2 CEDH. Il s’agit d’une protection du droit des salariés à mener une vie professionnelle et  de voir respecter leur droit au respect d’une vie privée et familiale, même si trop souvent de telles clauses ont de fortes chances de rester lettre morte en raison des pressions exercées par l’employeur sur les salariés pour qu’ils acceptent de tels changements du domicile. On retrouve aussi l’obligation de  se soumettre à des mutations fréquentes dans certains établissements publics à caractère industriel et commercial (cf EDF-GDF) si l’on souhaite connaître une promotion rapide dans la hiérarchie. Le secteur public doit aussi apprendre à respecter les droits que tiennent ses agents de l’art. 8 CEDH. Il faut mentionner les mutations fréquentes imposées par leur hiérarchie aux membres de la police et de la gendarmerie, des forces armées, etc..  Il est quasi certain que l’État invoquera l’intérêt du service pour justifier la fréquence de ces mutations. Il est de toute façon nécessaire d’attendre la jurisprudence ultérieure afin de mesurer les conséquences effectives de l’arrêt Spileers.

 

   Les arrêts rendus en 1999 par le C.E. en matière d’application de l’art. 8 CEDH à l’occasion de mesures de reconduite à la frontière sont classiques. Le C.E. a rejeté ainsi toute violation de l’art. 8 CEDH dans l’arrêt du 11 juin 1999 Abdelkrim Cheurfa condamné après quelques peines de prison avec sursis à une peine de trois ans d’emprisonnement ferme pour trafic et vente de stupéfiants. Le ministre de l’intérieur a pris à son encontre une mesure d’expulsion en estimant qu’elle constituait une nécessité impérieuse pour la sécurité publique au sens des dispositions de l’art. 26 de l’ordonnance du 2 novembre 1945 [96]. Le C.E. a rejeté le recours contre l’arrêté d’expulsion en considérant que si M. Cheurfa était entré en France à l’âge de 8 ans et si ses parents ainsi que ses trois frères et sœur y demeuraient, l’intéressé était célibataire et sans enfant et ne soutenait pas subvenir à l’entretien de sa famille, la mesure d’expulsion prise à son encontre n’avait pas porté à son droit au respect d’une vie familiale une atteinte excédant ce qui était nécessaire à la défense de l’ordre public et par suite n’avait pas méconnu les stipulations de l’art. 8 CEDH. Une mesure d’éloignement repose sur la protection de l’ordre public, le C.E. intégrant la prévention des infractions pénales, notamment le trafic de stupéfiants, dans les motifs justifiant l’expulsion malgré la présence de liens affectifs effectifs avec la France. En outre, le trafic de stupéfiants justifie une interdiction du territoire français très souvent prononcée en la matière.

 

Le C.E. juge, le 11 juin 1999 dans l’arrêt « Ministre de l’intérieur c. El Mouhaden », que la décision d’expulser un étranger motivée par la gravité des faits de viol commis par l’intéressé, et sanctionnés par une peine d’emprisonnement de six ans ne porte pas à son droit au respect de mener une vie familiale normale une atteinte disproportionnée aux nécessités de la sûreté publique. Les motifs tirés de son mariage avec une Française pendant  sa détention et de la qualité des liens qu’il entretient avec sa belle-famille ainsi la circonstance que le couple avait eu un enfant ne sont pas suffisants pour porter une atteinte disproportionnée à l’art. 8 CEDH. El Mouhaden fit l’objet d’une mesure d’expulsion en 1995. Il appartenait aux étrangers protégés par l’art. 25  de l’ordonnance du 2 novembre 1945, théoriquement inexpulsables, sauf si, en application de l’art. 26b, la mesure d’expulsion constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l’État ou la sécurité publique.  Le C.E. considère que tel est le cas et rejette le recours. La jurisprudence constante du C.E. est de considérer que l’expulsion ne porte pas une atteinte disproportionnée à l’art. 8 CEDH, les condamnations pour trafic de stupéfiants et surtout les atteintes aux mœurs, notamment la violence sexuelle justifiant classiquement une expulsion fondée sur de tels motifs [97]. Cet arrêt est à rapprocher de l’arrêt « H. » rendu par la chambre criminelle de la Cour de cassation le 1er février 1995, jugeant que l’expulsion d’un étranger ayant commis un meurtre, après qu’il ait purgé une peine de 14 ans d’emprisonnement, n’a pas le caractère d’une sanction mais d’une mesure de police à objet préventif, exclusivement destinée à protéger l’ordre et la sécurité publics.  Selon la Cour, les dispositions combinées de l’art. 8 CEDH et de l’art. 2 du P.A.  n°4 de 1984 organisant la garantie des droits processuels d’un étranger menacé d’expulsion, l’exercice du droit de libre circulation des personnes peut faire l’objet de restrictions qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, notamment au maintien de l’ordre public et à la prévention des infractions pénales [98].

 

La loi n°99-944 du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité adopte une nouvelle définition du concubinage dans l’article 515-8 du code civil disposant que « le concubinage est une union de fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité, entre deux personnes, de sexe différent ou de même sexe qui vivent en couple ». Le PACS met fin à la discrimination maintenue par la jurisprudence de la Cour de cassation, fondée sur les oirentations sexuelles, en matière de transfert du droit au bail jusqu’alors réservé aux concubins hétérosexuels lors du décès du concubin signataire du bail, et ce, en application de la loi du 6 juillet 1989 relative aux baux [99].

De plus, l’art. 12 de la loi du 15 novembre 1999 dispose que « la conclusion d’un PACS constitue l’une des éléments d’appréciation des liens personnels en France au sens de l’article 12 de l’ordonnance du 2 novembre 1945 ». L’étranger  pacsé   entre ainsi dans les catégories de personnes auxquelles sont délivrées de plein droit une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale ».  Il s’agit d’une nouvelle base légale d’application de l’art. 8 CEDH dans l’éventualité de l’expulsion d’un étranger pacsé avec un ressortissant français tenant compte de l’effectivité de ses attaches affectives avec la France.

En outre, le C.E. a rejeté le 30 juin 1999, dans l’arrêt Guichard, le recours d’un ressortissant français contre la décision de rejet du garde des Sceaux d’intervenir dans le litige l’opposant à son ex-concubine de nationalité canadienne  qui a emmené au Canada leur fils. Le ministre de la justice est l’autorité chargée de satisfaire aux obligations imposées à la France par la convention de La Haye du 25 octobre 1980 prévoyant l’assistance prévue par l’art. 8 de ladite convention. Le Garde de Sceaux a refusé d’accéder à la demande du requérant estimant que seule la mère disposait de l’autorité parentale au moment du déplacement. Le régime juridique de l’autorité parentale est régi par les art. 371-2 c. civ.  et 374 dudit code [100] [101] . Le C.E. rejette le recours et toute violation de l’article 8 parce que le requérant ne peut alléguer qu’il ait fait les démarches nécessaires pour obtenir le bénéfice de l’autorité parentale exercée en commun par les deux parents. De plus, le C.E. estime que les dispositions de l’art. 374 c. civ. ne violent pas les dispositions combinées des art. 8 et 14 CEDH prévoyant que le droit au respect de la vie familiale doit être exercé sans considération discriminatoire de sexe [102].  L’art. 374 c. civ. permet d’éviter toute attribution sexiste du droit de garde pouvant être confié indifféremment à la mère ou au père. Il n’y a aucune contradiction entre les dispositions de la convention de La Haye et l’article 374 au regard de des art. 8 et 14 CEDH.

Enfin, le Conseil a rejeté le 12 mars 1999, dans l’arrêt Mualabo, toute applicabilité de l’article 8 CEDH  à un recours pour excès de pouvoir contre un décret prononçant la déchéance de la nationalité française obtenue par naturalisation pris en application de l’article 25 alinéa 5 du code civil qui prévoit l’hypothèse d’une telle déchéance , en cas de condamnation à une peine criminelle [103]  alors que le requérant a été condamné par une cour d’assises à une peine de douze ans de réclusion criminelle pour homicide volontaire. Cet arrêt se limite à la stricte application de la loi, la déchéance ne porte pas atteinte aux droits tirés de l’article 8 CEDH [104]. 

 

4)  la liberté de la presse cf art. 10 CEDH

 

Le C.E. a rejeté dans l’arrêt Meyet du 2 juin 1999 le recours pour excès de pouvoir intenté par le requérant contre les décisions prises au printemps par le CSA à l’adresse de l’ensemble des services de radio et de télévision en vue de l’élection des représentants français au Parlement européen en juin 1999. Les décisions du CSA, adoptées en vertu de l’article 11 de la loi du 19 juillet 1977,  interdisaient dans la semaine qui précède le scrutin  la publication, la diffusion et le commentaire de tout sondage d’opinion ayant un rapport direct ou indirect avec l’élection. Le requérant estime que cette interdiction est incompatible la liberté d’expression protégée par l’article 10 CEDH. Le C.E. rejette son recours pour excès de pouvoir en considérant que si l’article 10-1 CEDH comprend outre la liberté d’opinion, « la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées »,[105] l’article 10-2 prévoit que l’exercice de ces libertés  peut être soumis à des restrictions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires dans une société démocratique dès lors qu’elles répondent à l’une ou à l’autre des exigences énoncées audit paragraphe ; qu’au nombre de celles-ci figure la protection des droits d’autrui. LE C.E. estime que cette restriction de l’art. 10 CEDH est fondée sur la volonté du législateur d’éviter que le choix des électeurs ne soit influencé dans les jours qui précèdent immédiatement un scrutin par une appréciation qui peut être erronée des chances respectives des candidats, sans qu’aucune rectification puisse utilement intervenir et porte ainsi atteinte à la protection des droits d’autrui. Pour le C.E., la restriction de cette liberté de la presse et la durée limitée de la période durant laquelle elle s’applique et, compte tenu de la marge d’appréciation que l’art. 10-2 réserve au législateur national, et les dispositions de l’art. 11 de la loi du 19 juillet 1977 ne sont pas incompatibles avec l’art. 10 CEDH.  Le C.E. rejette en outre le moyen soulevé par le requérant selon lequel la publication de résultats de sondages par des chaînes de télévision ou des journaux étrangers ou par les opérateurs de réseaux communication par ordinateurs ne rend plus l’interdiction édictée par la loi nécessaire au sens de l’art. 10 CEDH et engendrerait en outre des discriminations entre les citoyens qui seraient contraires à son art. 14. De plus, le CE estime qu’en vertu de son caractère général et impersonnel, il ne saurait être valablement soutenu que l’art. 11 de ladite loi est constitutif d’une norme discriminatoire au sens de l’art. 14 CEDH » [106] [107] [108]. Le CE refuse de statuer sur la caducité de la loi de juillet 1977 en raison des nouveaux moyens offerts par les nouvelles techniques de communication et renvoie tout examen induit par les nouvelles techniques de communication au législateur. Une liberté totale des sondages dans les jours précédant une consultation électorale est grosse du danger de passer d’un pouvoir démocratiquement issu des urnes à un électorat volatile et soumis à l’influence des instituts de sondages dont le rôle est d’effectuer des mesures d’intentions de vote et non d’influencer l’expression démocratique par l’influence trop grande d’une « sondocratie » dans laquelle le scrutin risquerait d’être orienté par les derniers sondages.

La chambre criminelle de la Cour de cassation a été amenée à statuer sur l’incrimination d’offense à chef d’Etat étranger le 22 juillet 1999 à la suite de la publication d’un article dans un hebdomadaire affirmant l’appartenance d’un chef de gouvernement étranger à la secte du Mandarom. Celui-ci a attaqué la publication sur le chef d’offense à chef d’État étranger, incrimination prévue par l’art. 36 de la loi du 29 juillet 1881. La chambre criminelle tranche sur la compatibilité dudit article avec l’article 10 CEDH. Selon la Cour, cet article sanctionne les comportements portant atteinte à l’ordre public, notamment en ce qui concerne les relations diplomatiques et aux droits et à la réputation des individus. Ces dispositions visent à accorder à certains hauts responsables politiques une protection particulières contre certaines atteintes à leur honneur ou à leur dignité en sanctionnant un usage abusif de la liberté d’expression mais ne font pas obstacle aux critiques de nature politique. La chambre criminelle de la Cour de cassation a jugé en octobre 1998 que le droit de libre discussion des orientations ou des actes politiques trouve sa limite dans l’atteinte à la dignité de la personne   [109] [110]. 

Mais la loi interdit au prévenu de présenter devant le tribunal les preuves des faits allégués alors qu’une telle présentation est admise en matière de diffamation. La Cour estime que l’exception de vérité, c’est-à-dire l’impossibilité légale de prouver la véracité des faits diffamatoires lorsqu’ils sont qualifiés d’offenses ne place pas le prévenu dans une situation inéquitable puisque la mauvaise foi de l’auteur n’est pas présumée et qu’il incombe à la partie poursuivante de démontrer cette mauvaise foi [111] [112]. L’exception de vérité porte, quoi qu’en dise la Cour, atteinte au principe d’égalité des armes. Enfin, si la liberté d’expression doit respecter la vie privée d’autrui et le secret fiscal, la justice doit fonder ses décisions sur des incriminations ne portant pas une atteinte excessive à l’art. 10 CEDH comme en juge la Cour EDH condamnant la France pour violation de la liberté de la presse dans son arrêt du 21 janvier 1999 [113].

   

La chambre criminelle de la Cour de cassation a jugé le 22 juin 1999, dans l’arrêt  « X. et Y. », qu’est « justifiée au regard de l’art. 10 CEDH, la condamnation prononcée sur le fondement de l’art. 38, alinéa 1er de la loi du 29 juillet 1881 pour la publication d’actes d’une procédure criminelle avant leur audience publique [114], dès lors que les juges ont caractérisé l’atteinte aux droits d’autrui, susceptible de sanction selon l’art. 10-2 CEDH,  en relevant que les extraits reproduits viennent accréditer un article tendant à l’évidence à soutenir la version des faits de l’une des personnes mises en examen, opposées à celle défendue par une autre.  Toute reproduction, même partielle, du contenu de l’un des actes désignés à l’art. 38  al. 1 de la loi du 29 juillet 1881 est incriminée par ce texte » [115]. Cet arrêt est conforme à l’article 10-2 CEDH exigeant que la liberté de la presse garantisse les droits d’autrui , notamment le respect de la présomption d’innocence, lorsqu’une instruction criminelle est en cours.

 

5) la liberté d’association  (art. 11 CEDH)

     La CEDH juge le 29 avril 1999 dans l’affaire Chassagnou e.a. c/ France que la loi Verdeuille relative aux associations de chasse agrées (ACCA) est partiellement contraire à la CEDH et, notamment, à ses articles 9, 11 et 14 ainsi qu’avec l’article 1 du P.A. n°1 CEDH. La Cour sanctionne la violation de la liberté de conviction des opposants à la chasse et la violation de leur liberté négative d’association ainsi qu’une discrimination fondée sur la fortune. Il s’agit d’un désaveu des décisions rendues par les Cours suprêmes françaises de 1994 à 1996 [116] [117]. 

 

6) le principe de non-discrimination de l’art. 14 CEDH et le droit aux prestations sociales

 

L’article 14 CEDH pose le principe de non discrimination dans la jouissance des droits protégés par la CEDH.

L’art. 14 CEDH n’est pas un droit autonome mais un droit qui s’exerce à l’appui d’un autre droit. Une éventuelle discrimination est légale, selon la jurisprudence de la CEDH que « si elle poursuit un but légitime et s’il y a un rapport raisonnable de proportionnalité entre le but poursuivi et les moyens employés ».

La CEDH avait condamné l’Autriche en 1996 pour violation de la CEDH pour discrimination fondée sur la nationalité. L’arrêt Gaygusuz c/ Autriche rendu par la CEDH 16 septembre 1996 avait condamné l’Autriche, pour violation de l’art. 14 CEDH en raison du refus d’attribution d’une allocation d’urgence à un chômeur de nationalité turque résidant en Autriche en raison de sa nationalité, la législation autrichienne réservant cette prestation à ses nationaux. La CEDH a estimé que la discrimination ainsi opérée ne reposait sur aucune justification objective et raisonnable, le requérant ayant acquitté ses cotisations chômage. L’arrêt Gaygusuz ouvre une possibilité d’élargissement de la portée de la CEDH aux droits sociaux par le biais du principe de non-discrimination combiné avec le respect du droit de propriété consacré par l’art. 1 P .A. n°1 [118]. 

La Cour de cassation a en 1999 fait une réception des principes dégagés par l’arrêt Gaygusuz. C’est ainsi que la chambre sociale de la Cour casse, le 14 janvier 1999, dans l’arrêt « Bozkurt c/ CPAM de Saint-Étienne », une décision d’une cour d’appel rejetant un recours contre une décision de la CPAM refusant à un citoyen turc  le bénéfice de l’allocation supplémentaire du Fonds national de solidarité en raison de sa nationalité, pour violation des articles 14 CEDH et 1er du P.A. n°1 de 1952. Selon la Cour, « il résulte de la combinaison de ces textes, tels qu’interprétés par la Cour EDH, que les États signataires reconnaissent et assurent à toute personne relevant de leur juridiction la jouissance indistincte des droits et libertés reconnus par la Convention, sans distinction aucune, fondée notamment sur l’origine nationale ». C’est ainsi que la Cour de cassation, assimile le droit à ladite allocation à un droit dérivé du droit de propriété et fait primer la combinaison des art. 1 P.A. n°1 et 14 CEDH sur les accords d’association entre la CEE et la Turquie. Bozkurt ressortissant turc résidant en France, titulaire d’une pension d’invalidité du régime français, remplissait les conditions d’octroi de cette prestation qui lui était refusée uniquement à cause de sa nationalité étrangère. La Cour applique l’arrêt Gaygusuz et fait ainsi primer en matière de droit à prestations sociales le principe de non-discrimination [119]. Il s’agit désormais d’une obligation positive ou d’une obligation de faire qui s’impose aux Etats. Le fait de considérer le droit aux prestation sociales et aux allocations chômage comme un droit patrimonial dérivé du droit de propriété sous l’angle de l’article 14 CEDH oblige les États signataires de la CEDH à une nouvelle approche de la non-discrimination. L’arrêt Bozkurt a été confirmé par la chambre sociale de la Cour de cassation le 21 octobre 1999  dans l’arrêt « Caisse d’allocations familiales de Grenoble c. KUNT » où la Cour s’appuyant sur la combinaison desdites dispositions juge que la jouissance d’une prestation sociale comme l’allocation adulte handicapé doit être assurée sans distinction fondée sur l’origine nationale, de telle sorte qu’un ressortissant turc résidant en France doit en bénéficier, s’il en remplit les conditions d’attribution [120]. 

   De surcroît, le C.E. s’est prononcé le 5 mars 1999, dans l’arrêt  Rouquette et autres sur la conventionnalité des mesures d’attribution des  prestations familiales, notamment les allocations familiales eu égard aux dispositions combinées de l’art. 14 CEDH et de l’art. 1 P.A. n° 1 CEDH de 1952 [121].  Les requérants déposent un recours pour excès de pouvoir contre le décret n°98-108 du 26 février 1998 relatif aux allocations familiales et modifiant le code de la sécurité sociale Ce décret subordonne à une condition de ressources le bénéfice des allocations familiales. Le législateur a institué, par l’art. L. 521-1 du code de la sécurité sociale issu de la loi du 19 déc. 1997, un plafond de ressources pour l’attribution des allocations familiales lorsque les deux conjoints travaillent.

L’art. 521-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de l’art. 23 de la loi du 19 déc. 1997 dispose : « les allocations familiales sont attribuées à partir du deuxième enfant à charge. Ces allocations sont attribuées au ménage ou à la personne dont les ressources n’excèdent pas un plafond qui varie en fonction du nombre d’enfants à charge ».

Le C.E. rejette les moyens soulevés par les requérant fondés sur l’art. 2 du Pacte international relatif aux droits économiques et sociaux aux termes duquel : « « les États parties au présent pacte s’engagent à garantir les droits qui y sont énoncés, sans discrimination aucune fondée sur (…) la fortune, y compris les assurances sociales ». Mais le Conseil juge «que ces stipulations, qui ne produisent pas d’effets directs à l’égard des particuliers  ne peuvent pas être utilement invoquées à l’appui de conclusions tendant à l’annulation du décret attaqué parce que lesdites dispositions sont dépourvues de tout effet direct même si elles ont les particuliers pour destinataires parce qu’elles ne sont pas suffisamment précises pour avoir des effets directs pour pouvoir être appliquées immédiatement dans l’ordre interne sans mesure d’exécution », c’est-à-dire de mesures de mise en œuvre dans l’ordre juridique interne des États parties au Pacte. Le C.E. confirme ici sa jurisprudence antérieure, et notamment l’arrêt GISTI du 23 avril 1997 [122].

Le requérant se fonde ensuite sur la combinaison des articles 14 CEDH et de l’article 1 P.A n°1 pour essayer de convaincre le C.E. de l’illicéité des mesures contestées qui porteraient atteinte à ses droits. En effet, si le droit de propriété est garanti, le droit patrimonial sur les prestations sociales l’est également en application de l’art. 1 P.A. n°1. M. Rouquette  estime que l’art. 14 CEDH garantit stricto sensu à tous l’égale jouissance des droits reconnus par la CEDH et ses protocoles additionnels, la discrimination ne pouvant être fondée sur la richesse. Dès lors un plafonnement du montant des allocations familiales constituerait une violation de l’art. 14 CEDH alors que l’art. 1 P.A. n°1 garantit à tous le droit au respect de ses biens.

Le C.E. juge qu’un tel plafond de ressources institué pour l’attribution des allocations familiales lorsque les deux conjoints exercent une activité professionnelle productrice de revenus est légal. Les dispositions de l’art. L 521-1 du code la sécurité sociale ne pénalisent pas l’exercice d’une activité professionnelle de la mère et ne constituent pas une violation du droit au respect des biens de chacun des conjoints (selon le sexe) qui serait contraire aux stipulations  de l’art. 14 CEDH et de l’art. 1 P.A. n°1. Le C.E. balaie toute violation de l’art. 14 CEDH en considérant que le décret n°98-108 du 26 février 1998 pris en application de la loi du 19 décembre 1997 de financement de la sécurité sociale met en œuvre la différence de traitement établie par la loi selon des critères objectifs et rationnels en rapport avec les buts de la loi, en particulier en ce qui concerne la nature des charges susceptibles d’être déduites des revenus imposables et que ces dispositions réglementaires ne méconnaissent pas le principe général d’égalité devant les charges publiques. Le C.E. confirme  la conventionnalité des dispositions litigieuses. Le fait de soumettre l’attribution des allocations familiales à un plafond de ressources constitue, certes, une limitation de l’accès à un droit patrimonial garanti par l’art. 1-2 P.A. n°1 qui laisse aux États la possibilité de limiter ce droit dans un but d’intérêt général, circonstance qui se présente en l’occurrence [123]. Le rejet du  recours s’impose au regard de la jurisprudence constante tant de la CEDH que de la jurisprudence française en matière de dérogation au principe d’égalité de traitement, les critères retenus pour une mise sous plafonds de ressources des allocations familiales sont objectifs et sont fidèles aux principes de différence de traitement d’individus objectivement placés dans des situations différentes. De plus, le C.E. confirme ici son arrêt d’assemblée du 6 juin 1997, « Conseil supérieur de l’administration de biens et autres », dans lequel il rejette toute violation de l’art. 1 P.A. n°1 dans le fait que l’article 18 de la loi du 6 juillet 1989 encadre le montant des loyers devant être comparable à ceux observés pour des logements de même taille et confort dans une zone géographique et autorise le gouvernement, après constatation d’une évolution anormale du marché locatif, par  un décret pris en Conseil d’État  fixant le montant maximum de l’évolution des loyers. Le C.E. juge que ces dispositions « ne constituent pas une privation de propriété ; que si elles permettent de soumettre l’usage des biens immobiliers à certaines restrictions, elles visent à assurer la protection des intérêts des locataires en cas de situation anormale du marché locatif et poursuivent ainsi un objectif d’intérêt général au regard de l’art. 1 du P.A. n°1 » [124].

 

7) la garantie du double degré de juridiction (art. 2-1 P.A. n°7 de 1984

 

La chambre criminelle de la Cour de cassation a eu l’occasion de préciser l’application de l’art. 2-1 du P.A. n°7 de 1984 et les réserves faites par la France lors de sa ratification dans son arrêt du 23 juin 1999 Ramirez-Sanchez Illich dit Carlos [125].

L’art. 2-1 P.A. n° 7  de 1984 dispose « Toute personne déclarée coupable d’une infraction pénale par un tribunal a le droit de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité ou de condamnation. L’exercice de ce droit, y compris les motifs pour lesquels il peut exercé, sont régis par la loi ».

La Cour rejette la violation de l’art. 6-1 CEDH et du droit au double degré de juridiction portant à la fois sur le droit et les faits dans le cas des décisions rendues par les cours d’assises qui sont insusceptibles d’appel en estimant que « si l’article 2-1 du P.A. n°7 à la CEDH reconnaît à toute personne déclarée coupable d’une infraction pénale le droit de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité ou la condamnation, les réserves formulées par la France lors de la ratification dudit protocole, prévoient que l’examen de la décision  de condamnation par une juridiction supérieure peut se limiter à un contrôle de l’application de la loi tel que le recours en cassation ». C’est ainsi que la Cour de cassation accueille aussi les moyens fondés sur la violation des droits de la défense. La Cour rejette le moyen de l’impossibilité légale d’un appel d’une décision rendue par une cour d’assises rejugeant  la cause en fait et en droit et se refuse à y voir une violation de l’article 6 CEDH. Cet arrêt est d’une facture des plus classiques confirmant, par ailleurs, la jurisprudence antérieure de la chambre criminelle de la Cour de cassation [126] [127]. Cependant, l’arrêt Carlos est d’une portée limitée aux arrêts des cours d’assises [128]. L’appel d’une décision d’un tribunal correctionnel ou le pourvoi en cassation d’une décision rendue par une cour d’appel est ouvert aux parties mais aussi au procureur de la République faisant un pourvoi en cassation dans l’intérêt de la loi.

 

Mais la chambre criminelle eut aussi l’occasion de juger des liens procéduraux existant entre les articles 6-1, 6-3 et l’art. 2-1 P.A. n°7 dans l’arrêt Thimon du 16 février 1999 [129]. Les prévenus étaient poursuivis du chef d’émissions télévisuelles illicites en raison du défaut d’autorisation d’émettre, infraction prévue par l’art. 78.1° de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté audiovisuelle. Devant le tribunal correctionnel, le procureur avait produit plusieurs pièces de l’enquête initiale ainsi que ses réquisitions aux fins de saisie du matériel et de l’installation mais le tribunal rejeta ces pièces et annula la procédure pour violation de l’article 6 CEDH.

La Cour jugea que les dispositions de l’art. 6 et de l’art. 2-1 P.A n°7 ne s’opposent pas à ce que la juridiction de second degré examine des pièces produites devant le tribunal correctionnel, qui ont été écartées en première instance à la demande des prévenus, dès lors que ceux-ci, après avoir pris connaissances desdites pièces qui ont été transmises douze jours avant l’audience à leurs avocats, ont déposé des conclusion devant les juges d’appel afin d’en discuter la régularité et le contenu. Cet arrêt respecte les droits de la défense dans la mesure où les prévenus ont eu le temps nécessaire pour construire les arguments de la défense de leur cause. De plus, l’arrêt respecte les conditions du double degré de juridiction dans la mesure où les moyens produits l’avaient déjà été dès la première instance.

 

 

 

Bertrand PETER

Maître de conférences à l’Université d’Artois.

 



[1] cf C. Cass crim. 13 avril 1999 Léonard. La Cour estime « Attendu qu’en réponse aux articulations du mémoire de L. faisant valoir que les conditions de sa détention « dans un quartier disciplinaire non chauffé » constituaient, au regard de son état de santé déficient, un traitement inhumain au sens de l’art. 3 CEDH, la chambre d’accusation se fonde sur un rapport d’expertise pour retenir que « cet état n’est pas incompatible avec la détention ». C’est pourquoi, la Cour confirme la décision de la chambre d’accusation de la cour d’appel de Paris en décidant que « les dispositions de l’article 3 CEDH concernant la torture et le traitement inhumain ne sauraient invoquées en l’espèce ».  (rejet ch.  acc. 22 décembre 1998 Léonard Pourvoi n°99-80.481 [arrêt n°2553] ; Gaz. Pal. 1999 19-21 sept. 1999 ; chr. Dr. crim.  p. 137.

[2] cf Aff. Tyrer c. Royaume-Uni du 25 avril 1978, Série A n° 26 § 29 et 32.

[3] cf CEDH 26 juillet 1999, aff. Selmouni c/ France, requête n°25803 ; JCP 1999 éd. G. II 10193, note Fr. Sudre ; cf Procédures 1999, Comm. n°256. La Cour EDH a condamné la France le 28 juillet 1999 dans l’affaire Selmouni c./ France en raison d’actes de violence physique et mentale commis par des policiers durant la garde à vue d’un dealer. La Cour considère que ces actes ont provoqué des «douleurs et des souffrances « aiguës » revêtant un caractère particulièrement grave et cruel qui doivent être regardés comme des actes de torture violant l’art. 3 CEDH. Il s’agit de la première condamnation de la France sur le fondement de ces dispositions.

     [4] Pour la Cour EDH, «les nécessités de l'enquête et les indéniables difficultés de la lutte contre la criminalité, notamment en matière de terrorisme, ne sauraient conduire à limiter la protection due à l'intégrité physique de la personne" Cour EDH 27 août 1992 (chambre Tomasi c./ France (Série A. 241 A § 115)  Sudre Rev. Sc. crim. Dr pénal comparé 1993, 33 ; Decaux et Tavernier, « chronique de jurisprudence de la Cour EDH », J.D.I. 1993 pp. 740-744.

[5] cf C. Cass. crim. 6 janvier 1999 B. (Juris-Data n°000547) ; JCP 1999 éd. G. IV, 2368.

[6] L’art. 364-2-1 c. trav. prévoyait que toute infraction à l’art. 346-1 c. trav. prohibant l’embauche illégale d’étrangers est punie de 2 mois à 2 ans d’emprisonnement et d’une amende de 2000 à 20.000 Francs ou de l’une de ces peines seulement. En cas de récidive, l’emprisonnement est porté à 4 ans et l’amende à 40.000 Francs ; cf chronique générale de jurisprudence administrative P. Fombeur et M. Guyomar, AJDA 1999 p. 783.

[7] cf C. Cass. Crim. 6 nov. 1997  P. [arrêt n°5919 ] pourvoi n°98-68.791; JCP 1998, II, 10087, note Martine Cliquennois.

[8] cf C. Cass. crim 30 juin 1999 Bull. crim. 1999 n°169 p. 491 (Cassation), à Rapprocher de C. cass. crim. 4 déc. 1997 ; Bull. crim. 1997 n°416 p. 1373 (Cassation).

[9] L’art. 60 bis du C. des douanes (L. n°92-677 du 17 juillet 1992) dispose lorsque des indices sérieux laissent présumer qu’une personne transporte des produits stupéfiants dissimulés dans son organismes, les agents des douanes peuvent les soumettre à des examens médicaux de dépistage après avoir préalablement obtenu son consentement exprès. En cas de refus, les agents des douanes présentent au président du T.G.I. territorialement compétent ou au juge délégué par lui une demande d’autorisation. Celle-ci est transmise au magistrat par tout moyen. Le magistrat saisi peut autoriser les agents des douanes à faire procéder aux examens médicaux.  Il désigne alors le médecin chargé de les pratiquer dans les meilleurs délais et de lui communiquer les résultats desdits examens. Toute personne ayant refusé de soumettre aux examens médicaux prescrits par le magistrat sera punie d’une peine d’emprisonnement d’un an et d’une amende de 25.000 Francs.

[10] cf C. Cass. crim 30 juin 1999 Bull. crim. 1999 n°169 p. 491.

[11] cf CEDH Debboub alis Hussein Ali c/ France, 9 novembre 1999. Husseini Ali  passa 4 ans et 2 mois en détention provisoire, après son placement sous mandat de dépôt le 12 novembre 1994 puis fut condamné par le tribunal correctionnel de Paris à une peine de six ans d’emprisonnement par un jugement du 22 janvier 1999 et libéré le 6 mai 1999.   Durant sa détention, il fut entendu 7 fois par le magistrat instructeur et la chambre d’accusation rejeta ses cinq demandes de mise en liberté.  La Cour rappelle que, selon l’art. 5-3 CEDH, la durée de la détention provisoire d’un accusé ne doit pas dépasser la limite du raisonnable et que si la persistance des raisons plausibles de soupçonner la personne arrêtée d’avoir commis une infraction est une condition sine qua non de la régularité du maintien, au bout d’un certain temps elle ne suffit plus. Si des « motifs pertinents et suffisants » peuvent justifier le maintien en détention, les autorités judiciaires doivent apporter en outre une « diligence particulière » à la poursuite de la procédure. La Cour considère que les impératifs liés à la préservation de l’ordre public et la nécessité d’empêcher le renouvellement de l’infraction et les risques de fuite ne justifient pas à eux seuls une telle durée de la détention provisoire, pas plus que le risque de collusion entre eux ne peut se concevoir après que les témoins aient été entendus de nombreuses fois. La lenteur de l’instruction est aussi relevée par la Cour. cf Sudre Droit de la CEDH  JCP 2000 éd. G. I, 203 n°5.

[12] cf  notre chronique 1998 pour une première approche de ces notions.

[13] La jurisprudence de la Cour EDH varie dans sa jurisprudence quant à l’applicabilité de l’article 6-1 CEDH aux litiges opposant l’État et ses fonctionnaires ou agents ; cf CEDH 8 déc. 1999, Pellegrin c. France ; Sudre, chr. 1999, JCP 2000 éd. G. I, 203, n°7.

[14] La CEDH a adopté le 8 déc. 1999 aff. Pellegrin c/ France un critère plus restrictif des litiges entre l’État et ses agents exclus de l’application de l’article 6-1 CEDH. C’est ainsi que la Cour a décidé que seuls sont soustraits du champ d’application de l’art. 6-1 CEDH les litiges des agents publics dont l’emploi est caractéristique des activités spécifiques de l’administration publique dans la mesure où celle-ci agit comme détentrice de la puissance publique chargée de la sauvegarde d’intérêts généraux de l’Etat  ou des autres collectivités publiques cf CEDH 8 déc. 1999, aff. Pellegrin c/ France, req . n° 28541/95 ; JCP 2000 éd. G. II, 10426, note Thibault Graffin.

[15] cf Affaire Le Compte, Van Leuven et De Meyere c. Belgique,  21 juillet 1981,Série A n°43 ; Gaz. Pal. 1981, 2, 775.

[16] cf CE 1re et 4e sous-sections  28 septembre 1998 NOTIN (réf. 6551) requête n°159235 ; Gaz. Pal. 1999 I Pan. droit adm. p. 45.

[17] cf CE 3 novembre 1999, M. Zurmely, requête n°203748 ; Rec. CE p. 348.

[18] cf CE 6e et 2e sous-sect. réunies, 17 mai 1999, Chereau, requête n°180537 ; D . 1999, IR p. 157, Rec. CE p. 152. L’art. R 422-60 du code de la propriété intellectuelle disposait que les séances de la chambre disciplinaire ne sont pas publiques.

[19] cf C.E. 26 juillet 1996 Pandit, Rec. C.E. p. 303 ; cf C.E. 30 décembre 1996 Rochard, requête n°165432.

[20] cf CE 28 juillet 1999, Le Goff requête n°165523 ; D. 1999, IR, 235.

[21] cf CE 3 février 1999 requête n°161541, Fouquet ; D. 1999, IR p. 60 en matière de non-publicité de l’audience disciplinaire de l’ordre des experts-comptables et  comptables agréés prononçant une radiation.

[22] Ainsi,  la 1re chambre civile de la Cour a rejeté, le 4 février 1997, le pourvoi de trois notaires menacés de destitution qui n’avaient pas réclamé le bénéfice de l’article 6-1 CEDH devant la cour d’appel qui avait statué à huis clos en chambre du conseil cf Cass. 1re   ch civ. 4 février 1997 ; Consorts L. et autre c. Procureur général de Basse-Terre - Bull. C. cass. civ.1. n°43 p. 28.

[23] cf Cass. 1re civ ., 3 février 1998 ; T. c. Procureur Rép. près TGI Bordeaux et a. : pourvoi n° Q 96-12.035  Juris-Data n°000426 ; JCP 1998, IV, 1676.

[24] cf Cour de Cassation, 1re civ. 7 avril 1999  M.T. c. Procureur général d’Aix-en-Provence ; T c. Procureur général c. X. (pourvoi contre un arrêt de la C-A d’Aix-en-Provence du 21 mars 1996; Gaz. Pal. 2000. 1 Jur. sommaires et décisions p. 1026, note Michel Olivier ».

[25] cf CE 28 juillet 1999 Groupement d’intérêt économique Mumm-Perrier-Jouet, annulation de l’arrêt rendu par la CAA de Nancy du 15 mai 1997 ; D. 1999 IR p. 234 ; Rec. CE 1999 p. 257.

[26] cf CE 30 oct.1998 Lorenzi ; Rec. CE p. 374.

[27] cf CE 5 juillet 1998, Avis Fattell ; Droit fiscal 1998 Comm. 842, concl. J. Arrighi, de Casanova, c.d.g., Revue de jurisprudence fiscale 1998, RJF 8-9/98, cf notre chronique 1998.

[28] cf CE 3 décembre 1999 M. DIDIER  Rec. CE p. 399.

[29] cf C. Cass. Comm 15 juin 1999  COB/ Cie générale d’immobilier Georges V et autres,  (pourvoi n° X 97-16.439) Arrêt 1237 P ; cf Dalloz 1999 Affaires (n°177, journal du 7 octobre 1999)  p. 1437.  Obs. de V.A.R.

[30] cf C.E. 29 novembre 1999, Société Rivoli Exchange, req. n°194721 ; RFDA 2000 p. 207.

[31] cf Conseil constitutionnel, décision n°99-410 DC du 15 mars 1999, J.O. 21 mars 1999 ; Droit pénal 1999 n°68 Comm. J-H Robert. ; cf Droit pénal et procédure pénale JCP 1999 éd. G. I, 151n°5  A. Maron, J.-H. Robert, M. Véron.

[32] Cette inéligibilité, ayant entraîné pour B. Tapie la perte de son mandat de parlementaire européen en application des dispositions de la loi du 7 juillet 1977 relative à l’élection des députés français au Parlement européen ne fut pas considérée comme une sanction pénale ni  par  la Cour de cassation et le CE, qui à l’instar du Conseil constitutionnel et de la Commission EDH, refusent, tout applicabilité de l’art. 6-1 CEDH au droit électoral et l’admission de la requête.

[33] cf C. Cass. chambre commerciale .9 juillet 1996 Tapie contre Sté de banque occidentale e.a., pourvoi n°95-13.424   Bull. Civ. 4e partie ch. comm. et fin. n°207  p. 178 ; cf notre chronique de l’année 1996. ; CE 8 janv. 1977, Rec CE 1997 p. 10, Cf Commission EDH 13 janv. 1997 Bernard-Roger Tapie c./ France ; RUDH 1997 p. 261 ; cf chroniques 1996 et 1997.

[34] cf C. cass.  5 février 1999 C.O.B. c./ Oury et Agent judiciaire du Trésor Pourvoi n°Y 97 – 16.440, arrêt 436 P ; D. 1999 IR p. 60 ; Gaz. Pal. 1999.1 (1er avril 1999) Pan C. Cass. p. 68 ;

[35]  Voir l’arrêt attaqué CA Paris, 7 mai 1997, D. 1998, Somm. p. 65 obs. I. Bon-Garcin et p. 77, obs Reinhard ; cf Dalloz Affaires 11 mars 1999 n° 152 pp. 410-411.

[36]cf  C. Cass ch comm. et financière.   Haddad 9 avril 1996  Bull. civ ch commerciale et financière 4° partie n°115 p. 96. Selon la Cour, « les prescriptions de l’article 6-1 CEDH s’appliquent aux sanctions pécuniaires prévues par l’article 9-2 de l’ordonnance du 28 septembre 1967 qui, bien que de nature administrative, visent, comme en matière pénale, par leur montant et la publicité qui leur est donnée à punir les auteurs des faits contraires aux normes générales édictées par les règlements de la Commission à dissuader les opérateurs à se livrer à de telles pratiques.  Toutefois, des impératifs de souplesse et d’efficacité peuvent justifier l’intervention préalable dans la procédure répressive d’une autorité administrative qui, comme la C.O.B.,  ne satisfait pas sous tous ses aspects aux prescriptions de l’article 6-1 CEDH, dès lors que les décisions prises par  la C.O.B. sont soumises, quant à la proportionnalité de la sanction prononcée avec la gravité de la faute commise, au contrôle effectif ultérieur d’un organe judiciaire offrant toutes les garanties d’un tribunal au sens de l’article 6-1.  La procédure devant la C.O.B. respecte les dispositions de l’article 6 dès lors que la personne poursuivie a eu accès au dossier et bénéficié de l’assistance d’un avocat ».

[37] cf CEDH 23 juin 1981 Aff. Le Compte autres c. Belgique § 50 et 51.

[38] cf Cour cass.  5 octobre 1999  SNC Campenon Bernard SGE et a. c./ Min. économie  [arrêt n°1681 P] Juris-Data n°003372 ; D. 1999, Jur. Actualité jurisprudentielle p. 44 ; JCP 2000 éd G II 10255  note Éléonore CADOU ; note Olivier Flécheux  « Libre concurrence et garantie d’un procès équitable » « l’arrêt de la chambre commerciale du 5 octobre 1999  Gaz. Pal. 1999. 2 Doctrine pp. 1938-1944 (journal du 2 déc. 1999) et Conclusions de l’avocat général, Mr Maurice-Antoine Lafortune arrêt ch comm. 5 oct 1999 Gaz. Pal. 1999. 2  jurisprudence pp. 757-775.

[39] cf Cour. Cass. 1re civ. 5 oct. 1999 C. c/ Procureur gén. Près CA Basse-Terre  [arrêt n°1496 P+B]  pourvoi n°97-15.277 [arrêt n°1496] ; D. 2000 Jur p. 312.

[40] cf C. Cass. 1re civ  5 oct 1999   D. c. M. le Procureur général près de la cour d’appel de Douai   Pourvoi n°96-19.291  (n°1497 P+B) ; D. 2000 Jur p. 312.

[41] cf C. Cass. crim. 23 juin 1999 Illich Ramirez-Sanchez   dit Carlos - pourvoi c./ C. assises Paris, 24 déc. 1997 : Juris-Data n° 002804. 002985     Droit pénal 1999 n°145  Commentaire d’Albert Maron,   Bull. crim. 1999 n°147 p. 399.

[42] cf notre chronique 1998.

[43] cf Crim. 10 juillet 1997, Bull. crim. 1997 n°271 p. 925 (rejet).

[44] cf C. Cass. crim. 6 octobre 1999 Quinault, pourvoi n°98.87.407 PF (cassation de l’arrêt rendu par la cour d’assises de Haute-Marne le 18 octobre 1998 ; Gaz. Pal. 2000.1 ? Somm. et notes p. 786.

[45]  cf C. Cass  2e civ.  6 mai 1999 (réf 877) LAYE c. Mme Tollis et autre pourvoi n°96.12.964 Z  Rejet ;Gaz. Pal. 1999 Pan. C. Cass. p. 215  (journal du 1er oct. 99).

[46] cf C. Cass. 1re civ. 31 mars 1998 époux Laurent c. Proc gén. près CA Rennes : Juris-Data n°001468 ; JCP 1999 II 10102, note Joëlle Pralus—Dupuy.

[47] cf chronique de l’année 1998, un moyen nouveau n’étant qu’exceptionnellement accepté par la Cour de cassation et le CE.

[48] cf CEDH 22 février 1996, aff. Bullut c. Autriche ; RTDH 1996, p. 627.

[49] cf op. cit. note 36, C. c/ Procureur gén. Près CA Basse-Terre  [arrêt n°1496 P+B]  pourvoi n°97-15.277 [arrêt n°1496] ; D. 2000 Jur p. 312 (préc.) ; Bull. civ. I n°151 ; JCP 2000 I, 231, n°26 obs. Martin.

[50]  cf op. cit. note 37 ; C. Cass. 1re civ  5 oct 1999   D. c. M. le Procureur général près de la CA de Douai - Pourvoi n°96-19.291  (n°1497 P+B) ; D. 2000  Jur  p. 312 (préc.).

[51] cf C. Cass. crim. 24 nov. 1999 Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Centre Loire c./ Renault– pourvoi n°98.85.327 [arrêt n°7498 PF] ; D. 2000 IR, p. 59 ; Gaz. Pal. 2000.1. Sommaires de jurisprudence p.1175.

[52] La C. Cass. crim a estimé le 4 mars 1998  dans l’arrêt « X. »  qu’il y a violation de l’art. 6 et du principe d’impartialité lorsqu’après un pourvoi en Cassation, censurant la décision d’un juge d’instruction, il est fait retour du dossier à ce juge initialement chargé de la procédure. cf C. Cass. crim. 4 mars 1998 ; X : Juris-Data n°001684 ; Bull. crim n°86.

[53] cf C. Cass. crim. 20 oct. 1999 Deschamps – pourvoi n°99-81.809 PF/6362 ; Gaz. Pal. 2000 chr. droit criminel de J-P Doucet, chr. p. 1143.

[54] Un changement de style est à noter dans les arrêts de la chambre criminelle. Plusieurs arrêts de 1999, dont l’arrêt du 20 janv. 1999 Nguyen Hoang Hun, rappellent que les principes et règles de droit pénal sont de « droit étroit », c’est-à-dire d’interprétation stricte. 

[55] cf C. Cass. crim 20 janvier 1999  Nguyen Hoang Hung     pourvoi n°98-82.500 ; Bull. crim. 1999 n°11 p. 23.

[56] En outre, l’impartialité est respectée lorsqu’un juge aux affaires familiales siège comme assesseur d’une cour d’assises devant laquelle comparaît l’accusé pour des faits disjoints du divorce, notamment le viol aggravé de la maîtresse de l’accusé, parce que ces deux affaires ne présentent aucun lien de connexité ; cf C. cass. crim. 19 mars 1997 Jegoux, Dr. pénal 1997 n°100 et, a contrario, cf C. Cass. crim. 21 févr. 1996, Bull. crim. n°82 p. 234 (1).

[57] cf C. Cass. 2e civ. 20 octobre 1999 Mme X contre M. Y et autres – pourvoi n°99-01.084. ; Bull civ. 1999 civ. 2 n° 159, 2ème partie p. 111, cf notre chronique 1998.

[58] cf Cour EDH 24 août 1993 Affaire Nortier c. Pays-Bas (chambre, Série A n°267).

[59] Le rapporteur du CSA statuant disciplinairement est, en application de l’art. 47-2  de la loi du 18 janvier 1989 est un membre extérieur aux  neuf « Sages » composant le CSA, désigné par le vice-président du Conseil d’État parmi la juridiction administrative mais il assiste au délibéré avec voix délibérative.

[60] cf Dalloz Affaires n°160, 6 mai 1999, note F. Bocher p. 746.

[61] cf Décision ART n°99-528, 18 juillet 1999 ; J.O. 21 juillet 1999.

[62] Les membres des autorités administratives indépendantes doivent être indépendants des parties et doivent avertir le président desdites autorités des intérêts qu’ils détiennent ou des fonctions qu’ils exercent dans une activité économique et financière ainsi que tout mandat qu’ils détiennent au sein d’une personne morale. Ce principe a été affirmé dans les même termes par l’art. 2 al. 2 de l’ordonnance du 28 septembre 1967 pour la COB, par l’art. 3 al. 4 de l’ordonnance du 1er déc. 1985 pour le Conseil de la concurrence et par l’art. 30 al. 2 de la loi de modernisation des activités financières dite loi MAF du 2 juillet 1996 créant le CMF ; cf Renaud Salomon, le pouvoir de sanction des autorités administratives indépendantes en matière économique et financière – Conformité aux garanties fondamentales ; JCP 2000 éd. G. I, 264.

[63] cf CE 3 décembre 1999 M. Leriche, requête n°195512 ; Rec. CE p. 402.

[64] cf CE 3 décembre 1999 M. Didier, requête n°207434 ;Rec. CE p. 399.

[65] Il en est ainsi du Conseil de la concurrence (cf C.C. 23 janv. 1987, dé. N°86-224 DC, Rec. p. 8) ; du Conseil supérieur de l’audiovisuel (C.C. 17 janv. 1989, déc. n°88-248 DC, Rec. p. 18) et de la Commission des opérations de bourse (C.C. 28 juillet 1989, déc. n°89-260 DC, Rec. p. 71.

[66] cf chronique de jurisprudence administrative, AJDA 2000 p. 126.

[67] cf conclusions d’Alain Seban, RFDA 2000 p. 584.

[68] cf Comm. EDH 30 juin 1993, J-P. L. c/ France, requête n°18 845/91, cité par A. Seban dans ses conclusions, RFDA 2000 p. 592.

[69] cf CE 3 déc. 1999  Caisse de crédit mutuel de Bain-Tresboeuf  req. n°187060, n°197061 ; Rec. CE 1999 p. 397.

[70] cf conclusions de Jean-Denis Combrexelle, RFDA 2000 p. 574.

[71] cf « la participation du rapporteur de la formation disciplinaire du conseil des marchés financiers n’est pas contraire à la CEDH » ; JCP 2000, II, 10267, note de Fr. Sudre sous les 3 arrêts rendus par le CE le 3 décembre 1999.

[72] CEDH 31 mars 1998 aff. Reinhardt-Slimane-Kaïd c./ France cf JCP 1999 éd. G. II, 10074, note Soler ; cf notre chronique 1998.

[73] cf C. Cass. Comm 15 juin 1999 (réf. 112)  Directeur général des Impôts c. LISE ; Gaz. Pal. 1999 Pan. C. Cass. p. 215  ; JCP 1999 éd. G IV, 2512.

[74] cf C. Cass. crim. 16 juin 1999 Michel Vincent, pourvoi n°98-82.881 ; Bull. crim. 1999 n° 138 p. 375.

[75] La Cour estime que le droit d’accès au juge consacré par l’art. 6 CEDH relève de l’ordre public international au sens de l’article 27, 1 de la Convention du Bruxelles du 27 septembre 1968 qui est une convention relative à la compétence de reconnaissance et d’exécution des décisions en matière civile et commerciale conclue entre les États membres de l’Union européenne.

[76] cf C. cass. 1re civ. 16 mars 1999, Pordéa c/ Sté Times Newspapers limited, pourvoi n°97-17.598 ; D. 1999, IR p. 101, Gaz. Pal. 1999, Panor. C. cass. p. 133.

[77] cf CA de Paris arrêt du 14 mai 1997 ; Dalloz Affaires 1997, p. 754 ; arrêt critiqué par V. M-L  Niboyet, Dr. et patrimoine février 1998 p. 40, obs. Vidal et pbs. Le Nabasque,  Rev. Sociétés 1997 p. 827.

[78] cf C. Cass. Comm. 15 juin 1999  COB/ Cie générale d’immobilier Georges V et autres  (pourvoi n° X 97-16.439) Arrêt 1237 P ; cf Dalloz Affaires 1999 (n°177, journal du 7 octobre 1999)  p. 1437.  Obs. de V.A.R. 

[79] cf CEDH 29 août 1997 Aff. A. P., M. P. et T.P. c. Suisse ; Gaz. Pal. 1998.2, jur. p. 483.

[80] cf C. Cass. crim. 21 oct. 1999    Papon ; Dalloz 2000, Jur. Comm. p. 602, note Anne Teissier.

[81] cf Cour EDH 14 déc. 1999 – aff. Khalfoui c./ France, requête n°34791-97 ; D. 2000, IR p.12.

[82] cf C. Cass. 1re civ 14 déc. 1999 ; Consorts Mitterrand c/ Editions Plon n°97-15.756 [arrêt n°1983 P] ; Dalloz 2000 Jur. p. 372 ; JCP 2000 éd. G. II 10241 ; Bull. civ. 1999 civ. 1, 1re partie p. 222.

[83] cf C. Cassation 1re chambre civile du 16 juillet 1997 SA Plon c. Consorts Mitterrand ; JCP 1997 éd. G. II, 22964 [arrêt n°1402 P], procédure des référés ; note d’Emmanuel Derieux..

[84] La 2ème chambre civile de la Cour de cassation  refuse, dans un arrêt du 22 mai 1996, à l’ex-compagne de Montand et mère de son fils, de faire valoir les art. 9 c. civ. et 8 CEDH lors de la publication d’articles de presse relatant des faits concernant la vie privée de ce comédien et notamment affirmant qu’il aurait eu une fille naturelle alors qu’il avait refusé de la reconnaître en niant cette paternité de manière constante. La Cour rejette le pourvoi en jugeant que le droit d’interdire toute divulgation concernant la vie privée n’appartient qu’aux vivants, notamment lorsque ladite publication ne comporte aucune intrusion ni dans la vie privée de la requérante, ni dans celle de son fils chef, et parce que le droit d’invoquer la violation de la vie privée s’éteint au décès de son auteur. Cf C. Cass. 2e civ. 22 mai 1996,[arrêt n°463] Mme X. c/ Sté Prisma presse, pourvoi n°93-13-448, Bull. Civ. 1996 civ. 2 n°106 p. 66 ; D. 1996, IR p. 196.

[85] cf Cour Cass. crim 30 juin 1999  Cabinet X Pourvoi n°97-86.318 ; Gaz. Pal. 1999.2 (18 sept. 1999) jurisprudence p. 569 note André Damien ; Dalloz 1999 Jur p. 458.

[86] L’art. 97 C.P.P. organise les conditions de saisie de pièces pendant une perquisition menée par un juge d’instruction tandis que l’art. 99 organise les modalités de restitution pendant l’instruction d’objet sous main de justice. Mais l’art. 99 dispose qu’il n’y a pas lieu à restitution lorsque celle-ci est de nature à faire obstacle à la manifestation de la vérité ou à la sauvegarde des droits des parties.

[87] Cet arrêt a été rendu sous l’empire des dispositions de l’art. 66-5 de la loi du 31 déc. 1971, dans sa rédaction issue de la loi du 7 avril 1997. .

[88] cf C. cass. soc. 19 janvier 1999 Spileers c./ SARL Omni Pac Juris-Data n°000086 pourvoi n°96-40.755 ; JCP 1999 éd. G IV, 1400 ; Bull civ. 1999, chambre soc. n°7, 5ème partie p.   ; note de Jean-Pierre Marguénaud et de Jean Mouly   D. 1999 Jur. Comm. p. 645.

[89] cf le célèbre arrêt Lüth de la cour constitutionnelle fédérale allemande du 15 janvier 1958 (BVerfGE 7, 198) à propos d’un litige relatif à la liberté d’expression à la suite de l’appel au boycott d’un film réalisé par un cinéaste s’étant compromis avec les autorités nazies.

[90] cf CEDH 9 décembre 1994 aff. Lopez Ostra c. Espagne (Série A n°303-C) avec une condamnation de l’Espagne en raison de l’inaction des autorités municipales pour faire cesser le trouble créé par les odeurs nauséabondes émanant d’une station d’épuration d’eaux et de déchets provenant de tanneries en activité et indisposant les habitants du voisinage dont certains ont dû déménager.  Cette station d’épuration avait été construite sans l’obtention du moindre permis de construire et jouxtait à une dizaine de mètres des logements dont celui de la requérante. La Cour reconnaît ainsi à l’article 8 une portée horizontale, relative à la vie privée et familiale, au respect du domicile mais aussi un droit à la protection de la santé . L’arrêt L. Ostra c. Espagne pose le principe d’une protection indirecte de l’environnement, par le biais de la garantie du droit au respect de la vie privée et du droit de propriété et du droit de propriété en vertu de l’art. 1 P.A. n°1. La CEDH pose le principe du juste équilibre entre le bien-être économique de la ville de Lorca – celui de disposer d’une station d’épuration – et la jouissance effective par la requérante du droit au respect de son domicile et de sa vie privée et familiale.

cf DECAUX E. et TAVERNIER  P. « Chronique de jurisprudence de la CEDH (année 1994) », J.D.I. 1995 p. 798-800.

 

[91] V. Coussirat-Coustère  « la jurisprudence. de la CEDH en 1993 et 1994, A.F.D.I. 1994 P. 658 et s (692), n°67 et s..

[92] cf ibidem n°62 et 63.

[93] cf Cour EDH arrêt Marckx c. Belgique du 13 juin 1979, Série A n°31 ;Vermeire 29.11.1991, Série A n°214-C., cf notre chronique 1996.

[94] cf C. Cass. 3ème ch civ 6 mars 1996  O.P.A.C. de la Ville de Paris c. Mme Yedei  ; D.1997, jurisprudence p.167, Bull. civ. n°360. La Cour de cassation a reconnu un effet horizontal à l’article 8, c’est-à-dire le caractère d’un droit subjectif opposable non seulement à l’Etat mais aussi aux tiers, dans son arrêt du 6 mars 1996, relatif au contentieux des baux d’habitation en exigeant une protection « interindividuelle » du droit de mener une vie familiale normale en décidant que « les clauses d’un contrat d’habitation ne peuvent, en vertu de l’article 8 C.E.D.H., avoir pour effet de priver le preneur de la possibilité d’héberger ses proches en prétendant limiter l’occupation des lieux au locataire et à ses enfants » et en rejetant une demande de résiliation du bail fondée sur cette clause. Une telle clause doit être réputée non écrite et ne saurait empêcher le locataire d’héberger le père de ses deux derniers enfants et ainsi que sa sœur. Un tel hébergement des proches est légal nonobstant toutes clauses contraires du contrat.

[95]cf note de Jean-Pierre Marguénaud et de Jean Mouly   D. 1999 Jur. Comm. p. 645.

[96] cf CE 11 juin 1999   M. Abdelkrim CHEURFA   requête n°187403 ;  Rec. CE p. 177.

[97] cf CE 11 juin 1999 Ministre l’intérieur, requête c/ El Mouhaden req. n°185545 ; D. 1999, IR, 235,     Rec. CE.p. 176; JCP 1999 1999 éd. G. IV, 3030 obs. M-C Rouault. 

[98] cf C. cass. crim. 1er février 1995 H..., JCP 1995 G. II, 22463, note de Nicole Guimezanes.

[99] La Cour de cassation avait, le 17 décembre 1997, rejeté le pourvoi du concubin homosexuel survivant qui avait fait l’objet d’une éviction du logement loué par son concubin décédé et signataire du bail. La Cour avait alors estimé que « le concubinage ne peut résulter que d’une relation continue ayant l’apparence du mariage, en l’occurrence d’une relation stable entre un homme et une femme ».cf notre chronique 1997, C. Cass. 3e chambre civile, 17 déc. 1997 ; V. c./ Mme Weil [arrêt n°1807 P+F] ; D. 1998, jurisprudence p. 111.

[100] L’art. 371-2 c. civ dispose que l’autorité parentale appartient aux père et mère pour protéger l’enfant dans sa sécurité, sa santé et sa moralité. Ils ont à son égard droit et devoir de garde, de surveillance et d’éducation.

[101] L’art. 374 c. civ., dans sa rédaction issue de la loi du 22 juillet 1987, dispose que « l’autorité parentale est exercée sur l’enfant naturel  par celui des père et mère qui l’a volontairement reconnu, s’il n’a été reconnu que par l’un d’eux. Si l’un et l’autre l’ont reconnu, l’autorité parentale est exercée par la mère » ; selon l’art. 374 al. 2 et 3 « l’autorité parentale peut être exercée en commun par les deux parents s’ils en font la demande conjointe devant le juge des tutelles. A la demande du père ou de la mère ou du ministère public, le juge aux affaires matrimoniales peut modifier les conditions de l’autorité parentale et décider qu’elle sera exercée, soit par l’un des deux parents, soit en commun par le père ou la mère ; il indique, dans ce cas, le parent chez lequel l’enfant a sa résidence habituelle.

[102] cf CE 30 juin 1999  Guichard  arrêt publié au Dalloz 20000 Jur. p. 1 , note de François Boulanger ; JCP 1999 éd. G. IV, 3094, obs M-C Rouault.

[103] L’article 25 alinéa 5 du code civil dispose qu’un individu qui a acquis la qualité de Français  peut, s’il a été condamné en France ou à l’étranger pour un acte qualifié de crime par la loi française et ayant entraîné une condamnation à une peine d’au moins cinq ans d’emprisonnement.

 

[104] cf CE 12 mars 1999 Bin Mualabo, requête n°17189.

[105] Le CE cite expressément la lettre de l’art. 10-1 CEDH, cette mention étant exceptionnelle dans la jurisprudence française.

[106] cf CE sect. 2 juin 1999 Meyet, requête n°207752 ; JCP 1999 éd. G. IV, 2760, obs. M-C Rouault.

[107] Le Conseil d’Etat avait déjà, dans son arrêt du 17 février 1995 Meyet  tranché de la conventionnalité de ladite loi  dans son application aux élections européennes cf C.E. 17 février 1995 Meyet et autres, Rec. C.E. p. 79.

[108] La chambre criminelle de la Cour de cassation avait adopté en 1996 un point de vue analogue en condamnant une publication ayant fait paraître les résultats d’un sondage dans les jours précédant le referendum de septembre 1992 relatif à l’adoption du traité de Maastricht ; cf C. Cass. crim. 14 mai 1996 Pourvoi n°94-82.440  Arrêt 2334    Bull. Criminel n°204 p. 577 (2).

[109] cf C. cass. crim 20 octobre 1998 Colombani ; Bull. crim. n°267 p. 772, rejet ; cf Dr pénal 1999 Comm. 20 obs.Véron., cf notre chronique 1998.

[110] Cette protection contre les atteintes à la dignité des chefs d’État et de gouvernement permet, en réalité, de museler toute critique concernant certaines questions d’ordre intérieur comme le fait qu’un chef d’État s’irrite de la parution d’articles de presse relatifs à la production de drogues au Maroc contrairement à son engagement de prétendre lutter en faveur de la limitation et l’éventuelle éradication de ces cultures.

[111] Cf C. Cass. crim. 22 juin 1999 – pourvoi n°97-85.707 ; D. 1999 IR, 193, confirmant CA Paris, 2 oct. 1997 ; D. 1997 IR, 242..

[112] Cette interdiction de vérité se trouve dans d’autres délits de presse prévus par la loi de juillet 1881, notamment par son article 35 pour le délit de diffamation publique envers un particulier lorsque l’imputation concerne la vie privée ou se réfère à des faits remontant à plus de dix ans, à un fait constituant une infraction amnistiée ou prescrite ainsi qu’à des faits ayant donné lieu à une condamnation effacée par la réhabilitation ou la révision.

[113] cf CEDH 21 janv. 1999 aff. Fressoz et Roire c./ France, requête n°29183/95 ; JCP 1999 II 10120, note Emmanuel Derieux. La Cour estime que la condamnation du directeur et d’un journaliste poursuivis pour recel de documents administratifs pour avoir publié des avis d’imposition est une « ingérence » dans l’exercice de leur liberté d’expression constitutive d’une atteinte excessive à la liberté de la presse garantie par l’art. 10 CEDH. L’art. 10 laisse aux journalistes le soin de décider ,s’il est nécessaire ou non de reproduire le support de leurs informations pour en asseoir la crédibilité. C’est pourquoi, la condamnation par la chambre criminelle de la Cour de cassation de l’hebdomadaire satirique constitue une ingérence disproportionnée à la liberté de la presse. L’art. 10 protège le droit des journalistes de communiquer des informations d’intérêt général dès lors qu’ils s’expriment de bonne foi, sur la base de faits exacts et fournissent des informations « fiables et précises » dans le respect de l’éthique journalistique. Le Canard enchaîné avait en 1989 publié l’avis d’imposition de M. Calvet, P.D.G. de Peugeot PSA.

[114] L’art. 38 al. 1 de la loi du 29.7.1881 dispose qu’il est interdit de publier les actes d’accusation et tous autres actes de procédure criminelle ou correctionnelle avant qu’ils aient été lus en audience publique, et ce, sous peine d’une amende de 25000 Francs.

[115] cf C. Cass. crim 22 juin 1999  X.. et Y..  pourvoi n°98-84.197 ; Bull. crim. 1999 n°146 p. 397, rejet.

[116] cf, notre chronique 1996 et, par exemple, C.E. 3 février 1995 Mme Godard requête n°120.407  Rec. C.E. Tables p. 794 ; cf Cass. 3° civ 16 mars 1994 Chassagnou et a. c. A.C.C.A. de Tourtoirac et a. ; cf Cass. 1° civ 3 mai 1995 Beauvais et a. c. A.C.C.A. de la Cellette, JCP 1995 II, 2264 note Louis Boré.

[117] cf Cour EDH  29 avril 1999  Chassagnou e.a. c/ France ;  AJDA nov. 1999 pp. 922, Note de François Priet, AJDA 1999 pp. 925-932 ; Droit administratif Juin 1999 Comm. n°163. La Cour EDH prend le contre-pied de la jurisprudence constante des cours suprêmes françaises en matière d’apport contraint des petits propriétaires forestiers au territoire de chasse des ACCA, ces derniers devenant membres de droit desdites associations même si leurs convictions sont contraires à la pratique de la chasse. La CEDH y voit une atteinte à leur liberté négative d’association mais considère de surcroît qu’il y a violation du principe de non-discrimination édictée par l’art. 14 CEDH puisque seuls les petits propriétaires forestiers sont soumis à cette contrainte et que cette discrimination ne repose sur aucune distinction proportionnée au but légitime poursuivi.

[118] cf CEDH 16 sept. 1996 Gaygusuz c ; Autriche ; D. 1998, Jur. p. 438, note de Jean Marguénaud et Jean Mouy.

[119] cf Cour de cassation soc. CAss. Soc. 14 janvier 1999  Bozkurt c/ CPAM de Saint-Étienne [arrêt n°119 P+B+R] ; JCP 1999 II, 10082, note Sudre ; Dalloz 1999 Jur. p. 334, note de  Jean-Pierre Marguénaud et Jean Mouly.

[120] cf C. cass. soc. 21 octobre 1999  Caisse d’allocations familiales de Grenoble c. KUNT – pourvoi n°98-1030 ; Bull. civ. ch socia1e (5ème partie) n°395 p. 290.

[121] cf CE 4 mars 1999 Rouquette et autres – requêtes n° 194658, n°196116 Rec. CE p. 37 ; D. 1999  IR p. 111 ,Dr. adm. 1999 Comm n°138, note C.M.

[122] cf CE 23 avril 1997 Gisti, concl. Ronny Abraham ; D. 1998, Jur. p. 15.

[123] L’arrêt confirme aussi les restrictions à l’usage du droit de propriété dans un but d’intérêt général  comme en a jugé le Conseil dans l’arrêt Bitouzet le 3 juillet 1998  considérant que les servitudes d’urbanisme prévues par l’art. 160-5 du c. de l’urbanisme et adoptées dans un but d’intérêt général sont compatibles avec l’art. 1-2 du P.A. n°1 ; Rec. CE p. 288, cf chr. 1998.

[124] cf CE ass. 6 juin 1997 Conseil supérieur de l’administration de biens et autres ; Rec CE p. 220.

[125] cf  Cass. crim.  23 juin 1999, Ramirez-Sanchez Illich dit Carlos ; pourvoi c./ C. assises Paris, 24 déc. 1997 : Juris-Data n° 002804. 002985     Droit pénal 1999 n°145  Commentaire d’Albert Maron ; Bull crim.1999 n° 147 p. 399.

[126] cf C. Cass. crim. 19 décembre 1990, Bull. crim. 1990 n°443 p. 1104 (rejet).

[127] La C. cass. crim. a également réaffirmé le 23 juin 1999, dans l’arrêt Gomez, la compatibilité des arrêts de cours d’assises prononcés en dernier ressort, pourvoi n°98680.561 ; cf Dalloz 1999 Somm. comm de droit pénal p. 327. 

[128] cf C. cass. crim. 29 juin 1999 Bierenbaum et autre –pourvoi n°97-84.106 PF (Rejet d’un pourvoi c. CA Versailles, 2 juillet 1997) – gr. [arrrêt n°4411] ; Gaz. Pal. 2000.1. jur., somm. et notes p. 154.

[129] cf C. Cass. crim. 16 février 1999 Thimon Denis, Malsa Garcin et Bourgade Marcel – pourvoi n°97-84.260c. CA de Fort-de-France ; Bull. crim. 1999 n°20 p. 46.