CEDHF96

Chronique d’application jurisprudentielle de la CEDH par la Cour de cassation et le Conseil d’état en 1996

 

CEDHF96. 1

I. Les droits intangibles. 4

1)        le droit à la vie. 4

2)        la protection de l’intégrité de la personne. 6

3)        l’interdiction de l’esclavage et du travail forcé ou obligatoire. 8

4)        le principe de légalité et ses conséquences. 9

II. Les droits conditionnels. 10

1)        le droit à la sûreté. 11

2)        le droit à l’accès à un tribunal et le respect des droits de la défense. 13

a) le droit à l’accès à un tribunal légal et équitable. 14

b) le respect de la présomption d’innocence. 18

c) le respect des droits de la défense. 19

3)        le respect de la vie privée et familiale et l’inviolabilité du domicile et de la correspondance. 20

a) la protection de la vie privée et familiale. 20

b) les ingérences étatiques justifiées. 23

4)        les libertés de l’esprit 26

a) la liberté de pensée, de conscience et de religion. 26

a) la liberté d’expression. 28

5)        les libertés collectives. 31

III Jurisprudence. 34

 

La Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des  libertés fondamentales fut adoptée le 4 novembre 1950 par le Conseil de l’Europe mais ne fut ratifiée par la France que par la loi du 31 décembre 1973[1]. Ce traité, également appelé Convention européenne des droits de l’homme (C.E.D.H.), commence à exercer une influence déterminante sur l’ordre juridique interne français en raison des condamnations de la France par la Cour européenne des droits de l’homme (Cour EDH) ou de revirement jurisprudentiels quant à l’applicabilité de ses dispositions. Cette contribution se veut ainsi complémentaire des analyses de la jurisprudence de la Cour Européenne des droits de l’homme déjà présentées dans diverses publications françaises. Elle met ainsi l’accent sur  les incidences de l’application de la CEDH sur l’ordre juridique interne français.

La C.E.D.H. est une convention internationale d’applicabilité directe en raison de la précision suffisante des droits qu’elle protège. Les droits reconnus par la CEDH ont, outre la qualité de droits subjectifs, un caractère objectif. Les États signataires sont co-gardiens de l’ordre public humanitaire européen qui résulte de la CEDH.

Aucun des États signataires ne peut se prévaloir de l’irrespect éventuel de la convention  par un État partie pour prétendre être dégagé de ses obligations en vertu du principe de réciprocité d’application  des traités internationaux. L’article 55 de la constitution de 1958 est donc, à cet effet, inopérant

La C.E.D.H. se compose d’une déclaration de droits fondamentaux de 18 articles [2].  La Convention  distingue deux sortes de droits protégés : les droits intangibles et les droits conditionnels qu’ils doivent respecter. Les droits intangibles sont les droits auxquels les États ne doivent pas porter atteinte en toutes circonstances. Ces droits intangibles sont au nombre de cinq : le droit à la vie (art. 2), l’interdiction de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants (art. 3), le principe de légalité des crimes et délits et de l’interdiction de la rétroactivité de la loi pénale (art. 7) et la règle non bis in idem en vertu de l’article 4 du P.A. n°7 adopté en 1984.

Les droits conditionnels sont les droits subjectifs qui obéissent à un standard de protection moins important. Ces droits sont susceptibles de limitations fixées par la loi et exigées par l’intérêt général, l’ordre public, la morale et la santé publiques, les intérêts d’autrui et doivent répondre à un but social impérieux. En outre, il est nécessaire que cette limitation soit nécessaire et proportionnée  au but ou à l’intérêt public ou général considérés. Mais ces limitations ne doivent jamais porter atteinte à la substance, c’est-à-dire au « noyau dur » de la liberté considérée[3].

 Ces droits conditionnels sont le droit à la liberté et la sûreté, le droit à un procès équitable rendu par un tribunal légal   respectant les droits de la défense Il s’agit aussi du droit au respect de la sphère vie privée et familiale. La C.E.D.H. reconnaît également le caractère de libertés positives et négatives  aux libertés de l’esprit mais reconnaît aussi des libertés collectives. L’article 1 du P.A. n°1 de 1952 ajoute la protection du droit de propriété et le droit à l’instruction. Ce protocole consacre aussi dans son article 2 le principe de démocratie et de la dévolution régulière du pouvoir politique,  le choix du corps législatif appartenant au corps électoral à l’occasion d’élections libres tenues à intervalles raisonnables et au scrutin secret. L’abolition de la peine de mort en temps de paix fut consacrée par le protocole n° 6 adopté en 1983 alors que le protocole additionnel n°7 adopté en 1984  intègre dans la convention la garantie du double degré de juridictions et la protection juridictionnelle des étrangers qui sont l’objet d’une mesure d’expulsion ainsi que l’égalité de droits des époux.

Les droits garantis par la CEDH ont pour créanciers et destinataires non seulement les États parties à la CEDH mais également les individus se trouvant sous leur juridiction que ce soit en tant que nationaux ou étrangers. Si l’article 1 du P.A. n°7 de 1984 organise les garanties juridictionnelles des étrangers bénéficiant d’un titre de séjour mais faisant l’objet d’une mesure d’expulsion se basant sur des motifs de protection de l’ordre public ou de sécurité nationale ; il ne consacre aucunement un droit à la libre circulation des personnes comme on peut le trouver en droit communautaire. Ces droits sont essentiellement des droits subjectifs et non des droits de créance même si certains droits, comme le droit à l’instruction et le droit d’accès à un tribunal  impliquent une obligation positive de la part des États.

 Les droits reconnus par la C.E.DH. sont qualifiés, par la Commission EDH dans sa décision du 11.01.1961, de droits objectifs non « parce qu’ils seraient des droits et obligations réciproques concédés par les États dans le cadre de la poursuite de leurs intérêts nationaux » mais parce que « les États ont ainsi voulu réaliser les idéaux et objectifs du Conseil de l’Europe ». Ces droits  sont  reconnus aux individus comme étant les droits qui se rattachent par principe à la seule qualité de personne humaine dans le cadre d’une démocratie. La CEDH permet la sauvegarde de certaines valeurs fondamentales et d’instaurer un ordre public communautaire des libres démocraties d'Europe afin de sauvegarder leur patrimoine commun de traditions politiques, d'idéaux, de liberté et de prééminence du droit

Ces droits objectifs constituent, selon la Commission EDH, le socle de l’ordre public des États membres du Conseil de l’Europe[4].  L’assimilation des ressortissants et des étrangers sur le territoire des États parties quant à l’effectivité de la protection offerte par la CEDH est totale. En effet, l’article 14 CEDH pose le principe de l’interdiction de toute discrimination dans la  jouissance des droits reconnus par la présente Convention qui serait fondée sur le sexe, la couleur, la langue,  les opinions politiques ou toute autre opinion, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre distinction. En outre, l’article 16 CEDH  dispose qu’aucune des dispositions des articles 10, 11 et 14 ne peut être considérée comme interdisant aux Hautes Parties Contractantes d’imposer des restrictions à l’activité politique des étrangers.

 

  L’intégration en France des droits garantis par la CEDH se fait lentement mais progresse indéniablement malgré une tradition  favorable à la protection des libertés individuelles. Certains traits de l’ordre juridique français comme le privilège exécutoire de la puissance publique témoignent encore d’un ordre juridique dans lequel l’État est puissance avant d’être régulateur  des libertés et arbitre de l’intérêt général. La CEDH devient , par son application dans les États signataires, le levier d’une européanisation du standard de la protection des droits fondamentaux. Les cours suprêmes françaises ont accepté avec réticence l’applicabilité direct des droits issus de la convention. La France est l’État le plus attaqué devant la Cour européenne des droits de l’homme et fait l’objet d’environ 25% des recours. Mais depuis l’arrêt Nicolo de 1989, le Conseil d’État applique plus facilement lesdites dispositions conventionnelles en droit public tandis que la Cour de cassation intègre les dispositions de la CEDH relatives à la sûreté et à l’accès à un  tribunal légal dans une procédure d’une durée raisonnable.  Les cours suprêmes se refusent à contrôler la constitutionnalité des lois en vigueur mais acceptent d’exercer un contrôle de conventionnalité, c’est-à-dire de leur conformité à la CEDH.   Ce commentaire comparé de la  jurisprudence des deux ordres juridictionnels, en 1996, se fera par référence à chaque droit protégé en examinant en premier lieu les droits intangibles avant d’aborder les droits conditionnels.

 


I. Les droits intangibles

 

Les articles 2, 3, 4 CEDH,  (à l’exception de l’art. 4-3) s’appliquent à tous les individus quelle que soit leur situation.

 

1)      le droit à la vie

La CEDH et l’ordre juridique français protègent, en vertu de la loi,  le droit à la vie mais ce n’est pas un absolu. Selon l’article 2 CEDH, la mort ne peut être infligée que dans des conditions très encadrées  et seulement en vertu de la loi. Il s’agissait en 1950 de l’exécution d’une condamnation à la peine capitale prononcée par un tribunal dans le cas où cette peine est prévue par la loi. Mais le protocole additionnel  n°6 de 1983 proclame l’abolition de la peine de mort sauf en temps de guerre ou imminent de guerre. Cependant, l’art. 2-2 CEDH prévoit le recours à l’usage de la force lorsqu’il est vraiment nécessaire pour assurer la défense de toute personne contre toute violence illégale, pour effectuer une arrestation régulière ou pour empêcher l’évasion d’une personne régulièrement détenue ou encore pour réprimer, conformément à la loi, une émeute ou une insurrection. Deux questions découlent de l’art. 2-2 CEDH. Ce droit à la vie et, notamment  du fœtus, s’impose-t-il erga omnes et dans quelle mesure peut-on infliger la mort ? La Commission EDH a, estimé [5] que le fœtus ne disposait pas d’un droit à la vie de caractère absolu et a constaté que ce droit se trouvait assorti de limitations implicites à la protection de la vie et de la santé de la femme enceinte, circonstances qui autorisent l’avortement thérapeutique. Néanmoins, la Cour EDH refuse de reconnaître sur la base de l’article 2 tant un droit de l’enfant à naître qu’un droit à l’avortement [6]. La protection de la vie fut invoquée en 1996 par des « commandos anti- IVG », devant la Cour de cassation, comme fait justificatif  en matière de délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse dans des locaux hospitaliers, délit réprimé par l’article L. 162-15 du Code de la santé publique. Les prévenus excipèrent de l’incompatibilité des dispositions de la loi Veil du 15 janvier 1975 avec la CEDH et avec la convention de New York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l’enfant en alléguant l’état de nécessité. La Cour de cassation rejeta ces recours moyens en estimant « que le droit à la vie consacré par la CEDH n’est pas garanti au fœtus ou à l’embryon humain, qui n’a pas la qualité de personne humaine, mais seulement celle de « personne humaine en devenir », que les législations nationales peuvent, en conséquence, décider sans violer les dispositions de la CEDH, que l’interruption volontaire de grossesse est légale ; la loi du 15 janvier 1975, dite loi Veil, énonce que la loi garantit le respect de tout être humain dès le commencement de la vie mais n’a pas donné la qualité de personne humaine au fœtus et a seulement posé le principe du respect de l’être humain et n’admet qu’il ne soit porté atteinte au respect de tout être humain dès le commencement de la vie qu’en cas de nécessité et dans les conditions qu’elle pose. Dès lors les dispositions réprimant le délit d’entrave à I.V.G. ne sont pas incompatibles avec l’article 2 CEDH » [7].

En outre, la Commission et la Cour E.D.H. sont exigeantes quant au bien-fondé et à la nécessité du recours à la force. La Commission a fait une interprétation restrictive de l'article 2-2. et exige que « la force employée soit strictement proportionnée à la réalisation du but autorisé", la proportionnalité s'apprécie en fonction du danger pour les vies humaines et l'intégrité corporelle. Cette exigence de proportionnalité doit, selon la Commission EDH, être respectée dans le cadre des opérations de maintien de l'ordre (à propos de la mort  d’un  enfant tué par une balle en plastique tirée par l'armée britannique lors de la répression d'une émeute en Irlande du Nord)  [8].

La Cour fait une interprétation encore plus exigeante de l'art. 2-2 dans un  arrêt de septembre 1995[9]. L'affaire concernait une opération menée par les forces de sûreté britanniques en vue de l'arrestation de terroristes, suspectés de vouloir perpétrer un attentat à  Gibraltar et ayant entraîné la mort de l'un de ces derniers. La Grande-Bretagne a été condamnée en raison du manque de nécessité absolue et de proportionnalité dans l’usage de la force. La Cour de Cassation a fait application de ces critères dans un arrêt relatif à l'usage d’armes à feu par un gendarme en dehors de son service pour arrêter le véhicule des cambrioleurs, le requérant invoquant la circonstance qu’il ait essayé d’appréhender les malfaiteurs comme fait justificatif autorisant l’usage de son arme. La Cour de cassation a rejeté tout fait justificatif en estimant que « toute personne a droit à la vie, qu’aux termes de l’article 2-2 CEDH, le recours à la force ayant entraîné la mort ne peut  justifier celle-ci que s’il a été absolument nécessaire notamment pour assurer une arrestation régulière ; que, dès lors qu’il n’est pas constaté que la mort fut l’unique moyen absolument nécessaire pour assurer l’arrestation d’un éventuel voleur de vêtements qui pouvait être retrouvé ; il en résulte que le gendarme qui n’était pas en uniforme n’était pas autorisé à faire usage de son arme » [10].  La Cour de cassation a  désormais les mêmes exigences de nécessité, d’adéquation et de proportionnalité de l’usage de la force que la Cour EDH. Cet arrêt témoigne d’une intégration nationale de la jurisprudence européenne.

 

2)      la protection de l’intégrité de la personne

L ’article 3 CEDH interdit la torture et les peines ou traitements dégradants ou humiliants. La jurisprudence de la Cour EDH, établit une échelle des traitements portant atteinte à la dignité humaine jusqu’à la torture, stade ultime de l’avilissement de la personne. Cette gradation est fonction d’espèce. Selon la Cour EDH, le traitement dégradant est celui qui, comme une fustigation publique, « humilie grossièrement l’individu devant autrui et le pousse à agir contre sa volonté ou sa conscience » ,  mais aussi le  « traitement qui abaisse l’individu à ses propres yeux »[11].  Le traitement inhumain est celui qui provoque volontairement des souffrances physiques ou mentales d’une intensité particulière. Tandis que la qualification de torture doit être réservée « à des traitements inhumains délibérés provoquant de fort graves et cruelles souffrances »[12], la Cour EDH avait estimé que les brutalités exercées contre des prisonniers de l’I.R.A. en les privant de tous repères sensoriels étaient des traitements inhumains et non des actes de torture.  Mais la France n’est pas restée à l’écart des traitements dégradants. Elle fut condamnée par la Cour EDH le 27 août 1992 dans l’affaire Tomasi [13] pour des traitements inhumains et dégradants en raison de brutalités policières exercées sur un individu en garde à vue. Désormais les États ont une obligation de résultat quant au respect de l’intégrité physique des individus à l’occasion de leur arrestation ou de leur garde à vue. De plus, la France a ratifié la Convention relative à la prévention de la torture, des peines ou traitements dégradants et inhumains adoptée le 26 novembre 1987 par le Conseil de l’Europe. 

Le champ d’application de la CEDH est garanti à tous les individus et le bénéfice de la protection de la Convention ne saurait être refusé aux individus auxquels la CEDH ne fait aucune référence explicite mais une référence abstraite qui vise les destinataires de cette prohibition par la mention « nul ». C’est ainsi que l’article 3 doit être respecté dans les prisons et qu’il est un droit subjectif dont peuvent se prévaloir les détenus. L’art. 3 trouve aussi application dans le contentieux des mesures d’éloignement du territoire français

La Commission EDH estime que les détenus ne sont pas privés des droits garantis par la CEDH [14], qu’ils sont destinataires des droits reconnus par la CEDH et doivent bénéficier de conditions de détention compatibles avec la Convention ; ces conditions  de détention ne sont pas régies par l’article 5-1 mais doivent se mesurer eu égard aux dispositions de l’art. 3[15] . Ces dispositions créent des obligations positives à l’égard des États dans la reconnaissance d’un standard de droits et libertés des détenus mais aussi dans un aménagement des conditions de détention respectant l’article 3. Mais, le recours à la force à l’encontre des détenus doit être strictement proportionné à la situation. Selon la Cour EDH, « tout usage de la force physique contre une personne détenue qui n’est pas rendu strictement nécessaire par le comportement de ladite personne , constitue une violation de l’article 3 »[16].

 

Mais la Cour de Cassation estime que  l’article 3 CEDH ne saurait être invoqué pour justifier une demande de mise en liberté d’un détenu ou son transfert dans une autre maison d’arrêt même si le mémoire présenté dans la demande de libération du détenu fait valoir  «  le caractère dangereux, la vétusté, l’insalubrité, l’insécurité des conditions de détention de la maison d’arrêt ».  La Cour de Cassation considère « qu’il n’appartient pas à la chambre d’accusation de porter une appréciation sur les conditions matérielles de l’incarcération qui relèvent de la seule administration pénitentiaire ; le contrôle de la chambre d’accusation ne porte, en vertu de l’article 144 du Code de procédure pénale (C.P.P.) que sur les conditions autorisant le maintien en détention provisoire et leur bien-fondé » [17] [18]. Par ailleurs, ce caractère inquiétant des conditions de détention a déjà été relevé en 1993 par le Comité européen institué par la Convention de 1987 précitée et notamment chargé d’inspecter les établissements pénitentiaires, qui mentionnait que ces conditions constituaient, dans certains établissements un traitement inhumain et/ou dégradant en raison de la surpopulation carcérale et du sous-équipement sanitaire [19].

 

  En outre, la « protection par ricochet », c’est-à-dire l’extension jurisprudentielle de l’application de la CEDH à des situations non prévues par la Convention stricto sensu,  crée l’obligation positive pour les États parties à ne pas exposer  les étrangers à des traitements incompatibles avec les droits garantis par la CEDH et notamment son article 3[20]. La Cour EDH n’a pas hésité, dans l’arrêt  Soering, à qualifier de traitement inhumain et dégradant, les conditions de détention aux États Unis dans les quartiers réservés aux condamnés à mort dans l’attente de leur exécution.  Les États ne sont pas tenus de renoncer à l’extradition mais ne doivent pas livrer les étrangers qui seraient soumis à de tels traitements dans l’État requérant ou qui ne respecterait pas le principe de la qualification pénale autorisant une demande d’extradition[21].

 L’article 3 CEDH est souvent utilisé à l’appui d’un recours contre une mesure de reconduite à la frontière lorsque les requérants contestent le bien-fondé de cette mesure ou le pays de destination, c’est-à-dire théoriquement l’État dont ils sont les ressortissants. Le Conseil d’État rejette les requêtes fondées sur l’article 3 lorsque la demande de réfugié politique a été refusée par l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (O.F.P.R.A.), notamment quand les allégations de persécutions ou de craintes de persécutions sont très vagues. Il est nécessaire que le requérant soit personnellement concerné par les persécutions. L’O.F.P.R.A. applique très strictement ces exigences, même dans le cas d’une guerre civile. Le statut de réfugié politique est rarement accordé ; 5.200 demandes ont été acceptées en 1996. D’une manière générale, le C.E. est très réticent à annuler une mesure de reconduite motivée par un refus de l’O.F.P.R.A. qui met un terme au titre de séjour du demandeur d’asile débouté. Mais il peut annuler le pays de destination prescrit par le préfet sans remettre en cause le bien-fondé de l’expulsion, notamment en  s’appuyant sur les dispositions de l’article 27 bis de l’ordonnance du 2 novembre 1945 introduite par la loi du 24 août 1993 dont l’alinéa 3 dispose que « l’étranger ne peut être éloigné à destination d’un pays s’il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu’il y est exposé à des traitements contraires à l’article 3 CEDH ».  Le Conseil d’État étend, depuis 1994, le bénéfice de ces dispositions aux contentieux de l’extradition en vérifiant que la mesure d’extradition ne sera pas contraire à certaines stipulations de la CEDH,  notamment la compatibilité d’un jugement prononcé à l’étranger par contumace avec article 6 CEDH[22].  Néanmoins, le C.E. est restrictif dans l’interprétation de cette disposition et  se refuse à admettre les modes de vie du pays de destination comme relevant d’une manière générale des dispositions de l’article 3 CEDH. C’est ainsi que le C.E. a rejeté la requête contestant la mesure de reconduite d’une étrangère en situation irrégulière dans son  pays d’origine et qui exposerait la requérante à des traitements dégradants et inhumains au sens des stipulations de l’article 3 CEDH. Elle faisait état « des difficultés auxquelles seraient exposées les mères célibataires en pays musulman »,  mais le C.E. considère que « de telles craintes n’entrent pas dans le champ d’application desdites stipulations »[23]. Malgré l’arrêt du Conseil, force est de reconnaître que ces jeunes femmes sont alors mises au ban de la société.

 En revanche, ­­le C.E. a annulé le pays de destination décidé par le préfet dans son arrêté d’expulsion en estimant que «  si le préfet n’est pas lié par les considérations de craintes de persécutions alléguées par le demandeur d’asile devant l’O.F.P.R.A , il doit s’assurer, sous le contrôle du juge administratif,  que les mesures d’expulsion prises n’exposent pas l’étranger à des risques sérieux pour sa liberté ou son intégrité physique, pas plus qu’à des traitements contraires à l’article 3 CEDH »[24].  Enfin, la prétention fallacieuse selon laquelle une condamnation judiciaire d’un employeur par un conseil des prud’hommes ordonnant la publication du jugement dans la presse serait un traitement dégradant contraire à l’article 3 CEDH n’est pas admise par la Cour de Cassation[25].

 

3)      l’interdiction de l’esclavage et du travail forcé ou obligatoire

L’article 4 CEDH interdit l’esclavage et la servitude, le travail forcé ou obligatoire. Mais l’art. 4-3 prévoit notamment des limitations pour « les détenus, le service militaire ou le service civil de remplacement, tout service dans le cas de crises ou de calamités qui menacent la vie ou le bien-être de la communauté ainsi que tout travail ou service faisant partie des obligations civiques normales ». La Cour EDH exerce un contrôle assez strict et refuse qu’un avocat commis d’office puisse prétendre être soumis à un travail forcé [26]. Il s’agissait en l’espèce d’un avocat stagiaire, éventuellement tenu d’accepter de plaider sans percevoir d’honoraires en raison de l’indigence de ses clients. Cette commission d’office n’est pas considérée comme un travail forcé en raison des avantages pécuniaires futurs escomptés par l’avocat à l’issue de ce stage. De même, l’obligation existant, dans la majorité des Länder allemands, pour les hommes âgés de 18 à 50 ans d’accomplir un service actif dans les corps des sapeurs-pompiers si le nombre de volontaires ne suffit pas est considérée par la Cour comme une obligation civique normale et ne saurait être assimilée à un travail forcé [27]. A défaut d ‘exécuter ce service, les hommes doivent acquitter une contribution annuelle de 75 Deutsche Mark.

Mais la question du développement du travail des détenus soulève, quant à elle, une nouvelle situation juridique relative à l’exercice de leurs droits contre leurs employeurs éventuels. La Chambre sociale de la cour de cassation a été amenée à se prononcer dans un conflit salarial opposant un détenu à son ancien employeur [28]. La Cour de Cassation a confirmé l’incompétence des juridictions prud’homales au motif que les relations de travail des personnes incarcérées ne font pas l’objet d’un contrat de travail  en vertu des dispositions particulières du Code de procédure pénale (C.P.P). Selon la Cour,«cette règle de compétence n’est contraire ni à l’art. 4 CEDH ni à aucune disposition de toute autre convention internationale ratifiée par la France comme la Charte sociale européenne du 18 octobre 1961 et ayant en France un effet direct » [29].  Ces dispositions créent une relation de travail exorbitante du droit commun justifiant l’incompétence des juridictions prud’homales [30].  Mais cet arrêt n’est guère satisfaisant parce qu’il repose sur plusieurs présupposés contradictoires. Le travail carcéral est l’un des éléments pris en compte par le juge d’application des peines pour une libération anticipée du détenu. De plus, la concession conclue entre l’établissement pénitentiaire et l’entreprise concessionnaire est en fait un contrat de mise à disposition d’un salarié détenu, analogue à celui qui est conclu entre une entreprise de travail intérimaire et une société ayant besoin temporairement d’un salarié supplémentaire en vue de l’exécution d’une mission précise. Le détenu est donc dans une situation analogue à un contrat de travail puisqu’il y a une prestation de travail en contrepartie d’une, rémunération et un lien de subordination. Dès lors, le détenu salarié est employé en application d’un contrat de travail [31]. Cependant, les pouvoirs publics refusent de reconnaître au salarié détenu la qualité de salarié de droit commun parce qu’une telle qualité aurait pour effet la remise en cause du statut du détenu. En effet, reconnaître au salarié détenu les mêmes droits que le salarié de droit commun ferait échapper le détenu à son statut de sujétion particulière. Mais il nous semble que cette situation est inadmissible pour deux raisons manifestes. Si le détenu est placé dans un rapport particulier de sujétion dans ses rapports avec l’administration pénitentiaire exerçant ses prérogatives régaliennes dans l’exécution de sa peine, il est inadmissible que le détenu salarié ne puisse faire valoir ses droits à rémunération à l’encontre d’un employeur potentiel et ne puisse faire valoir le principe fondamental établi depuis la charte de juin 1814 en vertu duquel « nul ne peut être distrait de son juge légal ». En conséquence, le salarié détenu devrait avoir droit à saisir un juge dans un telle hypothèse mais aussi présenter sa cause concernant des droits et obligations à caractère civil devant un tribunal en application de l’article 6 CEDH.   La situation actuelle est donc une violation de l’article 6 CEDH, du principe au droit au juge légal et de la jurisprudence de la Cour EDH qui a étendu aux détenus les droits reconnus par la CEDH par le biais de la technique des droits « dérivés ».

 

4)      le principe de légalité et ses conséquences

 

L’article 7 CEDH fixe le principe de légalité des délits et des peines et l’interdiction de la rétroactivité de la loi pénale. Il a été complété par le protocole additionnel n°7 adoptant dans son article 4 le principe non bis in idem. Cependant, la France fit une réserve lors de la ratification de ce protocole en disposant que la règle non bis in idem ne trouve à s’appliquer que pour les infractions relevant en droit français de la compétence des tribunaux statuant en matière pénale. Il en résulte que cette réserve n’interdit pas le prononcé de sanctions fiscales parallèlement aux sanctions infligées par le juge répressif. C’est pourquoi, la Cour de  Cassation rejette,  dans son arrêt du 20 juin 1996, une violation du principe non bis in idem à l’occasion de poursuites pénales fondées sur une fraude fiscale visant à réprimer les comportements délictueux de soustraction à l’impôt parallèlement à des sanctions fiscales, ces dernières ayant pour objet le recouvrement d’impositions éludées en vertu de l’article 1741-1 du code général des impôts. Les mêmes faits peuvent  être poursuivis, sans violation du principe non bis in idem, sur la base du code pénal et du C.G.I. puisque les poursuites ont une nature et un objet différents [32].  La Cour de Cassation a rejeté l’allégation de violation du principe  non bis in idem lorsque deux poursuites pénales distinctes, engagées pour un même trafic de stupéfiants sur la base d’éléments matériels découverts ultérieurement, ont conduit à deux condamnations dès lors qu’il y a confusion des deux peines [33].

 

II. Les droits conditionnels

 

Les droits conditionnels concernent le droit à la sûreté (art. 5), le respect des droits de la défense et le droit d’être jugé par un tribunal indépendant, impartial et établi par la loi dans un délai raisonnable (art. 6), le droit au respect de la vie privée et de la vie familiale normale (art. 8) mais aussi les libertés de l’esprit, c’est-à-dire les libertés de pensée, de croyance (art. 9) et d’expression (art. 10), ainsi que les libertés collectives comme la liberté de manifestation et d’association (art. 11). Le protocole additionnel n°1 de 1952. reconnaît le droit de propriété et le droit à l’instruction, l’État devant organiser un enseignement public respectant les convictions religieuses et philosophiques des parents.  Ces droits conditionnels sont éventuellement soumis à des restrictions ou dérogations exigées par l’intérêt public ou les droits des tiers.

 

1)      le droit à la sûreté

 

L’article 5-1 CEDH prévoit cinq hypothèses de privation de liberté d’une personne. l’arrestation et la détention d’une personne régulièrement détenue après sa condamnation par un tribunal compétent, la détention provisoire afin d’empêcher la réitération de l’infraction ou la fuite de son auteur en vertu de l’art. 5-1c CEDH relatif à la détention provisoire [34], le placement de mineurs dans des établissement d’éducation surveillée, l’internement administratif sur décision du préfet, des personnes présentant des troubles mentaux mais également la rétention administrative avant l’exécution d’une mesure de reconduite à la frontière et enfin, en vertu de l’article 5-1 d, l’internement administratif d’une personne « susceptible de propager des maladies contagieuses, de toxicomanes, d’alcooliques ». En vertu de l’art. 5-2 CEDH, toute personne doit être informée dans le plus court délai et dans une langue qu’elle comprend, des accusations portées contre elle. L’article 5-3 CEDH impose des obligations positives  aux États. En effet, chaque personne arrêtée ou détenue doit être aussitôt traduite devant un juge habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires et a le droit d’être jugée dans un délai raisonnable ou libérée pendant la procédure. Mais l’art. 5-3 CEDH s’applique seulement expressis verbis aux délits pénaux.  L’art. 5-4 CEDH prévoit que chaque personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d’introduire un recours devant un tribunal, afin qu’il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si sa détention est illégale. L’art. 5-5 prévoit le droit à réparation de toute personne arrêtée et détenue illégalement.

L’article 5 fournit un contentieux important surtout en matière de détention provisoire et de rejet de demande de mise en liberté pendant la procédure. Le bien-fondé de cette détention est déterminé par le juge d’instruction sous le contrôle de la chambre d’accusation. Le juge décide par ordonnance motivée de la détention provisoire en application de l’article 144 et s. C.P.P [35]. L’intégration des exigences de l’article 5 CEDH se fait surtout, dans la jurisprudence de la Cour de cassation, par la notion de délai raisonnable qui joue en matière de détention préventive mais aussi le droit posé par l’article 5-3 d’être jugé dans un délai raisonnable ou d’être libéré pendant la procédure. La conjonction de ces deux exigences a une incidence manifeste sur la jurisprudence même si les magistrats répugnent à ordonner une libération avant le jugement en raison de la dangerosité de certains détenus et de leur probable tentative d’essayer de se soustraire à la justice. 

 La Cour de Cassation laisse à l’appréciation souveraine des juges du fond la considération du bien-fondé du maintien en détention mais pose un certain nombre d’exigences à leur contrôle. Ils doivent en premier lieu répondre au mémoire déposé par l’intéressé demandant sa libération et qui invoque les dispositions de l’article 5-3 CEDH et le droit d’être jugé dans un délai raisonnable ou libérée pendant la procédure (cf Cour de Cassation 14 mai 1996) [36]. Ils doivent ensuite préciser en quoi la détention est nécessaire et si le trouble à l’ordre public est durable.  Mais la décision de maintien en détention provisoire est, selon la Cour de Cassation,  conforme aux exigences de l’article 5-3 CEDH lorsque cette détention constitue, dans une information relative à un trafic d’influence dans l’attribution des marchés publics,  le seul moyen d’empêcher le prévenu d’exercer des pressions sur les témoins  et qu’elle est nécessaire « pour préserver l’ordre public du trouble causé par de telles infractions  qui mettent cause le fonctionnement des institutions démocratiques [37]. Il en est de même du maintien en détention provisoire d’un fonctionnaire mis en examen pour détournement de fonds publics, cette détention étant « l’unique moyen pour empêcher les pressions et soustractions de documents auxquelles l’intéressé risque de se livrer et parce que l’ampleur des  détournements a troublé gravement l’ordre public lequel trouble dure encore actuellement » [38].

On remarque que la Cour de cassation semble plus exigeante dans son contrôle du bien-fondé de la durée provisoire en examinant  in concreto la complexité de la procédure et les difficultés éventuelles de l’instruction et les motifs soulevés par la chambre d’accusation dans sa décision. La raison en est simple, la Cour de Cassation a intégré les critères dégagés par la jurisprudence de la Cour EDH. Cette dernière prend  en considération trois critères cumulatifs pour mesurer la durée raisonnable d’une procédure : la complexité de l’affaire, le comportement du prévenu et l’attitude des autorités judiciaires[39]. La Cour de Cassation examine également la complexité des investigations auxquelles le juge d’instruction doit se livrer et les charges reprochées au prévenu, la nécessité de la détention dans le but d’éviter le renouvellement d’une activité délictueuse afin de mesurer si la durée de la détention et de la procédure d’instruction n’excèdent pas un délai raisonnable  [40]. 

   De plus, le législateur a tiré les leçons des condamnations de la France par la Cour EDH en raison de la durée excessive des détentions préventives[41].  Il s’agit d’une intégration législative partielle de l’article 5-4 CEDH.

 

En outre, le placement d’office de personnes atteintes de troubles mentaux est autorisé par l’article 5-e CEDH. La jurisprudence de la Cour EDH exige que l’individu soit protégé contre tout internement arbitraire, la réalité du trouble mental allégué devant être démontrée ainsi que sa persistance [42]. La Cour EDH renvoie à la législation nationale qui doit garantir les droits du patient lors de l’internement mais lui donner aussi la possibilité de contester son maintien dans un hôpital psychiatrique. Le juge administratif est compétent pour connaître de la régularité externe de la décision d’internement des personnes atteintes de troubles mentaux prise en vertu des art. L. 342 et 345 du code de la santé publique lorsqu’ils compromettent l’ordre public et la sûreté publique [43]. En vertu de l’article L. 342, seul le préfet est compétent pour ordonner ce placement d’office au vu d’un certificat médical circonstancié. Il prend un arrêté motivé énonçant les circonstances qui rendent l’hospitalisation nécessaire. La personne hospitalisée doit être examinée dans les vingt-quatre heures suivant l’admission par un psychiatre de l’établissement, son rapport étant transmis au préfet .

Le Conseil d’État considère que ce placement d’office n’est pas contraire aux articles 5, 6 et 14 CEDH[44]. Selon le C.E., le défaut de notification de l’arrêté préfectoral à la personne internée est sans incidence sur sa légalité, dès lors qu’il a été adopté régulièrement ce qui exclut  toute violation de l’article 5 CEDH[45]. Le Conseil d’État use de son pouvoir d’injonction en ordonnant au ministre de l’intérieure de communiquer le certificat médical sur la base duquel le préfet a prononcé l’arrêté d’hospitalisation lorsque ce certificat médical n’est pas joint à l’arrêté préfectoral qui n’en reprend pas les termes[46].  Mais, selon la jurisprudence constante du Conseil [47], en matière de respect du secret médical s’opposant à la transmission directe du certificat, ce dernier ordonne la production du certificat médical à un médecin désigné par le requérant afin que le juge administratif puisse contrôler la régularité du placement d’office. Cette exigence de communication répond au standard de protection des droits exigés par la CEDH afin d‘empêcher toute privation arbitraire de liberté. Mais les arrêts rendus par le C.E. en 1996 ne font pas preuve d’un contrôle plus exigeant de ces placements en examinant si l’arrêté préfectoral est suffisamment circonstancié et motivé quant au trouble apporté à l’ordre public ou au voisinage  [48]. Cependant le C.E. hésite encore sur l’intensité de son contrôle de légalité externe puisqu’il déclare légaux des arrêtés préfectoraux d’internement auxquels ne sont pas  joints les certificats médicaux sur lesquels ils s’appuient[49]. Il est regrettable que le contrôle exercé par le  C.E. soit aussi limité quand il s’agit de telles mesures privatives de liberté alors que ce certificat est une formalité substantielle de l’hospitalisation d’office.  En outre, le C.E. considère, à juste titre, qu’un arrêté préfectoral ultérieur prononçant le transfert d’un malade interné sous le régime de placement d’office d’un établissement dans un autre n’a pas d’incidence sur le régime sous lequel ce malade est placé et que le moyen tiré de la violation de l’article 5-4 CEDH est inopérant [50].

 

2)      le droit à l’accès à un tribunal et le respect des droits de la défense

 

L’article 6 CEDH est l’article matriciel en matière d’exercice de la justice et des droits de la défense. L’article 6-1 pose le principe du droit du justiciable à l’accès à un tribunal équitable et à ce que justice soit rendue dans un délai raisonnable ; l’article 6-2 CEDH garantit le respect de la présomption d’innocence tandis que l’article 6-3 organise le respect des droits de la défense.

 

a) le droit à l’accès à un tribunal légal et équitable

 

L’article 6-1 dispose que « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement, et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement ». Cet article 6-1 soulève les questions de la compétence et de la composition du tribunal. L’article 6-1 concerne toutes les juridictions.  L’article 6-1 impose aussi aux  États des obligations de résultat dans l’organisation de la justice afin que celle-ci soit rendue conformément à ses exigences. Le tribunal doit être un tribunal légal, c’est-à-dire, établi par la loi qui doit fixer une procédure équitable satisfaisant aux règles du débat contradictoire.

 Les contestations sur les droits et obligations de caractère civil embrassent le droit civil, notamment de la famille, le droit commercial, mais aussi dans une acception plus large, le droit administratif et tout litige à caractère patrimonial..  

L’article 6-1 s’applique également dès lors que le litige porte sur des accusations à caractère pénal impliquant l’intervention du juge répressif ou du juge fiscal. La jurisprudence de la Cour EDH retient  trois critères qui permettent de cerner la « matière pénale » [51]: la qualification donnée par la législation nationale, la nature des faits ou de l’infraction, la gravité de la sanction ou de la peine encourues. Les garanties de l’article 6-1 s’appliquent aussi au contentieux répressif  fiscal  en matière de fraude fiscale depuis la condamnation de la France  le 24 février 1994 dans l’arrêt de la Cour EDH Bendenoum c/ France [52] dont les conséquences  furent entérinées par le C.E. par l’avis Méric rendu  le 31 mars 1995 [53].

De plus, l’article 6-1 exige que le tribunal soit indépendant. Selon la Cour EDH, le terme de tribunal indépendant  est réservé à l’organe jouissant d’une plénitude de juridiction et répondant à l’exigence de l’indépendance à l’égard  du pouvoir exécutif comme des parties en cause[54]. Il est également nécessaire que ce tribunal exerce ses fonctions juridictionnelles dans le cadre d’indépendance organisée par une justice déléguée. L’article 6-1 implique que l’accès à la justice soit effectif. Cependant, l’article 6 n’exige pas que ce droit soit absolu, son effectivité étant déterminée par la législation de chaque État. La jurisprudence de la Cour EDH admet que «  ce droit appelle de par sa nature même une réglementation par l’État, réglementation qui peut varier dans le temps et l’espace suivant les ressources de la communauté et les besoins des individus » [55].   Les États ont une certaine marge d’appréciation dans la détermination de cette réglementation. Cependant, « les limitations appliquées ne sauraient restreindre l’accès ouvert à l’individu d’une telle manière ou à un tel point que le droit s’en trouve atteint dans sa substance même. En outre, elles ne se concilient avec l’article 6-1 que si elles poursuivent un but légitime et s’il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens et les buts visés » [56].

   Mais la chambre sociale de la Cour de cassation a, dans son arrêt Glaziou contre ministère de la justice du 16 décembre 1996 [57], confirmé l’incompétence des juridictions prud’homales quant aux litiges relatifs au travail carcéral Le refus de laisser les détenus effectuant un travail carcéral pour le compte d’entreprises privées de saisir les juridictions prud’homales à l’occasion d’un différend relatif à leur rémunération atteint le droit d’accès au tribunal dans sa substance et ne saurait être légitimé par la poursuite d’un intérêt légitime exigé par les arrêts précités de la Cour EDH. La qualification donnée par l’article 720 C.P.P. au travail carcéral disposant que les relations de travail des personnes incarcérées ne font pas l’objet d’un contrat de travail ne saurait être justifiée par l’existence d’un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens et les buts visés. Le travail carcéral ne saurait être un terrain de non-droit, c’est pourquoi l’article 720 C.P.P. viole l’article 6-1 CEDH.

 Le contentieux du Conseil d’État en  l996 relatif à l’application de la CEDH a fait de l’article 6-1 CEDH l’instrument de l’appréciation de la conformité de la justice française aux exigences de la C.E.DH.  Le Conseil d’État s’est longtemps opposé à  l’application des règles de publicité de l’article 6-1 aux audiences disciplinaires. L’arrêt Maubleu du 14 février 1996 abandonne le principe intangible jusqu’ici rappelé par l’arrêt Subrini  du 11 juillet 1984 [58] selon lequel la CEDH n’est pas applicable en matière disciplinaire.  Dans l’arrêt Maubleu, le C.E. étend de manière explicite la justiciabilité des contestations à caractère civil nées à l’occasion d’une décision rendue par des juridictions ordinales. Cet arrêt étend à l’ordre juridique interne français les décisions rendues par la Cour EDH dès le 21 juin 1981[59]. Ainsi la Cour reconnaît aux médecins suspendus temporairement d’exercice par l’ordre des médecins le droit de contester ces décisions ordinales sur la base de l’article 6-1 CEDH en raison des conséquences patrimoniales desdites décisions et du droit à une audience publique. Si, depuis ces arrêts, la publicité des audiences des chambres disciplinaires est la règle, elle peut être écartée si cette publicité est susceptible de porter atteinte au secret médical ou à un secret protégé par la loi. Les conseils  de l’ordre doivent respecter cette règle de publicité, faute de quoi leur décision encourt l’annulation par le Conseil d’État. L’arrêt Maubleu reconnaît explicitement le droit à la publicité des audiences ordinales disciplinaires en estimant que les dispositions  de l’article 192 du décret du 27 novembre 1991 organisant la discipline des avocats sont compatibles avec l’article 6-1 CEDH mais qu’elles doivent être interprétées en ce qu’elles donnent droit à l’avocat mis en cause,  dès lors qu’il en fait la demande, à ce que sa cause soit entendue publiquement et qu’il  puisse faire citer ses témoins  [60].  Le C.E. va imposer la publicité des débats des audiences disciplinaires ordinales aux  conseils de l’ordre des chirurgiens-dentistes et des pharmaciens [61]  en annulant les décisions rendues en audiences non publiques. Mais sa jurisprudence connaît dans les arrêts précités, une nouvelle inflexion en reconnaissant expressément à «ces sanctions qui sont susceptibles de porter atteinte à l’exercice du droit d’exercer une profession, le caractère d’un droit civil au sens des stipulations de l’article 6-1 CEDH » impliquant le respect de la règle de publicité. La résistance du C.E. à la publicité des audiences est désormais dépassée et le C.E. accepte de ne plus cantonner le droit disciplinaire à un droit sui generis en l’intégrant dans le champ des contestations prévues par l’article 6-1. Cette avancée qui s’est progressivement banalisée dans lesdits arrêts  a été également analysée par L. Sermet [62]. Cependant, la règle de publicité des audiences n’impose pas de convoquer les parties dans un litige devant le tribunal administratif, le jour où l’arrêt est rendu par celui-ci. Le C.E. a refusé l’extension de cette publicité au prononcé du jugement, solution conforme à l’esprit de l’article 6-1 qui impose la publicité lors des débats et le respect des droits de la défense mais qui n’exige pas que les parties soient présentes à la lecture d’un jugement qui est mis en délibéré et rendu ultérieurement à la présentation des conclusions des  parties [63].

Si la jurisprudence Maubleu constitue un progrès important des droits de la défense, le Conseil d’État n’exerce pas de contrôle sur le contenu des décisions de blâmes, de suspension, d’interdiction ou de radiation prises en chambres disciplinaires des conseils de l’ordre dont le contentieux est confié en appel aux juridictions de l’ordre judiciaire. Mais  la Cour de Cassation n’exerce qu’un contrôle minimum sur le bien-fondé et la proportionnalité de ces sanctions par le biais du contrôle de légalité, de l’erreur manifeste d’appréciation.

La Cour de Cassation avait dès 1984 [64] jugé que l’article 6-1 CEDH était opérant dans un litige disciplinaire concernant un avocat. Cette jurisprudence est constante depuis. Le bâtonnier joue un rôle important en matière d’organisation des poursuites disciplinaires avant de présider le Conseil de l’Ordre siégeant comme conseil de discipline. L’avocat sanctionné peut faire appel de cette décision devant la Cour d’appel, procédure durant laquelle le bâtonnier est invité  à présenter ses observations avant la décision de la cour. La Cour de Cassation refuse de voir dans cette intervention du  bâtonnier une violation de l’article 6-1 CEDH. L’avocat radié ne peut arguer de se voir ainsi privé du droit d’exposer sa cause dans des conditions qui ne le désavantagent pas et qui seraient contraires au principe de l’égalité des armes[65]. L’article 6-1 s’applique aussi au contentieux disciplinaire des avocats sanctionnés à cause de leur comportement dans la répartition des commissions d’office notamment quand ils refusent de déférer à cette désignation sans motifs légitimes d’excuses ou d’empêchement admis par le bâtonnier[66].

 En outre, le tribunal doit être impartial et apte à décider.  La Cour de Cassation a particulièrement insisté en 1996 sur l’exigence d’impartialité et les incidences qu’elle entraîne sur la composition du tribunal. Selon l’article 6 C.E.D.H., un même magistrat ne peut, dans la même affaire, statuer en première instance et en appel, faute de quoi le jugement d’appel encourt la cassation.  Ce moyen de cassation doit être soulevé d’office pour les demandeurs qui ne l’ont pas soulevé [67]. L’impartialité implique que ne peut siéger en qualité d’assesseur de la cour d’assises, le magistrat qui a été antérieurement conduit à porter une appréciation sur les faits de viols et agressions sexuelles aggravés reprochés à l’accusé, à l’occasion d’une procédure de divorce opposant ce dernier à son épouse et au cours de laquelle étaient invoqués les faits poursuivis[68].La Cour de cassation rappelle en l’espèce que « l’exigence d’impartialité s’apprécie objectivement » et que « ne peut statuer en matière pénale le magistrat qui a pris parti dans sa décision civile de divorce sur le fond du droit », c’est-à-dire sur les faits de viols et d’agression sexuelles sur la fille mineure de l’accusé qui ont été pris en considération dans le prononcé du divorce.  Ce principe s’impose également en matière civile s’il s’agit du même litige et des mêmes parties [69]. Cependant, cette règle n’est pas violée par  le fait qu’un magistrat saisi d’un litige, comme juge unique ou comme membre d’une formation collégiale, ait antérieurement connu d’un autre différend opposant les mêmes parties. En effet, il ne s’agit ni d’un appel de la même procédure, ni d’une affaire présentant un lien de connexité [70].

De surcroît, si l’article 6-1 CEDH impose également le respect du droit à un procès équitable et impartial.  Mais cette exigence d’impartialité est violée quand la Commission des Opérations de Bourse condamne le président d’une société au paiement d’une amende administrative alors que le président de la C.O.B. avait révélé à la presse les reproches imputés à cette société avant que la C.O.B. n’ait statué sur le prononcé de la sanction prise contre cette société[71]. L’impartialité  impose au  président d’une cour d’assises de faire entendre la victime d’une infraction, fût-elle partie civile ; le président de la cour exerçant, en l’espèce,  une compétence liée[72]. Enfin, le droit de toute personne à un procès équitable, garanti par l’article 6-1 peut être invoqué devant toute juridiction civile. Le droit à un procès équitable n’est pas violé lorsque les juges du fond font application d’une loi nouvelle rétroactive entrée en vigueur au cours de l’instance, dès lors qu’elle n’avait pour objet que de valider une réglementation antérieure conforme au droit communautaire[73]. Mais l’article 6-1 impose une obligation de résultat aux auxiliaires de justice et au greffe notamment en matière de déclaration de créances dans le cadre d’une procédure de redressement judiciaire, déclaration qui doit avoir lieu dans un délai préfix de deux mois, faute de quoi il y a forclusion de la créance . Le créancier, qui n’a pas été avisé de cette procédure et n’a pu, de ce fait, réclamer le paiement de cette créance, peut alléguer une violation de l’article 6-1 parce que cette omission concerne une contestation concernant ses droits et que l’absence fautive de notification ne peut avoir pour conséquence de le priver de l’exercice de ses droits.[74]

Toutefois,  force est de constater que le Conseil d’État et la Cour de Cassation n’appliquent pas l’article 6-1 avec les mêmes exigences notamment quant à son applicabilité devant les autorités administratives indépendantes qui disposent d’un pouvoir de sanction. Le Conseil d’État refuse une telle applicabilité au motif que l’article 6-1 serait seulement applicable devant les juridictions administratives [75]. Le C.E. a maintenu en 1996 une telle jurisprudence. L’arrêt du C.E. du 9 octobre 1996[76] relatif à une sanction prise par le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel à l’encontre d’une radio, rejette toute application de l’article 6-1 en alléguant que le Conseil supérieur .de l’audiovisuel est doté par la loi du 30 septembre 1986 de pouvoirs  propres de sanction qui ne prend pas une sanction de caractère juridictionnel mais prononce une sanction administrative. Le C.E. rejette aussi toute exigence de publicité de l’audience prononçant cette sanction.  Au contraire, la Cour de Cassation considère que la Commission des Opérations de Bourse doit respecter les exigences de l’article 6-1 dans l’exercice de son pouvoir de sanction. La C.O.B. instituée par l’ordonnance du 28 septembre 1967 est une autorité administrative dotée d’un pouvoir de sanction qui s’opère par le prononcé d’amendes à l’encontre des auteurs de violations des opérations boursières. La Cour se livre à une analyse des sanctions prononcées par la C.O.B. et applique les critères dégagés par la Cour EDH pour cerner la matière pénale [77]. Selon la Cour, « les prescriptions de l’article 6-1 CEDH s’appliquent aux sanctions pécuniaires prévues par l’article 9-2 de l’ordonnance du 28 septembre 1967 qui, bien que de nature administrative, visent, comme en matière pénale, par leur montant et la publicité qui leur est donnée à punir les auteurs des faits contraires aux normes générales édictées par les règlements de la Commission à dissuader les opérateurs à se livrer à de telles pratiques.  Toutefois, des impératifs de souplesse et d’efficacité peuvent justifier l’intervention préalable dans la procédure répressive d’une autorité administrative qui, comme la C.O.B.,  ne satisfait pas sous tous ses aspects aux prescriptions de l’article 6-1 CEDH, dès lors que les décisions prises par  la C.O.B. sont soumises, quant à la proportionnalité de la sanction prononcée avec la gravité de la faute commise, au contrôle effectif ultérieur d’un organe judiciaire offrant toutes les garanties d’un tribunal au sens de l’article 6-1.  La procédure devant la C.O.B. respecte les dispositions de l’article 6 dès lors que la personne poursuivie a eu accès au dossier et bénéficié de l’assistance d’un avocat » [78]. 

Cependant, la Cour de Cassation rejette toute incompatibilité entre l’article 6-1 CEDH et le fait que le prononcé de la faillite judiciaire d’une personne physique entraîne de plein droit, en application de la  loi du 25 janvier 1985, l’incapacité à exercer des droits civiques et l’incapacité à exercer une fonction publique élective[79]. L’atteinte grave à l’ordre public justifie que  la publicité des audiences soit exclue dans certaines procédures, notamment devant la chambre du conseil, sans que cela soit contraire aux exigences de l’article 6-1 CEDH[80].

 Toutefois,  le Conseil d’État exclut l’application de l’article 6-1 CEDH dans certains domaines. C’est ainsi que l’article 6-1 ne s’applique pas aux mesures d’expertise ordonnées par le juge des référés, en application de l’article R. 128 du Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel [81].  En outre, le C.E. refuse d’appliquer l’article 6-1 CEDH au contentieux des mesures de reconduite à la frontière parce que de « tels arrêtés ne sont relatifs ni à des droits ni à des obligations de caractère civil ni à des accusation en matière pénale »  [82]. Mais la jurisprudence constante de la CEDH exclut aussi l’applicabilité de l’art. 6 à ce contentieux.

Enfin, la faculté pour une juridiction de se saisir d’office dans les conditions prévues par la loi ne porte atteinte à aucun principe du droit français ni aux principes d’indépendance et d’impartialité garantis par l’article 6-1. Il en résulte que l’interdiction de l’autosaisine du juge constitue un principe général du droit auquel il ne saurait être dérogé en matière disciplinaire. Ainsi un Conseil de l’Ordre des avocats ne peut modifier, dans son règlement intérieur, les dispositions d’ordre public de la loi relative à la discipline des avocats et, notamment, ne peut prévoir « qu’aux fins de demeurer la juridiction indépendante et impartiale visée à l’article 6 CEDH, le conseil de l’Ordre s’interdit de se saisir d’office, de procéder à une enquête ou de désigner un de ses membres pour y procéder....» [83]. Cet arrêt encadre l’exercice du pouvoir disciplinaire par les juridictions ordinales. Il s’agit d’une illustration du principe structurel en vertu duquel il est interdit à un organe constitutionnel ou à une juridiction de renoncer à exercer une compétence confiée par la loi, par la constitution ou, le cas échéant, par un texte conventionnel.

 

b) le respect de la présomption d’innocence

 

L’article 6-2 CEDH pose le principe de la présomption d’innocence jusqu’au prononcé définitif de la condamnation. Selon la Commission EDH, « l’article 6-2 garantit à tout individu que les représentants de l’État ne pourront le traiter comme coupable d’une infraction avant que sa culpabilité n’ait été légalement proclamée »[84]. Le droit à la présomption d’innocence doit aussi être garanti devant la presse, les magistrats se voyant imposer une réserve qui leur interdit de préjuger de la culpabilité d’un individu. Cette réserve s’impose également aux pouvoirs publics dans leurs déclarations à la presse[85], aux autorités administratives indépendantes faute de quoi il y a violation de la présomption d’innocence [86].  La Cour de Cassation et le Conseil d’État ont rejeté toute incompatibilité entre le permis à points, la procédure de retrait des points et les articles 6-1 et 6-2 CEDH. Le C.E. a rejeté toute violation de l’article 6-1 par la procédure administrative de retrait des points, l’article 6-1 ne s’appliquant qu’aux procédures contentieuses suivies devant des juridictions[87]. La Cour de Cassation a rejeté toute violation de la présomption d’innocence en décidant que « l’exécution provisoire des peines complémentaires de suspension ou d’annulation du permis de conduire n’est pas incompatible avec les dispositions de l’article 6-2 CEDH, posant le principe en principe la présomption d’innocence dès que cette mesure s’attache à une peine prononcée par la juridiction répressive après que celle-ci a décidé que la culpabilité du prévenu est légalement établie»  [88].

Cependant, l’aménagement du respect de la présomption d’innocence n’empêche pas le magistrat instructeur de prendre des mesures restrictives des libertés individuelles. C’est ainsi que la décision d’un juge d’instruction de placer un médecin sous contrôle judiciaire, dans le cadre d’une procédure pour escroquerie et fraude à la Sécurité sociale, ne viole pas l’article 6-2 CEDH dès lors qu’il lui est possible d’apporter la preuve contraire des investigations ou allégations et que les droits de la défense sont assurés [89].

 

c) le respect des droits de la défense

 

L’article 6-3 de la CEDH consacre l’exercice des droits de la défense. Chacun a droit à l’assistance d’un avocat et à l’aide juridictionnelle. Le requérant a droit éventuellement à l’assistance d’un interprète. On doit lui laisser le temps de préparer une défense utile. L’article 6-3-d lui laisse aussi le droit de faire citer et interroger à l’audience les témoins à décharge si cette audition est nécessaire. Ce droit est aussi reconnu par les art. 437 et 444 C.P.P. Cependant cette prérogative  n’est pas absolue. On ne peut faire citer en appel des témoins que l’on n’a pas fait citer en première instance. Selon la Cour de Cassation, cette restriction est compatible avec l’article 6-3[90].   La Cour EDH renvoie au juge national le soin de décider de l’opportunité de citer un témoin [91]. Mais le principe de l’égalité des armes entre l’accusation et le prévenu implique que celui-ci puisse faire valoir ses droits d’une manière utile, éventuellement par l’audition de témoins. Une telle  restriction ne semble pas justifiée dès lors qu’elle porte atteinte à l’égalité des armes et ne permet pas une manifestation indiscutable de l’innocence ou de la culpabilité exigée par l’article 6-2.  Cette position est donc en retrait par rapport au standard européen de protection des droits de la défense. Par contre, l’article 331 C.P.P. dispose que les témoins déposent uniquement soit sur les faits reprochés à l’accusé, soit sur sa personnalité et sa moralité ; cette disposition légale n’est pas incompatible avec l’art. 6-3 CEDH qui n’interdit pas que des restrictions soient apportées au droit de l’accusé de faire interroger un témoin lorsque la question posée est étrangère à l’accusation ou porte atteinte au respect de la vie privée de ce témoin [92]. Le comportement de l’accusé peut avoir pour conséquence de le priver de l’exercice de ses droits. Un accusé ne saurait tirer argument de son placement en quartier d’isolement pour soutenir qu’il a été de ce fait privé des facilités nécessaires à la préparation de sa défense, dès lors qu’il est établi qu’il a délibérément provoqué cette situation par son comportement. Dans un tel cas, la juridiction peut, sans violation de l’article 6-3 refuser sa demande de renvoi de l’affaire à une date ultérieure [93]. Si un tel arrêt est fondé et ne porte pas atteinte aux droits de la défense, ceux-ci sont parfois violés par le comportement des autorités judiciaires. Force est de reconnaître que la Cour de cassation prend certaines libertés avec l’art. 6-3 quand l’avocat du prévenu est absent à l’audience. En effet, la Cour considère que « l’absence imprévue de l’avocat ne permet pas de se prévaloir de l’atteinte au droit du choix de son défenseur » alors que le prévenu demandait le renvoi de l’audience à une date ultérieure [94]. L’argument nous semble fallacieux parce qu’il s’agit d’une atteinte manifeste aux droits de la défense. Il l’est d’autant plus que la Cour de cassation casse des arrêts rendus par des cours d’assises pour violation de l’art. 6-3 au motif que ces cours ont élargi, pendant l’audience, le champ de l’accusation portée résultant de l’arrêt de mise en accusation (rendu par la chambre d’accusation) contre l’accusé et ceci sans lui laisser le temps utile pour préparer sa défense[95]. Mais la Cour de Cassation a posé, en application des articles 6-2 et 6-3 CEDH,  le principe du droit à la communication du dossier au prévenu lui-même lorsque les pièces du dossier ne sont pas couvertes par le secret de l’instruction. Il en est ainsi en matière de poursuites diligentées devant le tribunal de police lorsque le prévenu ne souhaite pas avoir recours à un avocat afin de faire respecter les droits de la défense[96]. D’autre part, la communication des pièces couvertes du secret de l’instruction est désormais facilitée. Les avocats peuvent se faire communiquer des pièces du dossier après la première comparution devant le magistrat et, en vertu de la loi du 30 décembre 1996 modifiant l’article 114 C.P.P., transmettre une production des copies à leur client. Cette loi met un terme aux poursuites antérieurement diligentées contre des avocats ayant laissé à leur client des pièces du dossier couvertes par le secret de l’instruction ; alors que cette communication avait lieu pour faciliter la préparation de la défense et qu’elle était à l’usage exclusif de l’avocat ayant le droit de les examiner avec son client mais qui  ne pouvait, en aucun cas, en laisser une photocopie à sa disposition après leur entretien [97].

 

3)      le respect de la vie privée et familiale et l’inviolabilité du domicile et de la correspondance

 

L’article 8 protège le respect de la vie privée et familiale, l’inviolabilité du domicile et le secret de la correspondance.  La liberté est la règle et l’ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit, en vertu de l’article 8-2 demeure l’exception. L’article 8 est un droit subjectif des mieux établis : il protège la vie privée, relationnelle, familiale et sexuelle. L’ingérence étatique y est proscrite sauf exception justifiée. Il protège la vie familiale légitime ou non. Mais si l’article 8 est un droit subjectif que les individus peuvent invoquer face à l’État, il s’agit d’un droit créant pour l’État une obligation positive, c’est-à-dire, une obligation de faire, comme d’adopter la loi permettant d’assurer l’effectivité de ce droit.

 

a) la protection de la vie privée et familiale

 

La protection de la vie privée ne peut être invoquée face aux tiers ou à la presse que par celui qui entend s’en prévaloir[98].   La Cour de cassation a reconnu un effet horizontal à l’article 8, c’est-à-dire le caractère d’un droit subjectif opposable non seulement à l’État mais aussi aux tiers. En effet, dans son arrêt du 6 mars 1996, relatif au contentieux des baux d’habitation la Cour exige une protection « interindividuelle » du droit de mener une vie familiale normale et décide que « les clauses d’un contrat d’habitation ne peuvent, en vertu de l’article 8 C.E.D.H., avoir pour effet de priver le preneur de la possibilité d’héberger ses proches en prétendant limiter l’occupation des lieux au locataire et à ses enfants ». Elle rejette ainsi une demande de résiliation du bail fondée sur cette clause. Une telle clause doit être réputée non écrite et ne saurait empêcher le locataire d’héberger le père de ses deux derniers enfants ainsi que sa sœur. Un tel hébergement des proches est légal nonobstant toutes clauses contraires [99].  Cet arrêt consacre un élargissement de la sphère familiale protégée qui s’étend aux proches. Il s’agit d’une application exceptionnelle de l’article 8, les tribunaux appliquent la loi du 6 juillet 1989 relative aux baux d’habitation et la jurisprudence de la Cour de Cassation qui prévoit déjà le droit pour le locataire d’héberger ses proches ascendants, descendants ou collatéraux et un concubin notoire dans une conception proche du standard européen.

De plus, la Cour de Cassation a également contrôlé le bien-fondé du choix du parent exerçant le droit de garde d’un enfant. La jurisprudence de la Cour EDH protège le droit des parents à garder un lien social et affectif harmonieux avec l’enfant même lorsqu’il est placé dans un foyer ou dans une famille d’accueil en vertu d’une décision de mesure éducative prise par un juge des enfants [100]. Mais la Cour EDH estime que le choix du parent exerçant le droit de garde doit se faire dans l’intérêt de l’enfant[101]. La Cour de Cassation a estimé conforme à la CEDH, la décision de confier la garde d’un enfant et l’exercice de l’autorité parentale à son père naturel tandis qu’un droit de visite et d’hébergement est seulement reconnu à la mère[102]. En effet, la Cour estime, au vu  du rapport du pédopsychiatre, « qu’il serait bénéfique à l’enfant de confier l’exercice de l’autorité parentale exclusivement au père compte tenu de ce que l’enfant  réclame mais manifeste physiquement et psychiquement son désir de vivre chez son père et persiste dans ce désir depuis un an ».  Mais la Cour relève aussi une violation de l’article 8 dans la mesure où la décision de la cour d’appel a également été motivée par le fait que la mère vivait en concubinage avec un tiers sans préciser en quoi cette circonstance nuirait à l’intérêt de l’enfant. Cette mention est une violation du respect de la vie privée de la requérante et de l’article 374 du Code civil relatif à l’exercice du droit de garde et d’hébergement d’un enfant naturel. Néanmoins la Cour rejette le recours de la mère en raison  de l’intérêt de l’enfant. Cette décision s’inscrit indiscutablement dans le « fil » de la jurisprudence de la Cour EDH faisant une balance des intérêts à la fois de l’enfant mais sanctionnant toute atteinte injustifiée à la vie privée.

En outre, le respect de la vie familiale implique aussi selon la Cour EDH, l’égalité de droits entre les enfants légitimes et adultérins qui joue également aussi en matière successorale[103]. L’article 8 constitue ainsi une liberté qui n’est pas seulement un droit subjectif mais un droit qui crée des obligations positives à la charge des États, c’est-à-dire une obligation de faire.

 Les États ont l’obligation d’adopter la législation nécessaire. La France a fait ce pas en adoptant la loi du 5 janvier 1972 consacrant cette égalité juridique (cf art. 334 du code civil) et successorale (f art. 757 C.C). Mais la Cour de Cassation a, dans son arrêt du 25 juin 1996, accepté un partage successoral inégal entre un enfant naturel légitimé par le mariage et un enfant adultérin, en vertu de l’article 760 C.C., en rejetant toute violation de l’article 8 CEDH et en prétendant que « la vocation successorale est étrangère au respect de la vie privée et familiale dont le droit est reconnu par l’article 8 CEDH, et garanti sans distinction par l’article 14 CEDH interdisant toute discrimination fondée sur la naissance » [104] [105]. Il s’agit d’un cas d’espèce rare parce que depuis la loi du 3 janvier 1972, les enfants adultérins et légitimes bénéficient théoriquement d’une égalité successorale. L’article 760 C.C. n’est qu’exceptionnellement appliqué. Il est évident que cet arrêt est en retrait vis-à-vis de l’égalité successorale visée par la jurisprudence de la Cour EDH. D’autre part, la Cour EDH [106] a condamné une telle discrimination entre enfants légitimes et naturels en considérant qu’elle manquait de justification objective et raisonnable violant ainsi l’article 8. Cet arrêt est aussi en contradiction avec l’arrêt Vermeire c. Belgique du 29 novembre 1991 condamnant une loi belge excluant les enfants naturels du bénéfice de la  succession de leurs grands-parents sur la base de la violation de l’article 8 mais aussi de l’article 14 CEDH interdisant toute discrimination. Mais l’article 760 C.C. constitue une discrimination fondée sur la naissance et ne doit plus être appliqué, faute de quoi la France encourt une condamnation devant la Cour EDH comme le rappelle Mr Hauser. Tenter de justifier, comme Philippe Malaurie, l’application de l’article 760 comme étant une réparation « à l’offense que constitue l’adultère pour le mariage », est une position intenable face à la jurisprudence constante de la Cour EDH depuis l’arrêt Marckx c. Belgique de 1979.

 

b) les ingérences étatiques justifiées

 

L’article 8-2 autorise l’ingérence étatique dans la sphère familiale et privée « pour autant qu’elle soit prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au  bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre de la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ».  Ces conditions sont cumulatives. Cet article  8-2 a trouvé en 1996 application en matière de police et de mesures de reconduite à la frontière. La jurisprudence est assez stricte dans la détermination des ingérences qui doivent être prévues, nécessaires et proportionnées. C’est ainsi que ne constitue pas une ingérence étatique injustifiée au sens de l’article 8 CEDH, la constatation des contraventions d’excès de vitesse au moyen d’un cinémomètre associé à un appareil de prise de vue qui est utilisé aux seules fins de relever l’immatriculation des véhicules en infraction et de permettre, le cas échéant, l’identification des contrevenants » [107].

 Une autre ingérence étatique autorisée en vertu de l’article 8-2 est la poursuite d’étrangers en situation irrégulière de séjour. Le droit à la vie familiale normale ne s’étend pas pour des étrangers en situation régulière de séjour à  la faculté d’accueillir un collatéral en situation irrégulière de séjour. Une telle ingérence étatique est justifiée par le souci de lutter contre l’immigration clandestine. L’immunité familiale résultant du lien de parenté avec l’étranger en situation irrégulière auquel le prévenu a apporté son aide ne peut être invoquée pour échapper à une condamnation du chef d’aide au séjour irrégulier d’un étranger en France, résultant de la loi du 22 juillet 1996 modifiant l’article 21 de l’ordonnance du 2 novembre 1945, car cette immunité n’est instituée qu’en faveur des ascendants, des descendants et du conjoint[108]. 

En outre, la  Cour de Cassation s’est référée à l’article 8 CEDH dans le cas de l’exception d’illégalité d’un arrêté d’expulsion et exige du juge pénal qu’il fasse application de l’article 111-15 du nouveau code pénal,  entré en vigueur en 1994, permettant au juge pénal d’apprécier la légalité des actes administratifs lorsque, de cet examen, dépend la solution du procès pénal qui lui est soumis. La Cour de cassation se rattache à l’analyse que font les juridictions administratives dans l’examen des circonstances de fait et de droit existant à la date de la signature de l’arrêté d’expulsion [109].

    De surcroît, l’application de l’article 8 est importante dans le contentieux des mesures de reconduites à la frontière. La CEDH renvoie à la conception nationale de l’ordre public qui est déterminée par les autorités nationales. Les protocoles additionnels à la CEDH ont institué un droit au séjour en faveur des étrangers en situation régulière au regard des autorités nationales. Il en découle le droit de mener une vie familiale normale. Exceptionnellement, l’article 8 peut couvrir une situation irrégulière de séjour.

Le C.E. se montre sévère lorsque l’étranger, qui ne répond plus aux obligations de scolarité suivie pour obtenir une carte de séjour, essaie d’obtenir un titre de séjour en ayant recours à l’adoption soit par un ressortissant français soit par un ressortissant étranger titulaire de la carte de résident, procédure qui lui fait recevoir de plein droit un titre de séjour de même nature que celui de leur père ou mère autorisé à séjourner en France. Le C.E. considère qu’une telle adoption  a été réalisée dans un autre but que ceux qui sont protégés par  l’article 8 CEDH. En effet, l’adoption n’a pas été réalisée pour créer une filiation juridique mais en vue de l’obtention d’un titre de séjour au profit d’un étranger ne détenant aucun droit personnel à obtenir ce titre. Il s’agit là d’un détournement de l’institution de l’adoption. L’expulsion ne viole pas l’art. 8 CEDH parce qu’une  adoption réalisée dans une telle situation ne saurait conférer des « droits dérivés », c’est-à-dire, selon la jurisprudence de la Cour EDH, des droits dont les bénéficiaires sont des tiers. L’expulsion est donc légale [110].  Mais il y a violation du droit au respect de mener une vie familiale normale lorsque le retard de délivrance d’une carte de résident à l’épouse étrangère d’un ressortissant français est le résultat de l’attitude dilatoire de la préfecture de police à l’époque où le préfet devait faire droit à une demande faite dans les délais légaux. L’arrêté d’expulsion, pris en application de la loi du 24 août 1993, et après le refus de délivrance du titre de séjour demandé depuis cette première demande, est une atteinte disproportionnée à l’article 8[111].

La jurisprudence du Conseil d’État en 1996 en matière de reconduite à la frontière confirme les tendances antérieures même si elle semble plus restrictive comme l’est aussi la jurisprudence de la Cour EDH depuis son arrêt Boughanemi c. France du 24 avril 1996 [112].

Il n’y a pas violation de l’article 8 dans le cas de l’expulsion d’un étranger sur le point de se marier. De même si le couple attendait un enfant et projetait de se marier, l’arrêté d’expulsion ne porte pas, une atteinte disproportionnée au respect du droit à mener une vie familiale normale[113]. De plus la paternité d’un enfant à naître d’une concubine française n’interdit pas la reconduite du concubin étranger même s’il a reconnu cet enfant. Il n’y a pas atteinte disproportionnée au respect de la vie familiale[114].

La protection  de l’article 8 ne joue que si l’étranger, en situation irrégulière de séjour, est parent d’un enfant français résidant sur le territoire, exerce l’autorité parentale à son égard et subvient effectivement à ses besoins, en vertu de l’article 25 alinéa 5 de l’ordonnance du 2 novembre 1945, mais tel n’est pas le cas lorsque l’enfant français réside à l’étranger. Dans une telle hypothèse, l’article 8 n’offre aucune protection contre l’expulsion [115].

On observe que le C.E. a tendance à considérer qu’il n’y a pas atteinte à la protection de l’article 8 lorsqu’un étranger en situation irrégulière de séjour fait valoir qu’il exerce seul l’autorité parentale sur ses trois enfants dont deux sont nés en France parce que l’expulsion n’empêche pas cet étranger d’emmener ses enfants et de mener une vie familiale normale dans l’État dont il est le ressortissant[116]. Cette position du C.E. nous semble contradictoire avec le droit de ces enfants nés en France à  y vivre[117].  On ne saurait invoquer utilement le bénéfice de l’article 8 si l’enfant est né en France après l’adoption de cet arrêté et même si le mariage avec le père français a aussi été contracté. Il est nécessaire que l’enfant soit déjà né à la date de l’arrêté d’expulsion, cet arrêté étant pris en considération des éléments de fait et de droit prévalant à cette date[118].

 Le bénéfice de l’article 8 est étendu aux concubins étrangers à la condition que leur communauté de vie  offre un caractère stable. Tel est le cas même lorsque le concubin est lui-même étranger à la condition qu’il soit titulaire d’une carte de résident.  Mais l’absence d’attaches effectives joue aussi un rôle déterminant dans l’appréciation de l’atteinte à l’article 8[119]. Le Conseil d’État fait application des critères d’attaches effectives que ce soit en France ou à l’étranger. L’expulsion ne porte pas atteinte à l’article 8 dès qu’un couple étranger a la possibilité de mener une vie familiale normale dans leur État d’origine même si une grande partie des membres de leur famille réside en France [120].

Mais l’étranger n’ayant pas d’attaches avec l’État dont il est le ressortissant peut bénéficier de la protection de l’article 8. Il en est ainsi de l’étranger né en France, y ayant toujours résidé et marié avec une ressortissante française et qui est père d’un enfant français. Condamné à 12 ans d’emprisonnement pour vols, son expulsion porte atteinte disproportionnée au respect de la vie familiale en raison de l’absence de tout lien avec un autre pays que la France[121]. Le C.E. accepte le bénéfice de la protection de l’article 8 CEDH. au profit d’une ressortissante étrangère qui ,en raison de la durée de son séjour en France n’a plus d’attaches effectives dans son pays d’origine, et dont l’état de santé du mari nécessite un traitement en France et la présence de son épouse à ses côtés [122]. Les attaches et le comportement du requérant sont ainsi pris en compte [123] [124]. La protection de l’article 8 joue aussi, exceptionnellement, en faveur  d’un célibataire de nationalité étrangère et sans enfants, né en France, dont toute la famille réside en France même s’il s’est rendu coupable de plusieurs vols à main armée, parce qu’une expulsion dans de telles conditions porte une atteinte à sa vie privée et familiale qui excède ce qui est nécessaire à la défense de l’ordre public[125]. Mais la défense de l’ordre public l’emporte sur la vie familiale lorsque les faits reprochés  touchent aux bonnes mœurs.

 De plus, le C.E. admet également, au nom du respect de la protection de la vie familiale, que l’effectivité des attaches affectives puisse couvrir l’illégalité du titre de séjour. La durée du séjour en France d’un étranger entré irrégulièrement en France et la durée écoulée depuis son mariage avec un ressortissante française lui donnent la possibilité de s’appuyer sur l’article 8 CEDH pour contester la légalité d’un arrêté d’expulsion, notamment lorsque la commission de séjour des étrangers (réunie par le préfet lorsqu’il envisage de refuser la délivrance d’un titre de séjour) a estimé que ces éléments sont de nature à justifier un avis favorable à la délivrance d’un  titre de séjour[126]. Il est cependant nécessaire que le mariage d’un étranger avec une ressortissante française ait eu lieu depuis au minimum un an, en vertu de l’article 25 alinéa 4 de l’ordonnance de novembre 1945, même si la cohabitation dure depuis plus d’un an. L’expulsion qui intervient avant l’écoulement de ce délai ne viole pas l’article 8 CEDH[127]. L’expulsion d’un étranger sur le point de marier alors qu’il vit en concubinage avec une ressortissante française ne viole ni l’article 8, ni l’article 12 CEDH garantissant le droit de se marier dès l’âge nubile. Le C.E. applique une jurisprudence constante en la matière en rejetant toute violation de l’article 12  CEDH par une mesure de reconduite à la frontière même si le mariage était déjà projeté au moment de l’adoption de l’arrêté d’expulsion. Le C.E. considère logiquement que l’arrêté d’expulsion n’a pas pour effet d’interdire de se marier [128] ; cette jurisprudence a été confirmée en 1996[129] [130].

 

En outre, les étudiants étrangers se situent dans une situation juridique particulière conditionnée par le suivi d’études. Leur titre de séjour et leur droit au séjour sont marqués par la précarité.  Mais un titre de séjour, délivré au vu d’un certificat de scolarité présentant un caractère frauduleux, peut être retiré par le préfet même après l’expiration du délai du recours contentieux parce qu’il n’a pu conférer aucun droit à son titulaire en raison des circonstances dans lesquelles il a été obtenu. Cette étudiante peut être l’objet d’une mesure de reconduite à la frontière même si la requérante est mariée avec un étranger résidant en France depuis dix ans. Le C.E. estime « que l’expulsion ne porte pas atteinte au respect de la vie familiale puisque cette mesure n’empêche pas le couple de s’installer dans un autre pays et n’est pas disproportionnée au but poursuivi, notamment compte tenu de l’atteinte causée à l’ordre public par la manœuvre frauduleuse dont la requérante s’est rendue coupable » [131].  Il s’agit également d’un rappel de la jurisprudence constante du C.E. selon laquelle un acte individuel obtenu par fraude est un acte non créateur de droits[132]. De plus,  le C.E. se montre plus sourcilleux dans le renouvellement de cette carte temporaire de séjour en examinant le réel suivi des études[133].

Enfin, le C.E. est strict en matière de regroupement  familial  dont les bénéficiaires sont le conjoint et les enfants mais ce droit ne s’étend pas aux ascendants de ces conjoints qui ne peuvent bénéficier d’un droit au séjour que si les descendants remplissent les conditions financières pour pouvoir subvenir à leurs besoins. L’insuffisance desdites ressources permet de refuser le séjour sans violer l’article 8. Il est nécessaire que les ressources s’élèvent au minimum au SMIC d’une manière régulière et que le demandeur dispose d’un logement suffisamment grand [134] [135].

 

4)      les libertés de l’esprit

 

La C.E.DH. protège dans les articles 9 et 10 les libertés de pensée, de religion et de conscience mais aussi la liberté d’expression.

 

a) la liberté de pensée, de conscience et de religion

L’article 9 CEDH protège la liberté de pensée, de conscience et de religion. L’article 9 protège une liberté positive et négative. Il s’agit d’un des droits les mieux protégés mais qui ne saurait être absolu. Nul ne saurait être contraint d’adopter une croyance ou une opinion. L’article 9 implique également la liberté d’exercice public et privé de ses croyances. L’article 9 reconnaît aussi le droit de se convertir à un autre culte. Mais il s’agit aussi des opinions philosophiques et politiques garantissant, par exemple, le droit à l’objection de conscience. Cependant, la liberté de conscience ou le for intérieur ne permettent pas de refuser l’obligation de payer l’impôt qui est une obligation d’ordre général ne portant pas atteinte à ces libertés.  De même, la personne ne peut se réfugier derrière ses convictions religieuses pour refuser la validité de prescriptions législatives obligatoires imposant la cotisation à un régime d'assurance vieillesse [136]. Ces libertés de l’article 9 se traduisent concrètement par le droit à la liberté d'expression consacré par l'article 10 C.E.D.H. L’article 9-2 reconnaît certaines limites à la liberté de manifester sa religion ou ses convictions. Ces restrictions sont déjà reconnues par l’article 8-2.

 Ces pratiques doivent exprimer directement une conviction ou une religion. Les annonces relatives à une croyance religieuse à caractère purement commercial ne sont pas des convictions protégées [137]. La liberté de manifester ses convictions inclut le droit d'essayer de convaincre son prochain, c’est-à-dire le prosélytisme [138]. La loi peut limiter ou interdire la manifestation de la conviction.  Elle peut interdire la manifestation des convictions xénophobes et prévoir la répression pénale d'opinions nazies ou révisionnistes mais aussi  le prosélytisme abusif qui consiste dans le fait de ne pas accorder, dans l'expression de ses convictions, le respect qui est dû à la liberté de pensée, de conscience et de religion d'autrui cf affaire Kokkinakis 25 mai 1993.   L'objection de conscience est un droit reconnu mais la Cour E.D.H. considère que les États peuvent limiter le champ de sa manifestation. Elle peut être invoquée face à l'obligation militaire obligatoire. mais elle ne saurait l’être à l'encontre du service civil de remplacement[139]. La manifestation de cette liberté de religion doit aussi respecter l’ordre public. Elle est incompatible avec un prosélytisme abusif portant atteinte aux droits d’autrui notamment dans le cadre scolaire [140] [141]. L’obligation d’assiduité des élèves aux examens organisés dans le cadre des classes préparatoires ne porte pas atteinte à la liberté religieuse des élèves même si ces épreuves ont  lieu le jour  d’une fête religieuse. Un refus d’inscription en classe préparatoire reposant sur la demande de dérogation systématique d’absence à ces contrôles est légal et ne saurait constituer une violation de l’article 9 CEDH[142]. Mais le prosélytisme abusif se manifeste aussi dans le cadre familial lorsqu’il porte atteinte aux droits du conjoint. L’exercice de cette liberté de religion peut avoir pour conséquence un comportement incompatible avec les devoirs et obligations nés du mariage telle que la participation aux fêtes de famille et anniversaires des enfants. Un tel comportement depuis la conversion d’un époux aux croyances des Témoins de Jéhovah constitue, selon la Cour de Cassation, « une violation renouvelée des devoirs et obligations du mariage rendant intolérables le maintien du mariage ». Il en résulte que le divorce prononcé à ses torts exclusifs et la garde des enfants confiée au père ne sont pas incompatibles avec la liberté de religion protégée par l’article 9 CEDH [143]. Le Conseil d’État est confronté aussi à la volonté de certains requérants d’imposer leurs convictions en arguant de la liberté de conscience et de l’article 2 du protocole additionnel n°1 de 1952 reconnaissant le droit à l’instruction et  l’accès à un enseignement public  dont le contenu respecte les convictions religieuses et philosophiques des parents. Le C.E a ainsi rejeté un recours pour excès de pouvoir intenté contre la décision de l’inspecteur d’académie excluant des enfants de tout établissement d’enseignement dont le père refusait, au nom de ses convictions religieuses, que les enfants fassent l’objet de vaccinations obligatoires. Le C.E. relève que « les impératifs de la protection de la santé publique des élèves  justifient, en vertu de l’article 8-2 CEDH, certaines restrictions au respect de  la vie familiale et que l’accès au droit à l’instruction puisse être soumis auxdites vaccinations sous peine d’exclusion de tous les établissements d’enseignement ». En outre, le C.E. estime que « le droit à l’instruction reconnu par l’article  2 du P.A. n°1 n’interdit pas une réglementation de son exercice par les États signataires pour des motifs d’intérêt général ; les dispositions contestées prises dans l’intérêt de la santé publique  ne sont pas incompatibles avec le droit à l’instruction garanti par l’article 2 du P.A n°1»[144]. Dans le même esprit, le C.E. a rejeté le recours, basé sur les article 8, 9 CEDH et le P.A. n°1, contre le rejet implicite du premier ministre d’abroger le décret du 14 janvier 1974  relatif aux soins à apporter aux mineurs et autorisant le médecin responsable du service hospitalier à saisir le ministère public « lorsque la santé ou l’intégrité corporelle du mineur risquent d’être compromises par le refus du représentant légal du mineur ou du fait de l’impossibilité de recueillir son consentement,  afin de provoquer les mesures d’assistance éducative lui permettant de donner les soins qui s’imposent ». Le C.E. rejette le recours en estimant « que les dispositions contestées ne dépassent pas les limitations qui peuvent être apportées, eu égard à l’intérêt de la santé publique, aux dispositions des articles 8 et 9 CEDH et de l’article 2 du P.A.  n°1 relative au respect de la vie privée et familiale, à la liberté de conscience et de religion et au droit des parents de choisir l’éducation religieuse de leurs enfants  »[145]. Le C.E. rejette régalement le recours en estimant que le décret  n’exclut pas cette pratique des soins des mineurs au titre de l’assistance éducative »[146].  Cette attitude est partagée par la Cour de Cassation[147].

 

a) la liberté d’expression

 

En outre, la liberté d’expression garantie par l’article 10 CEDH s’applique en matière de presse, d’audiovisuel et d’opinions.  L’article 10 garantit le droit de transmettre des informations et opinions mais aussi d’en recevoir et d’en rechercher que ce soit les journalistes ou les scientifiques. L’article 10-1 CEDH autorise les États à soumettre les entreprises audiovisuelles à un régime d’autorisation.

Cependant cette liberté n’est pas illimitée, en vertu de l’article 10-2, qui pose certaines restrictions particulières qui s’ajoutent à celles énumérées à l’article 8-2 CEDH[148].  L’article 10-2 CEDH renvoie à l’ordre public en tant que restriction à la liberté d’expression. La conception nationale de l’ordre public trouve ici à s’appliquer et peut justifier de restrictions plus particulières de la liberté d’expression à condition qu’elles soient proportionnées et qu’elle réponde à un « besoin social impérieux » [149].  Mais la Cour E.D.H. est stricte dans la détermination des situations  autorisant de telles restrictions et exige que les limites de cette liberté soient précises et connues[150]. La Cour EDH a estimé en 1979 [151] que « la liberté d’expression constitue l’un des fondements essentiels d’une société démocratique et ne peut être restreinte que par des bornes énoncées avec suffisamment de précision pour permettre au citoyen de régler sa conduite, en s’entourant au besoin de conseils éclairés  ; celui-ci doit être à même de prévoir, à un degré raisonnable dans les circonstances de la cause, les conséquences de nature à découler d’un acte déterminé ».  L’État doit garantir cette liberté et adopter une législation permettant de connaître les bornes de cette expression. La restriction de la liberté d’expression demeure l’exception.  Les lois pénales réprimant la diffusion d’idées et propos xénophobes ou contraires à la moralité et la santé publiques doivent être claires dans leur formulation.  De plus, la Cour EDH refuse l’utilisation fallacieuse de la liberté de la recherche et d’expression pour tenter de contourner une éventuelle incrimination de contestation de crimes contre l’humanité prévue par la loi du 13 juillet 1990 modifiant la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse [152].   D’autre part, l’article 17 CEDH interdit que les droits et libertés reconnus par la CEDH, notamment la liberté d’expression, soient utilisés à des activités visant à détruire les droits et libertés reconnus par la CEDH. L’article 17 constitue ainsi une limite immanente à l’exercice des libertés qui est une restriction légitime de ces comportements, la CEDH constituant l’ordre public démocratique des États membres du Conseil de l’Europe[153].

   Cependant, la loi peut aussi confier le pouvoir d’interdiction de diffusion ou le pouvoir de sanction à certaines autorités administratives indépendantes. C’est ainsi que le contrôle du Conseil d’État s’est porté, en 1996, sur les pouvoirs de sanction du C.S.A. et, d’une manière plus classique, sur les mesures d’interdiction de diffusion de publications prises sur le fondement de la loi de 1949 relative à la de protection de la jeunesse. La jurisprudence de la Cour de Cassation en 1996 s’est surtout focalisée sur les ingérences étatiques et les limites nécessaires, dans une société démocratique, à la liberté d’expression, notamment en période électorale.

 

Le Conseil d’État a rendu deux arrêts illustrant la loi de du 30 septembre 1986 modifiée par la loi du 17 janvier 1989, relative à la liberté de la communication, et précisant le champ des domaines d’application du pouvoir de sanction du C.S.A. dans le cas d’atteintes à la dignité humaine et à la sauvegarde de l’ordre public. Le Conseil a examiné la proportionnalité des sanction décidées par le C.S.A. eu égard aux manquements reprochés  aux opérateurs audiovisuels[154][155].  C’est ainsi que le C.E. considère que [156]  « l’exercice de la liberté audiovisuelle ne peut être limité que dans la mesure requise, d’une part, par le respect de la dignité de la personne humaine, de la liberté de la propriété d’autrui, du caractère pluraliste de l’expression des courants de pensée et d’opinion et d’autre part la sauvegarde de l’ordre public... ». Les propos tenus par un animateur radio après l’annonce de la mort d’un policier lors d’une fusillade avec des malfaiteurs et le fait qu’il se soit  réjoui de cette nouvelle, constituent une atteinte au respect de la dignité humaine et à la sauvegarde de l’ordre public. La sanction de 24 heures de suspension de l’autorisation d’émission est proportionnée et compatible avec l’article 10 CEDH dès lors que  l’article 1 de la loi du 30.09.1986,  précise que « la liberté de la communication audiovisuelle peut être limitée dans la mesure requise par le respect de la dignité humaine et la sauvegarde de l’ordre public ». Le C.E. exerce un contrôle maximum par le biais de la proportionnalité et légitime le pouvoir coercitif reconnu au C.S.A. par la loi de 1986. Les termes mêmes de ladite loi et le contrôle du C.E. manifestent l’intégration de l’esprit de l’article 10 CEDH dans l’ordre juridique interne français dans les limites posées à l’exercice de la liberté d’expression afin de garantir la protection de la morale ou des droits d’autrui, la défense de la dignité humaine étant, stricto sensu, une composante des droits d’autrui et, lato sensu, un élément de la sauvegarde de l’ordre public[157]. Mais le Conseil d’État considère également que le C.S.A. peut exercer son pouvoir de contrôle à raison des propos tenus par les auditeurs eux-mêmes. Il en est ainsi de propos racistes et antisémites proférés par les auditeurs. Le C.S.A. prit, à titre de sanction, la décision de réduire d’une année la durée d’autorisation d’émettre, sanction considérée comme proportionnée par le C.E.[158]. La CEDH n’est pas expressément invoquée dans l’arrêt mais les termes mêmes de la décision témoignent de l’utilisation implicite des critères de proportionnalité de la Cour EDH.

   En outre, le juge administratif  a également une compétence en matière de presse limitée aux interdictions de vente aux mineurs et d’interdiction de diffusion de publications étrangères. La jurisprudence relative aux interdictions de diffusion de publications destinées à la jeunesse, en application de la loi de juillet 1949, est classique et s’inscrit dans le champ de la jurisprudence constante du C.E. Le Conseil exerce encore un contrôle maximum des décisions prises par le ministre de l‘Intérieur autorisé par ladite loi à interdire de proposer, donner ou vendre à des mineurs les publications de toute nature présentant un danger pour la jeunesse en raison de leur caractère licencieux, pornographique ou violent et l’autorise en outre à assortir cette mesure de l’interdiction d’effectuer en faveur de ces publications quelque publicité que ce soit. Le C.E. se réfère expressément à l’article 10-2 CEDH. Ce contrôle s’exerce matériellement sur le caractère effectivement licencieux, pornographique ou violent des publications incriminées mais aussi sur l’incitation à pratiquer la violence ou à se livrer à des actes xénophobes. L’incitation à la pédophilie justifie l’interdiction ministérielle puisqu’elle vise à protéger la jeunesse et ne porte pas une atteinte disproportionnée à la liberté d’expression [159]. De même, une mesure d’interdiction de diffusion fondée sur « le caractère particulièrement violent et pornographique, ainsi que sur le danger que représente cette revue pour les mineurs .... » est une atteinte proportionnée à la liberté d’expression, en application de la loi de 1949 et de l’article 10-2 CEDH »[160]. Ces arrêts sont en concordance avec la jurisprudence de la Cour EDH qui autorise la restriction de la liberté de la presse lorsqu’elle est nécessaire à condition qu’elle soit proportionnée et adéquate au but poursuivi. On assiste ainsi à une harmonisation européenne des critères de proportionnalité en matière de restriction des libertés .

 

Cependant, le juge judiciaire est le juge de droit commun en matière de presse en raison de la richesse du contentieux  dont il a à connaître (diffamation, incitation à la xénophobie et à la haine des peuples, etc). La jurisprudence de 1996 couvre la publicité commerciale qui bénéficie déjà dans la jurisprudence de la Cour EDH d’une protection moindre que celle de la liberté de la presse. La Cour refuse le bénéfice de la liberté d’expression et de conviction aux annonces pseudo-publicitaires au profit d’une secte [161]. 

La Cour de Cassation a appliqué l’article 10-2 aux règles récentes de la publicité comparative et est attentive à la protection des droits des tiers. Elle a ainsi estimé que « les dispositions des articles. L. 121-8 à L. 121-12 introduites par la loi n°92-60 du 18 janvier 1992 du code de la consommation réglementant la publicité comparative ne sont pas incompatibles avec celles de l’article 10 CEDH, dès lors que cette réglementation obligeant à comparer des prix portant sur des produits identiques quant à leur marque, leur qualité et leur origine constitue une mesure nécessaire à la protection de la réputation ou des droits d’autrui justifiant une restriction de la liberté d’expression. Cette réglementation vise à protéger les droits et la réputation des concurrents potentiels »[162]. Cet encadrement de la publicité comparative est une restriction de la liberté d’expression reposant sur la protection des droits d’autrui en tant qu’acteurs économiques.  De même, la Cour de Cassation refuse que l’on s’appuie sur la liberté d’expression pour revendiquer le droit de faire, sous couvert d’information, une publicité illicite envers le tabac interdite par la loi du 10 janvier 1991 dite loi Evin. Cette restriction de la liberté d’expression, en vertu des articles L. l’article L.355-24 du Code de la santé publique, est une mesure nécessaire à la protection de la santé publique visée par l’article 10-2 CEDH et n’est pas discutable [163].

 

En outre, une autre ingérence étatique justifiée est l’interdiction de publication de sondages d’opinions ayant un rapport direct ou indirect avec les élections dans les huit jours précédents une consultation électorale en application de la loi du 19 juillet 1977. La Cour de Cassation a condamné une publication pour avoir publié un sondage d’opinions sur la construction de l’Europe dans la semaine précédent le referendum de septembre 1992 relatif à la ratification du traité de Maastricht. La Cour de Cassation estime que «  la loi de 1977 est une restriction visée à l’article 10-2 CEDH et protégeant la liberté des élections et la sincérité du scrutin, par ailleurs garanties par l’article 3 du P.A. n°1 à la Convention disposant que les Hautes Parties Contractantes s’engagent à organiser, à des intervalles raisonnables, des élections libres au scrutin secret, dans les conditions qui assurent la libre expression du peuple sur le choix du corps législatif »[164].  La Cour rejette aussi implicitement toute violation du principe de proportionnalité en reconnaissant la nécessité de cette mesure d’interdiction temporaire de publication qui, si elle est générale et absolue, est limitée à huit jours et vise à préserver la sérénité de la consultation référendaire. Le Conseil d’État avait déjà adopté une position analogue dans l’application de ladite loi aux élections européennes [165].

 

De surcroît, la liberté d’expression s’exerce également en période électorale et notamment dans les tracts diffusés à la veille d’élections législatives mais elle ne saurait pour autant autoriser à porter atteinte à l’honneur d’un candidat. La Cour de Cassation estime que « le contexte politique électoral  autorise une certaine polémique dans le débat public, le droit à la liberté d’expression s ’exerçant alors dans des limites autorisant une critique exempte de la même prudence qui peuvent s’imposer en dehors de ce contexte politique particulier. Si l’intention d’éclairer les électeurs sur certaines décisions prises par le candidat ,  au cours d’une campagne électorale peut constituer un fait justificatif, c’est à la condition que l’information n’ait pas été l’objet d’une dénaturation et d’une présentation tendancieuse, exclusives de toute bonne foi, faute de quoi l’information est constitutive d’une diffamation ».  La Cour de Cassation rejette l’allégation selon laquelle la condamnation du requérant pour diffamation serait une violation de la liberté d’expression en relevant que l’article 10-2 sanctionne la diffamation comme étant un procédé  inadmissible portant atteinte à la réputation et aux droits d’autrui.» [166].

 

5)      les libertés collectives

L’article 11-1 CEDH dispose que toute personne a le droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association y compris le droit de fonder avec d’autres des syndicats et de s’affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts. Les restrictions à ces libertés sont présentées dans l’art. 11-2 et sont identiques à celles des articles. 8-2 et  9-2 CEDH. Néanmoins, la CEDH admet une restriction du droit d’association et du droit syndical pour les membres de forces armées, de la police ou la magistrature. La liberté d’association est la liberté soumise à un régime répressif identique à celui de la loi française de 1901. Le comportement violent de ses membres a pour conséquence logique l’interdiction ou la dissolution de l’association en application de la loi du 10 janvier 1936 relative aux ligues. Dès lors, le décret de dissolution d’une telle association  est une restriction justifiée par la gravité  de l’atteinte à l’ordre et à la sécurité publics qu’elle représente et ne viole pas l’article 11 CEDH[167].

La Cour de Cassation a consacré la liberté négative d’association, c’est-à-dire la liberté adhérer à une association ou de s’en retirer , dans un arrêt du 23 février 1960 [168].  La Cour EDH a reconnu cette liberté dans son arrêt du 13 août 1981[169] qui avait trait au licenciement de cheminots en application d’un accord de closed shop. Ce syndicat était bénéficiaire d’une clause dite de closed shop par laquelle il est obligatoire d’être membre du syndicat pour avoir accès à un emploi en vertu du monopole syndical d’emploi. La Cour EDH avait conclu à la violation de la liberté de conscience et d’association en relevant que le système du closed shop n’était pas nécessaire pour assurer dans une société démocratique la protection des droits et libertés d’autrui. La Cour EDH avait posé trois critères permettant de mesurer la violation de la liberté négative d’association : l’importance des sanctions ou contraintes encourues en cas de refus d’adhésion, l’étendue du choix des affiliations syndicales offertes, et l’atteinte aux droits de l’adhérent  consacrés par les articles 9, 10 et 11 CEDH. Si la Cour EDH avait dans son arrêt du 28 juin 1981 reconnu la légalité de l’obligation de s’affilier à des ordres professionnels [170], elle a reconnu la liberté négative d’association dans son arrêt du 28 juin 1993 [171]  en jugeant  que l’obligation faite par la loi à un chauffeur de taxis islandais d’adhérer à une association professionnelle constitue une atteinte à la liberté négative d’association sans appliquer les trois critères retenus dans l’arrêt de 1981. La Cour EDH s’est prononcée en faveur de la liberté négative d’association dans son arrêt Gustafsson c. Suède du 25 avril 1996 en condamnant un appel au boycott d’un restaurateur lancé par un syndicat de salariés parce ce dernier refusait d’adhérer à un syndicat patronal et d’en respecter les conventions collectives [172].

En France, l’adhésion obligatoire aux ordres professionnels ainsi que l’obligation d’en demeurer membre est licite et conforme à l’article 11 CEDH. Mais La France connaît un certain nombre de situations dans lesquelles l’appartenance à une association est obligatoire, cette dernière étant chargée d’assurer la gestion d’un service public.  La Cour de Cassation et le Conseil d’État se refusent à voir dans cette appartenance obligatoire une violation de la liberté négative d’association [173].  Le Conseil d’État et la Cour de Cassation ont adopté le même raisonnement en matière d’associations communales de chasse agréées en application de la loi du 10 juillet 1964 dite loi Verdeuille. La loi prévoit l’incorporation obligatoire des forêts d’une surface inférieure à vingt hectares dans le territoire de chasse d’associations communales de chasse agréées (ACCA) tandis que leurs propriétaires deviennent membres de droit de l’ACCA. Les décisions d’incorporation sont prises par le préfet qui délimite le territoire de chasse. Le Conseil d’État a, dans une série d’arrêts rendus les 3 février, 10 mars [174] et 10 mai 1995 [175],  rejeté les recours contre de telles décisions. Le C.E. a rejeté la violation  de la liberté d’opinions comme celle du choix du mode de vie, et des droits protégés par l’article 9  CEDH en considérant « qu’aucune disposition de la loi Verdeille ne fait obligation au non-chasseur de pratiquer ou d’approuver la chasse.. ». Le C.E. s’est ensuite refusé d’admettre une violation de la liberté négative d’association, en ayant recours à un critère finaliste, considérant que « la loi du 10 juillet 1964 a institué des ACCA dans le but d’assurer une meilleure organisation technique de la chasse en France ; diverses prérogatives de puissance publique leur ont été conférées en vue de mettre ces organismes à mêmes d’exécuter la mission de service public qui leur est confiée ».  Enfin, le C.E. rejette toute violation du droit de propriété[176] et toute violation de l’article 14 CEDH interdisant toute discrimination [177].

 Ces décisions du C.E. interviennent parallèlement à deux décisions de la Cour de cassation rendues en 1994 et 1995 [178] et avant une décision de 1996 confirmant l’ensemble de la jurisprudence des deux cours suprêmes.  L’arrêt du 16 mars 1994 admet une violation des articles 9, 10 et 11 CEDH et applique les critères posés par la Cour EDH dans son arrêt du 13 août 1981 précité en relevant que »l’adhésion forcée du propriétaire dont les terres sont incorporées, ce dernier n’est soumis à aucune contrainte de participation aux activités de chasse ni à des sanctions coercitives  même s’il n’a pas la possibilité de se retirer de l’ACCA dont il est membre de droit ».  Cependant la Cour de Cassation a marqué une étape nouvelle dans l’arrêt du 11 juillet 1996 [179] qui admet la violation de la liberté négative d’association en appliquant l’arrêt Sirgursson rendu par la Cour EDH en 1993. En effet, la Cour estime, en premier lieu « que la loi de 1964 ne fait aucune obligation au propriétaire d’adhérer à l’ACCA et n’organise qu’une obligation d’être membre de droit dans un but d’intérêt général  (gestion de la faune, gestion organisée de la chasse et protection de la nature et de l’environnement)»  mais relève, en second lieu, une violation de la liberté négative d’association en considérant «que le droit de s’associer librement implique celui de ne pas être contraint d’adhérer à une association ; il y a violation de l’article 11 CEDH parce que l’obligation de devenir membre de droit d’une ACCA entraîne une contrainte pour le propriétaire tenu d’apporter son droit de chasse mais ne met à sa charge aucune obligation de faire acte d’adhésion à l’ACCA». De plus, la Cour opère un revirement de jurisprudence en décidant que « l’adhésion contrainte aux ACCA pour les propriétaires de forêts d’une surface inférieure à 20 hectares constitue une discrimination de fait et de droit contraire à l’article 14 CEDH ».  Cependant, la Cour rejette le recours en décidant que même s’il y a violation de l’article 11 CEDH, elle est justifiée par la réglementation du droit de propriété dans un but d’intérêt général qui autorise le regroupement des petites propriétés de chasse en des territoires de chasse suffisants permettrait l’exercice de ce sport par les plus démunis.  Cette évolution jurisprudentielle est limitée parce qu’elle intervient face à des associations chargées d’une mission de gestion d’un service public et dotées de prérogatives de puissance publique, la jurisprudence et la loi leur ayant reconnu des privilèges exorbitant du droit commun qui résistent à la reconnaissance de la liberté négative d’association. La jurisprudence a tendance à faire prévaloir l’intérêt général protégé ou visé face aux droits individuels atteints par l’exercice de ces prérogatives de puissance publique. En l’état actuel, la jurisprudence commence implicitement à reconnaître la violation de la liberté négative d’association mais, se refuse au nom de la protection de l’intérêt général, à en tirer les conséquences en autorisant les membres à se prévaloir de cette liberté négative pour se retirer de l’association. Si la restriction de la liberté négative d’association qu’impose l’intérêt général est incontournable, il est nécessaire d’en limiter les effets et les contraintes coercitives.  

 

   Mais la jurisprudence refuse que l’intérêt privé puisse l’emporter sur la liberté négative d’association dès lors que l’intérêt invoqué ne relève pas d’un intérêt général quelconque. La Cour de cassation (3e ch. civ.) a reconnu, dans l’arrêt  Plouviez du 18 décembre 1996, la liberté négative d’association dans une copropriété alors que le  règlement de copropriété faisait obligation aux colotis d’adhérer et de verser des cotisations à un club sportif ayant pour objet la gestion et l’administration des aménagements sportifs ou d’en démissionner en cédant son lot. La Cour de cassation décide que « ce règlement de  propriété constitue une violation de la liberté d’association et de l’article 11 CEDH parce qu’il ne s’agit pas d’une restriction nécessaire d’intérêt général prévue par la loi  visée par l’article 11-2 CEDH,  ni d’un cas où la loi impose d’adhérer à une association, ou, en ayant adhéré, d’en demeurer membre » [180] Il s’agit néanmoins, d’un arrêt dont la portée est limitée, cette association visant la protection d’un intérêt strictement privé. 

 

Bertrand PETER

Maître de conférences à l’Université d’Artois

 

III Jurisprudence

 

N.B.  Depuis la rédaction de cette chronique en avril 1998, la Cour EDH a condamné la France, le 1er février 2000 dans l’affaire Mazurek contre France à propos de l’arrêt de la 1re Civ. 25 juin 1996 M. c. R.

La Cour EDH condamne la France pour violation du principe d’égalité entre les enfants légitimes, naturels et adultérins. En l’espèce, il s’agissait d’un partage successoral entre un enfant naturel légitimé par le mariage et un enfant adultérin en application de l’art/ 760 du code vil. La Cour estime qu’il y a violation de l’article 14 CEDH, cette discrimination ne reposant pas sur une base objective et raisonnable et  qu’il n’y a pas de  rapport raisonnable de proportionnalité entre le but visé - la protection de la famille traditionnelle - et les moyens employés. L’application de l’article 760 C. Civ constitue aussi une violation du droit de propriété. En conséquence, la France devra abroger cette disposition.  Cette condamnation s’inscrit dans la jurisprudence constante de la Cour qui avait déjà condamné la Belgique et l’Autriche dans une .telle situation [181].

Enfin, la CEDH a condamné la France dans l’arrêt Chassagnou c. France du 29 avril 1999 en jugeant que la loi Verdeuille violait les art. 9, 11 et l’art. du P.A. n°1 protégeant le droit de propriété. La France est également condamnée pour violation du principe de non-discrimination posé par l’article 14 CEDH et interdisant toute discrimination fondée sur la fortune, circonstance présente en l’espèce et ne reposant pas sur un objectif raisonnable. La loi Verdeuille a été modifiée par la loi n°2000-698 du 26 juillet 2000 reconnaît aux propriétaires, opposés à la chasse par conviction, un droit d’opposition à ce que le préfet intègre leur parcelle dans le périmètre de chasse des ACCA[182].

L’article 760 C. civ. a été abrogé par la loi n°2001-11-35 du 3 décembre 2001 (cf JCP 2001 III, 20 000). Désormais, les enfants adultérins jouissent de l’égalité successorale avec les autres enfants de leur auteur.

 Décisions de la Cour EDH concernant la jurisprudence française  1996

 

            L’arrêt du 17/12/1996 cour de cassation (chambre sociale) 17 décembre 1996 Glaziou c. Maison d’arrêt de Caen.    Cette décision citée ds la chronique 1996 a été publiée au D. 1997 I.R. p. 18 et Gaz. Pal. 1997.1. panor.  41/ n°51, p. 41 (20 février 1997). Cet arrêt fait l’objet d’une note sur les conditions de travail des détenus publiée à la Gaz. Pal.1998.1,jurisprudence. p. 323, n° du 6 juin 1998.   

Droit social 1997   chronique / â  Glaziou   p. 344

 

Articles 11 et 14 CEDH     Cour EDH 29 avril 1999  Chassagnou e.a. c/ France

Cour EDH  29 avril 1999     Chassagnou c/ France        Droit administratif 1999 n°163 (juin 1999)

La loi Verdeuille est partiellement déclarée contraire à la CEDH et notamment à ses articles 11 et 14

La Cour EDH considère que l’apport des droits de chasse est incompatible avec l’art. 1 du P.A. n°1 CEDH parce qu’il s’agit d’une limitation de l’usage du droit de propriété . Selon la Cour EDH, l’article 11 (relatif à la liberté d’association) s’applique aux associations para-administratives ou disposant de prérogatives de puissance publique

 

Droit administratif Juin 1999 n°163

 Arrêt  Cour EDH  29 avril 1999     Chassagnou e.a. c/ France AJDA nov. 1999 pp. 922-932.

 

 

Cour EDH 1er février 2000 Mazurek contre France à propos de l’arrêt de la 1re Civ. 25 juin 1996 M. c. R.

La Cour EDH condamne la France pour violation du principe d’égalité entre les enfants légitimes, naturels et adultérins. Cette condamnation s’inscrit dans la jurisprudence constante de la Cour qui avait déjà condamné la Belgique et l’Autriche dans une telle situation.

 

cf C. Cass. 1°Civ. 25 juin 1996 M. c. R. arrêt n°1260 Pourvoi  n°94-14.858 Bull. civ.1 n°268 p. 188 JCP 1997 éd. G., II, 22834 note Ph. Malaurie ; R.T.D. civil 1996, 873 obs. Hauser.

 

Cet arrêt fait l’objet d’une note sur les conditions de travail des détenus publiée à la Gaz. Pal.1998.1,jurisprudence. p. 323, n° du 6 juin 1998


Articles 11 et 14 CEDH     Cour EDH 29 avril 1999  Chassagnou e.a. c/ France

Cour EDH  29 avril 1999     Chassagnou c/ France        Droit administratif 1999 n°163 (juin 1999)

La loi Verdeuille est partiellement déclarée contraire à la CEDH et notamment à ses articles 11 et 14

La Cour EDH considère que l’apport des droits de chasse est incompatible avec l’art. 1 du P.A. n°1 CEDH. Selon la Cour EDH, l’article 11 (relatif à la liberté d’association) s’applique aux associations para-administratives ou disposant de prérogatives de puissance publique

 

Droit administratif Juin 1999 n°163

 Arrêt  Cour EDH  29 avril 1999     Chassagnou e.a. c/ France AJDA nov. 1999 pp. 922-932.

 

Mais la CEDH a jugé le 29 avril 1999 que la loi Verdeuille viole à la fois l’article 11 et 14 CEDH et le droit de propriété garanti par l ‘art. 2 du P.A. n°1 CEDH. La CEDH estime que l’obligation d’adhérer à l’ACCA constitue une violation de la liberté négative d’association et de l’article 14 CEDH puisqu’elle n’oblige que les petits propriétaires fonciers opposants à la chasse (dt les bois ne st pas d’une surface supérieure à 20 hectares) à adhérer aux ACCA et à être contraints de voir leur propriété forestière faire partie d’un périmètre de chasse sur lequel chasseront les chasseurs membres de l'ACCA alors que cette obligation ne pèse pas sur les propriétaires de bois d’une surface supérieure à 20 hectares. La Cour estime que cette « limitation apportée à la libre disposition du droit d’usage constitue une ingérence dans la jouissance que les requérants tirent de leur qualité de propriétaire » alors que cette obligation ne « s’impose qu’à un nombre restreints de propriétaires privés ». Il s’agit donc d’une violation de l’art. 14 puisque l’obligation d’adhérer aux ACCA ne s’impose qu’aux petits propriétaires ; il y a discrimination fondée sur la fortune. Cf Le Monde du 30.04.1999.

 

 

 

 

CEDH     COUR EDH 29 AVRIL 1999  CHASSAGNOU E.A. C/ FRANCE

COUR EDH  29 AVRIL 1999     CHASSAGNOU C/ France

 

La Cour estime que les ACCA, même constituées en application de la volonté du législateur par la loi Verdeuille, sont des associations constituées en application de la loi du 1er juillet 1901.

Il ne saurait être soutenu que les ACCA puissent en vertu de la loi Verdeuille de prérogatives exorbitantes du droit commun, ou qu’elles utilisent tant administratives, que normatives ou disciplinaires, ou qu’elles utilisent des procédés de puissance publique, à l’instar des ordres professionnels 

La Cour EDH reconnaît que le but assigné aux ACCA d’éviter une pratique anarchique de la chasse en favorisant une gestion rationnelle du patrimoine cynégétique.

Violation du P.A n°1

Il y a violation ds la mesure où la différence de traitement opérée entre grands et petits propriétaires a pour conséquence réserver  seulement aux premiers la faculté d’affecter leur terrain  à un usage conforme à leur choix de conscience, elle constitue une discrimination fondée sur la fortune foncière au sens de l’article 14  CEDH.

Il y a donc une violation de l’article du P.A n°1combinéeavec l l’article 14  CEDH

 

L’obligation des propriétaires forestiers d’adhérer à l’ACCA imposée aux requérants par la loi Verdeuille est une ingérence dans la liberté d’association  négative. La justification de l’ingérence est prévue par la loi qui est, selon la Cour, légitimée par l’obligation de l’État de veiller, au nom de la collectivité, à la sécurité des biens et des personnes. La Cour estime en conséquence que l’ingérence prévue par la loi Verdeuille poursuivait un but légitime au sens de l’article 11-2 CEDH.

 

Nécessité dans une société démocratique

Il n’était pas nécessaire d’astreindre les requérants à devenir membres des ACCA en dépit de leurs convictions personnelles. Au regard de la nécessité de protéger les droits et libertés d’autrui pour l’exercice démocratique de la chasse, une obligation d’adhésion aux ACCA qui ne pèse que dans une commune sur quatre en France ne peut pas passer pour proportionnée au but légitime.

La Cour EDH n’aperçoit pas pourquoi il serait nécessaire de ne mettre en commun que les petites parcelles que les petites propriétés tandis que les grandes, tant publiques que privées, seraient mises à l’abri d’un exercice démocratique de la chasse saurait être considéré comme poursuivi et ne saurait être considéré comme proportionné au but poursuivi.

Il y a donc violation de l’article 11

 

Contraindre de par la loi un individu à une adhésion profondément contraire à ses convictions et l’obliger, du fait de cette adhésion à apporter le terrain dont il est propriétaire pour que l’association en question réalise les objectifs qu’il désapprouve va au-delà de ce qui est nécessaire pour un juste équilibre entre les intérêts contradictoires et ne saurait être considéré comme proportionné au but poursuivi.

La Cour reconnaît que la loi Verdeuille porte atteinte à la liberté négative d’association  des petits propriétaires forestiers  et accorde seulement des doits aux chasseurs ; de même les grands propriétaires forestiers échappent à  toute restriction de leur liberté d’association/

 

La Cour estime que l’État défendeur n’a apporté aucune justification objective et raisonnable de cette différence de traitement, qui oblige les petits propriétaires à être membres des ACCA et permet aux grands propriétaires d’échapper à cette affiliation obligatoire, qu’ils exercent leur droit de chasse exclusif sur leur propriété ou qu’ils préfèrent, en raison de leurs convictions, affecter celle-ci à l’instauration d’un refuge ou d’une réserve naturelle.   D’une part, il ne s’explique pas que les propriétés de plus de 20 hectares échappent à l’emprise des ACCA, si celles-ci ont pour but, comme l’allègue le gouvernement, d’assurer un exercice démocratique de la chasse.

  D’autre part, la Cour estime que, dans la seconde hypothèse, la distinction opérée entre petits et grands propriétaires quant à la liberté d’affecter leur fonds à un autre usage que la chasse est dépourvue de toute justification pertinente.

 En conclusion, il y a violation de l’article 11 combinée avec l’article 14 CEDH.

f C.E. 3 février 1995 Mme Godard requête n°120.407  Rec. C.E. Tables p. 794 ; cf Cass. 3° civ 16 mars 1994 Chassagnoux et a. c. A.C.C.A. de Tourtoirac et a. ; cf Cass. 1° civ 3 mai 1995 Beauvais et a. c. A.C.C.A. de la Cellette, JCP 1995 II, 2264 note Louis Boré

 

 

 



[1] et par le décret publié au J.O. du 3 mai 1974.

[2] et fut complétée par onze protocoles additionnels (P.A.).

[3] La Cour EDH a repris implicitement la distinction faite par la doctrine allemande des droits fondamentaux entre le noyau dur d’une liberté appelé contenu substantiel (Wesensgsehalt) et les caractéristiques moins importantes de la liberté qui l’entourent dans ce que l’on appelle le domaine excentrique ou périphérique (Randbereich) susceptibles d’une éventuelle limitation.

[4] cf Comm. EDH 11 janvier 1961 aff. Autriche c. Italie (req. 788/60 Annuaire. EDH vol 4 p. 139 : « considérant que les obligations souscrites par les Etats contractants dans la Convention ont essentiellement un acaractère objectif, du fait qu’elles visent à protéger les droits fondamentaux des personnes contre les empiétements des Etats contractants plutôt qu’à créer des droits subjectifs et réciproques entre ces derniers ».

[5] dans sa décision du 13 mai 1980 (req. n°8 416/79, DR 19 p. 244). D.R. signifie décisions et rapports de la Commission sur la recevabilité de la requête.

[6] cf arrêt du 29 octobre 1992 Open Door et Dublin Well Woman c. Irlande, Série A n°246.

[7]  cf C. Cass. crim. 27 novembre 1996, Bull. crim. n°431 p. 1245 (1).

[8]  cf avis de la Comm. EDH 10 juillet 1984 Kathleen Steward c. Royaume-Uni , requête n°10044/82, DR vol. 39 p. 162, rejet de la requête.

[9]  cf Cour EDH 27 septembre 1995 Mac Cann c. Royaume-Uni,  Série A n°324.

[10] cf C. Cass. ch criminelle 30 avril 1996 Pourvoi n°95.82.500 Arrêt n°2116.

[11] cf Tyrer c. Royaume-Uni du 25 avril 1978, Série A n° 26 § 29 et 32.

[12] cf Irlande c. Royaume-Uni du 18 janvier 1978, GA n°11 § 167.

[13] Série A n°241-A.

[14] cf affaire Ilse Koch requête n°1 270/61 décision de la Commission du 8 mars 1962, Annuaire 5 p. 127.

[15] cf requête n°7 754/77 X. c. Suisse, décision de la Commission du 9 mai 1977, DR 11 p. 216.

[16] cf affaire Ribbitsch c. Autriche 4 décembre 1995, Série A n°336, §38.

[17] cf C. Cass. Crim. 28 novembre 1996 Pourvoi n°96-83.987 Arrêt n°52178 ; Droit pénal 1997 Comm. 54 n. Marion. Même si ce raisonnement est juridiquement imparable, en termes de distinction de l’exercice des fonctions juridictionnelles et des conditions matérielles de l’incarcération contrôlées par l’administration pénitentiaire et le ministère de la justice, il n’en demeure pas moins vrai que les conditions de détention en France sont préoccupantes en raison de la surpopulation carcérale.

[18] Mais l’appréciation des conditions de détention ne ressortit pas de la seule administration pénitentiaire en raison de la fonction particulière exercée par le juge de l’application des peines même si ce dernier est dépourvu de toute attribution décisionnelle dans son activité de contrôle des établissements pénitentiaires.. En effet, le juge de l’application des peines est également chargé de contrôler, au moins une fois par mois, les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires situés dans le ressort du tribunal de grande instance où il exerce ses fonctions en vertu de l’art. D. 116 al. 1 C.P.P. Il examine également le registre des sanctions disciplinaires en vertu de l’art. D. 249 C.P.P. Les art. D. 249 à D. 251-8 C.P.P. ont été adoptés par le décret n°96-287 du 2 avril 1996, à la suite des arrêts Marie et Hardouin rendus par le Conseil d’Etat le 17 février 1995 établissant un régime disciplinaire soumis, dans une certaine mesure, au principe de légalité alors qu’un certain arbitraire régnait jusqu’alors. Ce magistrat peut rencontrer librement les détenus en l’absence de tout membre du personnel et transmet, s’il l’estime nécessaire ses observations à l’administration pénitentiaire mais aussi à certaines personnalités judiciaires comme le président du T.G.I., le procureur général, le procureur de la République, le président de la chambre d’accusation, le juge d’instruction, le juge des enfants et,  voire, le ministre de la justice cf Revue de l’application des peines décembre 1997 p.19.

[19] cf R.U.D.H. 1993 p. 77 § 90, 93, 102, 133.

[20] cf arrêt Soering c. Royaume-Uni du 7 juillet 1989, Série A n°161.

[21] Le C.E. a érigé dans l’arrêt Koné  (C.E. Ass. 3 juillet 1996, Rec. C.E. p. 255) au rang de principe fondamental reconnu par les lois de la République, l’interdiction d’extradition lorsque celle-ci est demandée dans un but politique. Il s’agit d’un progrès dans l’intensité du contrôle extraditionnel même si ce nouveau principe ne vient que consacrer, d’une manière solennelle, l’exigence d’une réelle qualification pénale des faits justifiant l’extradition mentionnée dans l’article 5-2 de la loi du 10 mars 1927. Mais cet arrêt  ne se réfère pas à la CEDH.

 

[22] Le C.E. rejette dans l’arrêt Bolomba 8 juin 1994 Rec. C.E. p. 292.

[23] cf C.E 30 décembre 1996 Section du contentieux Melle Barhoumi requête n°178953. Mais le risque d’excision, traitement contraire aux dispositions de l’article 3,  justifie l’annulation de l’arrêté d’expulsion cf T.A. Lyon 12 juin 1996 affaire Condé II cf JCP 1997 I, 33996 note Fochiron.

[24] cf C.E. 4 novembre 1996 Préfet du Val-d’Oise c. Aydin, Rec. C.E. p. 436.

[25] cf C. Cass. ch soc. 6 février 1996 arrêt n°455, pourvoi n°93-40.612.

[26] cf Affaire Van der Mussele c. Belgique arrêt du 23 novembre 1983 (cour plénière), Série A n°70.

[27] cf Cour EDH arrêt du 18 juillet 1994 Karlheinz Schmidt c. Allemagne, Série A n°291-B (condamnation partielle).

[28] cf C. Cass. ch. sociale 17 décembre 1996 Jean Glaziou c. ministère de la justice Arrêt n°4857  Pourvoi n°92-44.203, D. 1997, IR p. 18.

[29] En effet, l’article 720 C.P.P. (L. n°87-432 du 22 juin 1987) dispose que les relations de travail des personnes incarcérées ne font pas l’objet d’un contrat de travail.  L’article D. 103 (décret n°85-836 du 6 août 1985) précise que le travail est effectué dans les établissements pénitentiaires sous le régime de la régie directe, de la concession ou de celui qui est défini pour les détenus autorisés pour leur propre compte ou dans le cadre d’une association agréée. Sont exclusives de tout contrat de travail les relations qui s’établissent entre l’entreprise concessionnaire et le détenu mis à sa disposition selon les conditions d’une convention administrative qui fixe, notamment, les conditions de rémunération et d’emploi.

[30] Néanmoins, les détenus sont mal payés même si, en vertu de l’article D. 102 du code pénal, les rémunérations doivent se rapprocher de celles des activités professionnelles extérieures En effet, les détenus ne perçoivent qu’un revenu minoré étant entendu que sont  prélevés, en vertu des articles D. 111 et suivants C.P.P, des cotisations sociales sur ces revenus mais aussi une somme couvrant partiellement leurs frais d’entretien dans la prison qui ne saurait dépasser 30% de leurs revenus tandis qu’un prélèvement de 20% est affecté à la constitution d’un pécule de sortie et à l’indemnisation des victimes.

[31] cf Geneviève Giuducelli-Delage et Michel Massé, Travail pénitentiaire : absence de contrat de travail ; Droit social 1997 p. 344.

[32] cf D. 1997 jurisprudence p. 249.

[33] cf  C. Cass. crim. 19 décembre 1996   Pourvoi n°95-85.973  Arrêt n°5690.

[34] En effet, l’art. 5-1 c CEDH dispose que nul ne peut privé de sa liberté sauf s’il a été arrêté et détenu en vue d’être conduit devant l’autorité judiciaire compétente, lorsqu’il y a des raisons plausibles de soupçonner qu’il a commis une infraction ou qu’il y a des motifs raisonnables de croire à la nécessité de l’empêcher de commettre une infraction ou de s’enfuir après l’accomplissement de celle-ci.

[35] En vertu de l’art. 144 C.P.P. la détention provisoire est légale pour conserver preuves ou indices, empêcher les pressions sur les témoins ou les victimes ou une concertation entre personnes mises en examen et les complices. Il peut s’agir encore de protéger la personne concernée, d’éviter la réitération de l’infraction, de garantir la représentation en justice du mis en examen ou de préserver l’ordre public du trouble causé par la personne mise en examen en raison de l’importance de l’infraction ou du préjudice commis lorsque la détention est le seul moyen d’y mettre fin. La détention provisoire n’est autorisée qu’en matière criminelle et, en matière correctionnelle, si la peine encourue est supérieure ou égale soit à un an d’emprisonnement en cas de flagrant délit, soit à deux ans d’emprisonnement dans les autres cas, soit lorsque la personne mise en examen s’est soustraite aux obligations du contrôle judiciaire. En matière correctionnelle, le juge d’instruction peut décider d’une détention provisoire d’une durée de quatre mois, le mandat de dépôt étant une fois renouvelable. La détention  peut être prolongée après une audition  du prévenu par ce magistrat tandis que ce délai est de six mois en matière criminelle, également renouvelable.

[36] Pourvoi c. C-A Amiens 30 janvier 1996  ch d’accusation (Juris-Data n°003016) D. 1996, IR, 207 ; JCP 1996 IV, 1231 ; Bull. crim. n°203 p. 575 (2). A rapprocher de Cass. crim 9 mai 1994 D. 1994 IR,169.

[37] cf  Cour Cass Crim 14 mars 1996 Pourvoi n°95-86.218 Arrêt n°1419.

[38] cf C. Cass Crim 30 avril 1996 Pourvoi n°96-80.845 Arrêt 2100.

[39] cf Cour EDH affaire Toth c. Autriche arrêt du 22 décembre 1991, Série A n°224.

[40] cf C. Cass Crim 21.11. 1996 Pourvoi n°96-83.811 Arrêt °5042 ; cf C. Cass. Crim. 27 novembre 1996 Pourvoi n°96-83.934  Arrêt n°5112.

[41] La loi n°96-1235 du 30 décembre 1996 insère un art. 144-1 C.P.P. qui renforce les droits des détenus dans le courant de la jurisprudence de la Cour EDH. A ces fins, le nouvel art. 144-1 C.P.P. dispose que la détention provisoire ne peut excéder une durée raisonnable au regard de la gravité des faits reprochés à la personne mise en examen et de la complexité des investigations nécessaires à la manifestation de la vérité. Le juge d’instruction doit ordonner la mise en liberté immédiate de la personne placée en détention provisoire, selon les modalités de l’art. 147 C.P.P. (relatif aux modalités du contrôle judiciaire), dès lors que les conditions prévues à l’article 144 et au présent article ne sont plus remplies. La loi du 30 décembre 1996 insère un nouvel article 145 C.P.P plus contraignant que par le passé en matière de motivation de l’ordonnance du juge d’instruction qui doit comporter l’énoncé des considérations de droit et de fait sur le caractère insuffisant des obligations du contrôle judiciaire et le motif de la détention par seule référence aux dispositions de l’article 144 C.P.P. Ces nouvelles dispositions permettent une meilleure protection du prévenu ou de l’accusé puisqu’elles fixent aussi au juge d’instruction un délai préfix de quatre jours pour ordonner le placement en détention provisoire. Si le juge n’ordonne pas un tel placement, la personne est mise en liberté d’office.

[42] cf Cour EDH affaire Winterwerp c. Pays-Bas arrêt du 24 octobre 1979, Série A n°33.

[43] cf B. Maligner, Le Quotidien. juridique 23 mai 1995 p. 4.

[44] cf C.E. 25 mars 1994 Massol ; JCP 1994 IV, 1502 ; R.F.D.A. 1994 p. 631.

[45] cf C.E. 3 mars 1995 M.R.S., Rec. C.E. p. 118.

[46] cf  C.E. 3 mars 1995 Ministre de la Santé c. M.F.D., Rec. C.E. p. 119.

[47] cf C.E. Ass. 22 janvier 1992 Administration de l’Assistance publique à Paris (aff. Beau de Loménic), Rec. C.E. p. 32.

[48] cf C.E. 11 mars 1996 ministre de l’intérieur et de l’aménagement et du territoire c. Melle SN requête n°160309 ou aux « menaces de mort proférées à l’encontre d’un tiers à la suite d’un différend et réitérées dans les locaux des services de police, qu’un tel comportement peut faire craindre qu’il mette ses menaces à exécution » cf C.E. 11 mars 1996 M.A. requête n°130549..

[49] L’arrêté préfectoral ne peut comporter que des éléments se rapportant à l’ordre public et susceptibles d’appuyer matériellement les conclusions du certificat médical, sans toutefois les préjuger. C’est pourquoi la seule mention que peut relever cet arrêté est le signe de l’aliénation mentale corroboré par le comportement de la personne sans lui donner la moindre qualification médicale cf C.E. 31 juillet 1996 Mme B. requête n°143.256.

[50] cf C.E. 31.07.1996 Mme B.

[51] cf Affaire Engel et autres c. Pays-Bas arrêt du 8 juin 1976, Série A n°22.

[52] cf affaire Bendenoum c. France 24 février 1994, Série A n°284.

[53] cf C.E. avis du 31 mars 1995 ministre du Budget c. SARL Auto-Industrie et autre estimant que «les principes que fixe l’article 6 sont applicables aux contestations des majorations d’impôts prévues à l’article 1729-1 du code général des impôts, en cas de manoeuvres frauduleuses qui, dès lors qu’elles présentent le caractère d’une punition visant à empêcher la réitération des agissements qu’elles visent et n’ont pas pour seul objet la réparation pécuniaire d’un préjudice, constituent, même si le législateur a laissé le soin de les établir et de les prononcer à une autorité administrative, des accusations en matière pénale au sens de l’article 6-1 CEDH », Rec. C.E. p.154.

[54] cf Cour EDH affaire Beaumartin c. France arrêt du 24 novembre 1994, série A n°269-B.

[55] cf affaire Ashigdane c. Royaume-Uni Cour EDH arrêt du 28 mai 1985, Série A n°93 §57.

[56] cf arrêt du 28 mai 1985, Série A n°93 § 57 et arrêt Phillis c. Grèce 27 août 1991, Série A n°209 §59.

[57] cf Cour de cassation chambre sociale, 17 déc. 1996, Jean Glaziou contre ministère de la justice, Arrêt n°4857 -Pourvoi n°92-44.203, arrêt précité à la note 28 ; D. 1997, IR p. 18

[58] C.E. Ass. 11 juillet1984, Rec. 259, D. 1985 p. 150 concl. Genevois, obs. Pacteau, confirmant C.E. 27 Octobre 1978, Debout, Rec. C.E., 395.

[59] cf Affaire Le Compte, Van Leuven et De Meyere c. Belgique,  21 juillet 1981,Série A n°43 ; Gaz. Pal. 1981, 2, 775.

[60] cf note de M. Lascombe et D. Vion , JCP 1996 II, 22669.

[61] cf C.E. 26 juillet 1996 Pandit, Rec. C.E. p. 303 ; cf C.E. 30 décembre 1996 Rochard, requête n°165432.

[62] cf L. Sermet  « le bilan de la jurisprudence du Conseil d’Etat sur l’application de l’article 6 CEDH 1995 et 1996, R.F.D.A. 1997 p. 1010.

[63] cf  C.E.  5 avril 1996 Syndicat des avocats de France requête n°116.594 R.F.D.A. 1996 p. 1199.

[64] cf arrêt  de la  1re  chambre civile du 10 janvier 1984 Renneman, Bull. civ.1 n°8.

[65] cf Cass 1re chambre civile 17 juillet 1996   (X. c. Procureur général de la C.A. de Besançon) Bull. Civ.1 n°320

[66] cf C. Cass. 1re  civ  9 juillet 1996 D. 1996 I.R., 190 ; JCP 1996 IV, 2086 ; Bull. Civ. n°301.

[67] cf  C. Cass. crim.  26 septembre 1996  Bull. Crim. n°333 p. 991.

[68] cf Cass Crim 21 février 1996 Bull. Crim. n°82 p. 234 (1) pourvoi n°95-82.085.

[69] cf C. Cass. 2° Ch Civ .9 octobre 1996 Pourvoi n°94-20.00.02 Bull. Civ.2 n°222.

[70] cf C. Cass 1° Civ  19 novembre 1996   Epoux Denier c. époux Sordello  Pourvoi n°94-21.000 Bull. civ.1 n°405.

[71] cf C. Cass. chambre commerciale et financière 18 juin 1996 Conso Bull Civ 4° partie n°179 p. 155.

[72] cf C. Cass. crim. 7 Mai 1996 Bull. crim. n° 190 p. 550.

[73] cf C. Cass Ass. plénière 14 juin 1996  Kloeckner c. Directeur général des Impôts Bull Civ n°5.

[74] cf C. Cass. chambre commerciale 22 octobre 1996 Société Monin, Pourvoi n°94-19.472, arrêt n°1499.

[75] cf C.E.  14 juin 1991 Association Radio-Solidarité Rec. C.E. p. 232, cf jurisprudence présentée par M. Lascombe dans sa note précitée..

[76] cf C.E. 9 octobre 1996 Association « Ici et Maintenant », Rec. C.E. p. 401.

[77] cf Cour EDH aff. Engel et autres c. Pays-Bas arrêt du 8 juin 1976, Série A n°22 précité.

[78] cf  C. Cass ch comm et financière.   Haddad 9 avril 1996  Bull civ ch commerciale et financière 4° partie n°115 p. 96

[79] en vertu de l’article 194 de la loi du 25 janvier 1985 relative aux entreprises en difficulté, aux mesures de redressement et de liquidation judiciaire ainsi qu’à la faillite personnelle, cf C. Cass. Comm. 9 juillet 1996 Tapie c. Sté de banque occidentale et a. Pourvoi n°95-13.424. Bull. Civ. 4° partie ch. comm et fin. n°207 p. 178.

[80] En effet, la chambre d’accusation exerce un contrôle de l’activité des fonctionnaires civils et militaires et des élus locaux ayant la qualité d’agents ou d’officiers de police judiciaire. en vertu des articles 224 et suivants CP.P. Elle se réunit, en vertu de l’article 199 C.P.P, à huis clos lorsqu’elle statue en matière disciplinaire à l’égard des agents et officiers de police judiciaire. A cette occasion, la chambre d’accusation se réunit en chambre du conseil. La Cour de Cassation rejette toute violation de l’article 6-1 parce que « la chambre du conseil siégeant comme juridiction disciplinaire des agents ou officiers de police judiciaire, ne se prononce ni sur des contestations relatives à des droits ou des obligations de caractère civil, ni sur le bien-fondé d’une accusation en matière pénale » cf C. Cass. crim. 26 novembre 1996, Bull. crim. n°425 p.1230 confirmant C. Cass. crim. 2 mars 1988, Bull. crim. n°112.

[81] cf  C.E. 11 mars 1996  S.C.I. du domaine des Figuières   Rec. C.E.  p. 71.

[82] cf C.E. 11 décembre 1996 Mme Kabouche requête n°168672 et  C.E. 30 décembre 1996  Mme Bouchekourte requête n°156774.

[83] cf Cass. 1° Civ 13 novembre 1996 Ordre des avocats au barreau de Lille c. Procureur général de la cour d’appel de Douai, Bull. Civ.1 n°391.

[84] cf Comm. décision du 7 octobre 1985, requête n°10 847/84, DR 44.

[85] cf Cour EDH 1à février 1995 Allenet de Ribemont, Série A n°308 § 86.

[86] cf C. Cass. chambre commerciale et financière 18 juin 1996 Conso Bull Civ 4° partie n°179 p. 155.

[87] cf C.E. 8 décembre 1995 Mouvement de défense des Automobilistes ,D. 1997, jurisprudence p. 287.

[88] cf C. Cass. Crim. 10 juillet 1996 D. 1996 I.R. p. 226 ; cf Bull. Crim. n°289 (2).

[89] cf Cour de cassation chambre criminelle 23 juillet 1996, X pourvoi n°96-82.238 ; arrêt n°3353.

[90] cf C. Cass. Crim. 25 juin 1996 Pourvoi n°95-80.592 Arrêt n°2898 Dalloz 1997 jurisprudence  pp. 100-101. Note J-F Renucci.

[91] cf Cour EDH Kamanski c. Autriche 19 décembre 1989, Série A n°168.

[92] cf C. Cass. crim 14 mai 1996 X  Bull. crim. n°202 cf  D. 1997 Somm comm. p. 143-144.

[93] cf C. Cass. Crim. 5 juin 1996 Bull. crim. n°333 p. 713 (2).

[94] « Les conditions météorologiques n’ont pas empêché le prévenu d’être présent à l’audience et ne constituent pas un cas force majeure pour son avocat qui avait  les mêmes facultés que lui d’être présent à l’audience, il ne peut être invoqué une violation des droits de la défense.  Dès lors si l’article 417 C.P.P., comme l’article 6-3c CEDH, reconnaissent au prévenu le droit de se faire assister par un défenseur de son choix, la nécessité d’assurer la continuité du cours de la justice et celle de permettre le jugement des prévenus dans un délai raisonnable font obstacle à ce que l’absence du défenseur choisi entraîne nécessairement le renvoi de l’affaire à une date ultérieure».cf C. Cass. Crim. 17 janvier 1996 Pourvoi n°95-82.114 Arrêt n°331 Bull. Crim n°29 p. 67 (1).

[95] cf C. Cass. crim. 21 février 1996 requête n°95-82.085, Bull. crim. n°82 p. 235.

[96] cf C. Cass. crim 2 octobre 1996 Lejean I.R. 1997 p. 7 et D. 1997 jurisprudence pp. 149-150  Bull. crim. n°343 Voir, dans le même sens C. Cass. Crim. 12 juin 1996, D. 1996 IR p. 207.

[97] cf arrêt de la Cour de Cassation du 30 juin 995 D. 1995, jurisprudence p. 417, note de Jean Pradel.

[98] cf C. Cass. Civ  2ème ch 22 mai 1996 Arrêt n°463 Pourvoi n°93-13.448  Bull.  Civ.1 n°106.

[99] cf C. Cass. 3ème ch civ 6 mars 1996 P.A.C. de la Ville de Paris c. Mme Yedei  ; D.1997, jurisprudence p.167, Bull. civ. n°360

[100] cf Eriksson c. Suède arrêt du 22 juin 1989, A n°156.

[101] cf Requête Hendriiks c. Pays-Bas, n°8427/778, rapport du 8 mars 1982, DR 29 p. 5.

[102] cf C. Cass. Civ.1 17 décembre 1996 Mme Manjard, arrêt Pourvoi n°94-20.073.

[103] cf Cour EDH arrêt Marckx c. Belgique du 13 juin 1979, Série A n°31 ;Vermeire 29.11.1991, Série A n°214-C.

[104] cf C. Cass. 1°Civ. 25 juin 1996 M. c. R. arrêt n°1260 Pourvoi n°94-14.858 Bull. civ.1 n°268 p. 188 JCP 1997 éd. G., II, 22834 note Ph. Malaurie ; R.T.D. civil 1996, 873 obs. Hauser.

[105] En effet l’article 760 C.C. dispose que les enfants naturels dont le père ou la mère était, au moment de leur conception engagé dans les liens d’un mariage d’où sont issus des enfants légitimes, sont appelés à la succession de leur auteur en concours avec ces enfants ; mais chacun d’eux ne recevra que la moitié de la part à laquelle il aurait eu droit si les enfants du défunt, y compris lui-même eussent été légitimes. La fraction de sa part héréditaire ainsi diminuée accroîtra aux seuls enfants issus du mariage auquel l’adultère a porté atteinte ; elle se divisera entre eux à proportion de leurs parts héréditaires.

[106] cf CEDH 28 octobre 1987, arrêt Inze c. Autriche du 28 octobre 1987, Série A n°126 relatif à la préférence donnée à un enfant légitime sur un enfant naturel dans l’attribution d’une ferme par voie de succession ab intestat.

[107] cf Cass. Crim. R. 7 Mai 1996  (Juris-Data N°003OO8). JCP 1996 IV, 1897. Bull Crim .n°189 p. 548 ; Dalloz 1996 I.R., 255.

[108] cf Cass crm 16.10.1996 consorts X    Bull. crim. n°133 p. 382. Comp. T.G.I. Toulouse du 30.10.1995, D. 1995, jur. p. 101 n. Mayer et Chassaing.

[109] cf C. Cass. Crim. 6 mars 1996 X . Bull. Crim. n°133 p. 382 ; cf D. 1997 somm. annotés p. 46.

[110] cf C.E. 2° et 6° sous-sections réunies 1 juillet 1996 C.E. 31 juillet 1996 Ministre de l’intérieur c. Mlle Biaou   D. 1996 IR, 202. ; Rec. C.E. p. 330.

[111] cf C.E. 31 juillet 1996 2°et 6° sous-sections réunies Epoux Pilven  requête n°154112 , Rec. C.E.. p. 329.

[112] cf M. Flauss, CEDH et droit administratif, AJDA 1996 p. 1005 et Sudre, JCP 1997 éd. G. I., 1400.

[113] cf C.E. 9.10.1996 Hajd Ahmed. D. 1997 I.R. .6 ; cf C.E. 10 .07.1995  D. 1995 somm. p. 101 obs.s Julien-Laferrière ; C.E. 10.11.1996 Somm. p. 106.

[114] cf C.E. 29 mars 1996 Préfet de la Marne  requête n°155673, Rec. C.E. p. 106.

[115] cf C.E. Section du contentieux, 18 décembre 1996   M. Diamaouanga   Requête n°171195.

[116] cf C.E. 6 mai 1996  Mme Boni requête n°156115 ; cf C.E. 6 décembre 1996 Préfet du Rhône requête n°169554.

[117] En effet, ces enfants sont  éventuellement appelés à devenir Français en vertu du jus soli. De plus, l’article 3 du P.A. n°3 interdit l’expulsion des ressortissants de l’Etat.

[118]  cf. C.E. 6 décembre 1996 Préfet du Rhône requête n°169554.

[119] cf C.E. 11 décembre 1996 Préfet du Val-de-Marne c. Mlle Aguiar requête n°177287.

[120]  cf C.E  9 décembre 1996 M et Mme EL HOR Section du contentieux 2°/6° ss-sections réunies requête n°162875.

[121] C.E. 31 juillet 1996 2°et 6° sous-sections réunies  Keddar  requête n°149675 Leb. p. 328.

[122] cf  C.E. 6 décembre 1996 Mme Lumoni  Requête n°163644.

[123] Le C.E. prend aussi en compte les efforts d’intégration  du requérant en France cf C.E. 13 décembre 1996 Mlle Nguala Masanga requête n°179806.

[124] cf C.E. 30 décembre 1996 Préfet de police de Paris requête n°171941 , même considération des attaches effectives en France.

[125] cf C.E. 30 octobre 1996 - 2e/6e sous-sections réunies Mohammedi, requête n°148563, Rec. C.E. p. 418.

[126] cf C.E.  2e/6e  sous-sections du contentieux réunies  9 décembre 1996  Mme Kadri.

[127] cf C.E. 18 septembre 1996  Préfet des Yvelines requête n°161150.

[128]cf C.E. 10 novembre 1995 Préfet des Yveines c. Melle Azzouzi requête n°143.275 Rec. C.E. Tables p. 795.

[129] cf C.E. 10° ss-section du contentieux  30 décembre 1996 Préfet du Rhône c. Calman  requête n°169555.

[130] cf  C.E. 10° sous-section du contentieux  6 décembre 1996 Préfet du Rhône c. Melle Barka requête n°169554.

[131] cf C.E. 10 janvier 1996 Mme Diallo requête n°161184  Rec. C.E. p. 6.

[132] cf C.E. 17 mars 1976 Todeschini, Rec. C.E. p. 157.

[133] cf C.E. 15 avril 1996 Mme Rakotomavo requête n°136.079.

[134] C.E. 30 décembre 1996 Préfet de la Haute-Garonne c. Mme Benhamida  requête n°171012. C.E. 30 décembre 1996 Mme Mobela requête n°1622133

[135] pour de plus amples détails voir Xavier Vandendriessche comm. de l’art. 8 CEDH in « La CEDH et le juge français », Vadecum de pratique professionnelle ss la direction de Martine Cliquennois, éd. L’Harmattan 1997 et ibid. Juris-classeur droit administratif  1997 Fascicule 234 Etrangers : entrée et séjour n°84 et s.

[136] cf Com. DR 14 décembre 1962 Eglise réformée X c. Pays-Bas, Ann. 1962 p. 287.

[137] cf DR 5 mai 1979 Church of Scientology c. Suède.

[138] cf affaire Kokkinakis 25 mai 1993 (Série A n°260-A).

[139] cf DR 14 octobre 1985 Johansen c. Norvège.

[140] cf C.E. 2 novembre 1992 Kehrroua, Rec. C.E.. p. 389.

[141] Le C.E. a également rendu en 1996 des arrêts relatifs au prosélytisme religieux mais sans référence à la CEDH cf Rec. C.E.. p. 460, 461 et 463.

[142] cf C.E. Ass. 14 avril 1995 Koen, Rec. C.E. p. 168.

[143] cf C. Cass 2° Ch Civ 8 octobre 1996 Arrêt n°973 Pourvoi n°95-10.461.

[144] cf C.E. 10 janvier 1996 M. Huret requête n°153477.

[145] C.E. 3 Juillet 1996 1 et 4° sous-sections réunies Paturel  requête n°140872, Rec. C.E. p. 256.

[146] Les dispositions de l’article 375 et suivantes du Code civil autorisent le juge des enfants à prendre des mesures éducatives ie des mesures prises dans l’intérêt de l’enfant lorsque « la santé, la sécurité, la moralité du mineur non émancipé sont en danger ». Ces mesures peuvent consister dans des soins, un placement dans une institution relevant de l’Aide sociale à l’enfance. Elles impliquent a fortiori des soins médicaux urgents.  Ces types de recours, sous couvert de liberté religieuse et de conscience, sont la manifestation d’un retour en force des fondamentalismes qui ne peut être admis dans l’intérêt même des enfants concernés. L’autorité confiée aux parents trouve une limite légitime et proportionnée dans l’obligation positive pour l’Etat de pratiquer une ingérence étatique destinée à assurer la protection desdits enfants des convictions et comportements des adultes les mettant en danger.

[147]La Cour de Cassation refuse avec sagesse les arguments des membres des commandos-anti-I.V.G. en estimant que « les dispositions de l’article L. 162-15 du Code de la santé publique réprimant l’entrave à l’I.V.G. ne sont pas inconciliables avec celles des article 9 et 10 CEDH, dès lors que la liberté d’opinion et la liberté de manifester ses convictions peuvent être restreintes par des mesures nécessaires à la protection de la santé ou des droits d’autrui »

cf  C. Cass. Crim 31 janvier 1996  Pourvoi n°95-81.319 ; Arrêt n°652 ; Bull. crim n°57 p. 147 (2).

[148] L’article 10-2 dispose que « l’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités  peut être soumis à certaines conditions,  restrictions ou sanctions prévues par la loi qui constituent des mesures nécessaires, dans une société  démocratique,  à  la sécurité nationale ou  à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique,  à la défense de l’ordre, à la prévention du crime,  protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire ».

[149] cf Cour EDH Observer et Guardian c. Royaume-Uni, arrêt du 26 novembre 1991, Série A n°216, § 59.

[150] cf V. Coussirat-Coustère, commentaire de l’article 10-2 in, La C.E.D.H. commentaire par article s la dir. de Petiti, Decaux, Economica, 1995.

[151] cf arrêt Sunday Times c. Royaume-Uni n°1 du 26 avril 1979, Série A n°30.

[152] cf Comm. EDH 24 juin 1996 Pierre Marais c. France, req. n°31159/96, rejetant l’admission de la requête.

[153] cf décision Comm EDH  11 janvier 1961 Autriche c. Italie  (req. 788/60) Annuaire. EDH vol 4 p. 139.

[154] Le C.E. avait déjà rendu un arrêt relatif au pouvoir de sanction du C.S.A. mais cet arrêt ne mentionnait pas la CEDH cf  C.E. Ass. 11 mars 1994 S.A. « La Cinq », Rec. C.E. p. 118.

[155] L’article 42 de la loi du 30 septembre 1986 confère au C.S.A. un pouvoir de sanction encadré par la précision des manquements sanctionnables prévus par la loi qui s’étend à la décision de suspension provisoire de l’autorisation d’émettre qui ne peut excéder trois mois à la réduction de la durée de l’autorisation d’émettre et, le cas échéant, jusqu’au retrait même de l’autorisation d’émettre. Les articles 42-1 et 42-2 donnent au C.S.A. le pouvoir d’infliger une sanction pécuniaire à l’opérateur audiovisuel ne respectant pas ses obligations laquelle doit être proportionnée aux manquements relevés.

[156] cf C.E. 20 mai 1996 Société Vortex, Rec. C.E. p. 189.

[157] Il s’agit également de la confirmation de l’intégration de la dignité humaine dans les pouvoirs de police cf C.E. 27 octobre 1995 Comune de Morsang-sur-Orge, Rec. C.E. p. 372.

[158] cf C.E. 5° et 3° ss-sections réunies  9 octobre 1996 Association « Ici et Maintenant »  Lebon pp. 401-403.

[159] cf C.E. 28 juillet 1995 Association « Alexandre » requête n°159172 ; Rec. C.E. Tables. p. 794.

[160] cf C.E. 16 octobre 1996 Société Actua requête n°179.533.

[161] cf DR 5 mai 1979 Church of Scientology c. Suède.

[162] cf Cass Crim 16 octobre 1996 Pourvoi n°95-84.814  Arrêt n°4520  D. 1997 ; I.R. p. 13. Bull. crim n°364 p. 1067 (1).

[163] cf Cass ch Crim 21 février 1996 Pourvoi n°95-81.603 Arrêt n°977 Bull. crim. n°86 p. 244 (2).

[164] cf C. Cass. crim. 14 mai 1996 Pourvoi n°94-82.440  Arrêt 2334    Bull. Criminel n°204 p. 577 (2).

[165] cf C.E. 17 février 1995 Meyet et autres, Rec. C.E. p. 79.

[166] cf C. Cass Crim 1 octobre 1996  Pourvoi n°94-83.981.

[167] cf C.E. 8 septembre 1995 Comité du Kurdistan et autres requêtes n°155.161 et 155.162 Rec. C.E. Tables. p. 794.

[168]  cf C. Cass. 1ère ch civ du 23 février 1960 Société coopérative agricole de Vaucouleurs c. Prétagut D. 1961, p. 55 n. F-G. La Cour estime qu’il est normal qu’on ne puisse contraindre quiconque à adhérer à une association, aussi utiles et aussi nobles que soient ses buts » en jugeant ainsi contraire à la liberté d’association et comme telle illégale la délibération d’une assemblée générale d’une société coopérative agricole qui impose à ses membres de faire partie d’une association étrangère à la coopérative.

[169] cf Cour EDH 13 août 1981 Young, James et Webster contre Rouyame-Uni, Série A n°44.

[170] Le Compte Van Leurven et de Meyere c/ Belgique, Série A n°43 ; Gaz. Pal 1981, 2, 775 note G. Delaware.

[171] cf Cour EDH 28 juin 1993 Sigurjonsson c. Islande, Série A n°264 .

[172] CEDH 25 avril 1996 aff. Gustafsson c. Suède ; D. 1997, jurisprudence p. 363, note Jean-Pierre Marguénaud et Jean Mouly.

[173] La  Cour de Cassation a rejeté toute violation de la liberté négative d’association dans l’appartenance obligatoire à une association agréée de pêche dans un arrêt du 9 mars 1995.  Selon la Cour, «les restrictions qu’apporte à la liberté d’association, consacrée par l’article 11 CEDH, l’obligation faite à tout pêcheur d’adhérer à une association agréée, sont justifiées par la protection des droits et libertés d’autrui, dont relève la préservation du patrimoine piscicole, oeuvre d’intérêt général, assurée par la gestion organisée de ses ressources. Ces restrictions sont  prévues par l’article 11-2 CEDH et ne constituent pas une violation de la liberté négative d’association » cf C. Cass. ch. crim. 9 mars 1995 X, D. 1995 I.R. p. 121.

[174] C.E. 3 février 1995 Mme Godard requête n°120.407  Rec. C.E. Tables p. 794  ; C.E. 3 mars 1995 Galland req. n°120.615.

[175] requêtes n°112.572, 112.580, 12°.075 et 120.572 Rassemblement des opposants à la chasse et a., 120..367, 120.370, 120.371,  137.025.

[176] Le C.E. rejette aussi toute violation du droit de propriété garanti par l’art. 1 al. 1 du P.A. n°1 en estimant « qu’en vertu de l’alinéa 2 de l’art. 1 du P.A. n°1, les Etats gardent le droit de réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ; la circonstance que les terres ont été incluses dans le territoire de chasse des ACCA et que les titulaires du droit de chasse peuvent venir y pratiquer cette activité n’a pas privé les requérants de leur propriété, mais a seulement apporté une limitation à l’usage de ce droit  conformément aux règles édictées par la loi, lesquelles ne sont pas disproportionnées par rapport à l’objectif d’intérêt général poursuivi » cf C.E. 10 mai 1995 M. Montion et a. Société nationale de protection de la nature req. n°112.580, 112.752.

[177] Le C.E. a rejeté  toute violation de l’article 14 CEDH en considérant que « la définition faite par la loi Verdeuille entre les propriétés d’une surface inférieure ou supérieure à 20 hectares correspond à une différence de situation eu égard aux objectifs poursuivis par la loi et en particulier à la gestion du patrimoine cynégétique ; que ces règles n’édictent aucune discrimination fondée fondée sur la race, la fortune..» cf C.E. 10 mars 1995 M. Dumont req. n°120.346 ; Pinon req. n°120.392, 10 mai 1995 .M. Sauvage  req. n°120.371.

[178] cf Cass. 3° civ 16 mars 1994 Chassagnoux et a. c. A.C.C.A. de Tourtoirac et a. ; cf Cass. 1° civ 3 mai 1995 Beauvais et a. c. A.C.C.A. de la Cellette, JCP 1995 II, 2264 note Louis Boré.

[179] cf C. Cass. 3° ch civ 11 juillet 1996  Jean- Louis Hay Arrêt n°1400 Rejet Pourvoi n°94-14.769.

[180] cf Cass. 3e ch. civ. 18 décembre 1996 ; Christian Plouviez c. Association du club des sports de Rimberlieu, pourvoi  n°93-19-552.

Gaz. Pal. 1997.1. jurisprudence, note de Jean-Claude Vindreau.

[181] cf CEDH 1er février  2000 Mazurek c./ France , note d’Adeline Gouttenoire-Cornut et de Fr. Sudre,  JCP 2000 éd. G., II 10286.

[182] cf art. L. 222-10, du code rural, L. 2000-698 . D. 2000, Lég. p. 349.